Shein, le champion chinois de la fast-fashion aux méthodes décriées

Par Vincent Solacroup
24 mars 2024 19:00 Mis à jour: 24 mars 2024 19:16

Choix infini et prix mini : le champion du prêt-à-porter bon marché Shein, qui connaît un succès fulgurant dans un contexte d’inflation, est décrié notamment en France pour des pratiques jugées néfastes pour l’environnement, la consommation et les droits de l’homme.

Fondée en Chine en 2008, l’application Shein, qui a son siège à Singapour, a rapidement conquis le marché mondial de la mode éphémère ou fast-fashion, basée sur le renouvellement rapide de collections à très petits prix.

Les députés socialistes Dominique Potier et Boris Vallaud avaient obtenu le 14 novembre 2023 la saisine du « point de contact national de l’OCDE », une instance adossée à l’Organisation de coopération et de développement économiques. Cette procédure analyse plusieurs aspects de la chaîne de production de l’entreprise de vente en ligne : notamment, le respect des droits de l’homme et les conditions de travail de ses employés, les incidences sur l’environnement ainsi que sur la santé des consommateurs.
« Chaque fois que l’on crée des objets jetables, on crée des êtres humains jetables », avait déclaré le député PS Dominique Potier.

Prix cassés et renouvellement continu et rapide des collections

Shein, qui ne vend qu’en ligne, cible une clientèle jeune très présente sur les réseaux sociaux.

Robe de chambre à 7 euros, bracelets à moins de 50 centimes… la marque propose en ligne un nombre infini d’articles de mode à prix cassés, à grand renfort de marketing.

Un concept qui séduit dans les pays occidentaux, où l’inflation grève le pouvoir d’achat des consommateurs, mais est écrié par certains car il favoriserait une hyper-consommation du fait du renouvellement continu et rapide des collections.

La force de frappe de Shein repose sur la Chine, lui assurant son succès fulgurant.

Le travail forcé mis en place par Pékin

Shein, à l’instar d’autres enseignes comme Zara ou H&M, est aussi accusé d’avoir recours à des sous-traitants sous-payés travaillant dans des ateliers aux mauvaises conditions de travail, notamment de tirer profit du travail forcé des membres de la minorité musulmane ouïghoure dans des champs de coton et ateliers de la région du Xinjiang.

En effet, la Chine constitue le premier pays fournisseur de coton au monde et la région du Xinjiang fournit 90% du coton chinois.

L’entreprise s’en défend et assure que sa chaîne d’approvisionnement fait régulièrement l’objet d’audits indépendants. Mais « des experts affirment que ces types d’audits sont facilement manipulés ou falsifiés sous la pression des autorités », écrivent des parlementaires américains qui ont demandé une enquête indépendante sur les accusations de travail forcé des Ouïghours.

Ainsi, Shein peut disposer d’une vaste industrie textile à bas coûts.

Les  avantages d’un pays ultra connecté

D’autre part la firme utilise un réseau logistique particulièrement performant, dans un pays ultra connecté où le commerce en ligne est particulièrement avancé.

Le Bangladesh, deuxième exportateur mondial de vêtements derrière la Chine et où les salaires sont moins élevés, « pourrait en théorie vendre des vêtements moins chers que Shein », souligne l’analyste Allison Malmsten, du cabinet spécialisé Daxue Consulting. « Mais il n’y a pas d’écosystème pour les commercialiser, les promouvoir, les vendre à l’étranger et ensuite les expédier », fait-elle remarquer à l’AFP. « La Chine possède tous ces éléments », fait valoir Mme Malmsten.

Cela donne aux entreprises implantées dans le pays un avantage considérable en termes de coûts et de rapidité sur toutes les étapes de la chaîne d’approvisionnement.

Un atout dont profite également l’application chinoise Temu, qui rivalise désormais aux États-Unis avec le géant Amazon, grâce à une vaste gamme d’articles du quotidien à prix réduits.

Shein a ainsi pu mettre en vente l’an dernier un nombre impressionnant de modèles de vêtements (1,5 million), loin devant la marque espagnole Zara, pionnière du prêt-à-porter bon marché (40.000), selon une étude menée par Sheng Lu, un expert de la mode rattaché à l’Université du Delaware (États-Unis).

Une telle variété d’articles s’accompagne généralement de risques et de coûts de production considérables pour ces grands groupes.

Shein, qui n’est pas tenu de publier ses résultats car non coté en Bourse, a réalisé 23 milliards de dollars de chiffre d’affaires et 800 millions de bénéfice en 2022, selon le quotidien américain The Wall Street Journal. « Shein s’en sort car il est très réactif et a peu d’invendus dans ses entrepôts », analyse Rui Ma, un expert du marché chinois qui publie la lettre d’information Tech Buzz China.

Pour éviter « les pièges de la surproduction », la marque lance d’abord chaque nouveau produit en petite quantité, « 100 à 200 articles », précise Shein à l’AFP. « Seuls les produits que nos clients veulent vraiment sont ensuite réapprovisionnés », ajoute la marque.

Le succès de Shein « dépend fortement de la rapidité de mise sur le marché », souligne Sheng Lu, l’expert de l’Université du Delaware. Pour ce faire, Shein travaille avec plus de 5000 fournisseurs. Les moins performants sont régulièrement écartés, affirment des médias locaux.

Pour repérer les nouvelles tendances, la marque scrute réseaux sociaux et données d’utilisateurs. Les équipes de Shein « ne sont pas avec des carnets à dessin mais avec des ordinateurs et des données », résume Allison Malmsten.

Parfois, des modèles ressemblent à s’y méprendre à ceux de concurrents. Uniqlo, le champion japonais du prêt-à-porter, accuse ainsi Shein d’avoir copié la forme d’un mini-sac et a porté plainte en janvier contre la marque au Japon. Shein se défend de tout plagiat.

L’application peut en tout cas compter sur une armée de fans, très actifs sur les réseaux sociaux pour son image. Contrairement aux marques de luxe qui font appel à des célébrités, Shein mise sur « des influenceurs » sous la forme de « personnes ordinaires », selon Mme Malmsten.

Une loi en France contre la fast-fashion

En France, l’Assemblée nationale a adopté en mars une proposition de loi pour rendre ces produits moins attractifs et ainsi limiter l’impact sur l’environnement d’une production qu’elle juge excessive et qui ferait en partie appel à des produits chimiques toxiques.

La mesure principale est le renforcement du système de « bonus-malus » dans le secteur textile, pour tenir compte des « coûts environnementaux » d’une production excessive. La pénalité serait liée à « l’affichage environnemental » des produits, une nouvelle méthode de notation des produits devant être mise en œuvre.

Le Sénat doit encore se prononcer sur ce texte.

 

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