C’est devant une salle comble que la compagnie Shen Yun Performing Arts s’est présentée le samedi 12 mai pour sa dernière représentation de la saison 2018 en France. Le Grand Théâtre de Provence à Aix bruissait de l’enthousiasme des spectateurs, impatients de découvrir le spectacle de la célèbre compagnie de danse et de musique classiques chinoises.
Présenter les 5000 ans de la très riche culture traditionnelle chinoise à travers des tableaux dansés, telle est la mission que s’est donnée Shen Yun depuis 12 ans déjà. Mais, ce soir à Aix, l’histoire de la Chine venait à la rencontre d’une tranche de l’histoire de France, encore bien présente dans les mémoires collectives, à la fois sombre mais aussi emplie d’espoir…
Des sonorités « insolites »
Claudine Rotbart-Billaud et son mari, Michel Billaud, se trouvaient parmi les spectateurs. Ce magistrat, président de tribunal administratif honoraire et juge de proximité à Digne-les-Bains, découvrait avec Shen Yun, les dynasties et ethnies qui peuplèrent la Chine impériale ainsi que des extraits de grands classiques de la littérature chinoise, comme le Voyage vers l’Ouest… M. Billaud a apprécié la mise en scène et les costumes ainsi que « la façon dont les tableaux étaient présentés », qualifiant le spectacle de « féerique ».
Il aura particulièrement été attiré par la technique des danseurs : « C’est très beau et très gracieux, sans arrêt, même si on sent qu’il y a de la force ! Ils sont musclés, les femmes aussi, et en même temps il y a une maîtrise telle… que ça paraît évanescent ! »
Quant à la musique de Shen Yun, unique au monde puisqu’elle réussit à harmoniser dans un même orchestre, les sonorités d’un orchestre philharmonique occidental avec des instruments orientaux, M. Billaud avoue, en non-initié, que même s’il a trouvé certaines sonorités « insolites« , il estime qu’elles « étaient tout à fait appropriées à ce qui se passait sur scène ». Il précise ainsi que « l’orchestre faisait vraiment corps avec le tableau ! » « Et ça, c’est intéressant parce que parfois on écoute la musique un peu comme une bande-son décalée, alors que là, ça passe très bien. On n’entend pas la musique et on ne regarde pas les tableaux, on les voit et entend les deux en même temps ! », explique-t-il.
Quand l’histoire de France rencontre l’histoire de la Chine…
C’est avec un œil d’artiste que Claudine Rotbart-Billaud parle de Shen Yun. Cette décoratrice-plasticienne a fait du textile sa matière de prédilection et elle aime dire qu’elle « adore la couleur ! »
Ce petit bout de femme énergique incarne, comme encore de nombreux autres Français, une part de l’histoire de France, puisqu’en 1944, elle sera l’une des rescapées des rafles juives de Cluny. Fille de juifs polonais ayant fui l’antisémitisme en Pologne, elle naît en France en 1941 et connaîtra, encore bébé, la fuite vers la zone libre avec sa mère et sa sœur, puis à 3 ans, l’isolement et la peur de perdre les siens, déportés dans une rafle. Sa mère reviendra des camps et retrouvera une fille, devenue étrangère…
De ces épreuves, Claudine Rotbart-Billaud en tirera une grande force, l’énergie et, entre autres, cet amour des « couleurs ». Dans le cadre du projet Matricule 35494, les élèves du lycée La Prat’s de Cluny ont rendu hommage à sa famille en 2016 en réalisant un film documentaire sur leur histoire.
Alors, de Shen Yun, Claudine Rotbart-Billaud explique ceci : « Dans le monde dans lequel on vit, je trouve que c’est formidable d’un seul coup d’exalter le monde de la couleur, et de plus, le fait de décoller du réel, justement parce que c’est ça, la danse, c’est de pouvoir s’évader ! Donc, moi, ce que j’ai aimé, c’est qu’on peut vraiment lâcher, rêver, partir… C’est tellement bien exécuté, ça n’accepte pas la médiocrité à un haut niveau d’exécution de l’acrobatie, de la danse, etc. »
Shen Yun constitue un ingénieux mélange des technologies les plus modernes au service de la culture traditionnelle présentée à travers les tableaux, et cela, Mme Rotbart-Billaud l’aura aussi profondément ressenti : « J’ai été bluffée entre la danse traditionnelle et le fait qu’ils utilisent les moyens modernes, quand les personnages filent dans le décor ou en reviennent ! C’était vraiment à la fois le monde moderne et le monde traditionnel ensemble ! Ca m’a beaucoup plu ! », s’exclame-t-elle, visiblement très enthousiaste.
Un message spirituel qui transcende l' »athéisme »?
Bien que se disant « athées », le couple a été sensible au « message spirituel » véhiculé, selon eux, au sein du spectacle, et qu’ils trouvent « très intéressant ». « Il y a une spiritualité, et c’est vrai que dans ce monde-là, ça fait du bien. C’est important de transmettre des valeurs, et là, justement, elles sont transmises dans le spectacle. » Ils précisent ainsi que ce sont, pour eux, des valeurs « universelles », qui « peuvent servir le monde entier, de toutes façons ! »
Sans doute font-ils référence aux valeurs de loyauté, de courage et de patience présents dans divers tableaux, ainsi qu’aux principes d' »Authenticité, Bienveillance et Tolérance » cités dans les tableaux racontant l’histoire contemporaine des pratiquants de Falun Dafa, cette méthode de cultivation bouddhique gravement persécutée en Chine de nos jours.
Claudine Rotbart-Billaud s’est dite « touchée par ces valeurs » permettant de « s’élever, s’améliorer ». Elle explique que « c’est très difficile, car on est tous travaillé par nos pulsions et par l’attraction vers le bas ! C’est plus facile de céder aux tentations, que de résister ! Je pense que le monde peut tenir par la résistance… Justement, j’explique à ma petite fille pour le téléphone portable, c’est nouveau pour elle, j’essaie de lui expliquer qu’on ne doit pas en devenir esclave… »
Elle conclura alors en ces termes : « L’art est d’autant plus beau lorsqu’on a ce corps rempli de ces valeurs ! C’est clair que ce qu’on va créer dégage quelque chose… Qu’en soi-même, on est en paix, qu’on a travaillé sur soi, qu’on est dans une certaine quiétude, sérénité…Je pense que ce que l’on produit s’en ressent… »
Ce message spirituel, Julian Tizialen l’a aussi bien ressenti. Ce directeur-assistant en Santé publique a particulièrement apprécié la « rigueur » et la « précision » des artistes, nécessitant, selon lui, « un travail énorme ».
Il s’est dit touché par certains tableaux dansés, notamment ceux utilisant des accessoires tels que les mouchoirs ou les longues manches des fées célestes, ou celui, plus humoristique, « Facéties scolaires ». L’interprétation de la soliste de l‘erhu, ce violon à deux cordes aux sonorités multiples, lui fait dire : « C’est une mélodie qu’on n’a pas l’habitude d’entendre puisqu’on est plutôt sur d’autres types d’instruments qui donnent des notes particulières ! Alors là, j’ai beaucoup aimé ! »
Il a aussi été marqué par le fait que Shen Yun ne puisse pas passer en Chine continentale et fait ainsi une comparaison : « Ça me fait penser un peu au Dalaï-Lama qui lui aussi n’est pas chez lui. C’est dommage de voir que ces troupes chinoises ne puissent pas en fait transposer cette histoire de la Chine à la Chine puisque cela leur appartient aussi. Donc, j’espère qu’un jour, la Chine s’ouvrira un peu plus à son histoire. »