« Si l’article 3 du projet de loi immigration est maintenu, notre famille politique déposera une motion de censure » : Alexandra Szpiner, conseillère régionale d’Île-de-France (LR)

Par Etienne Fauchaire
1 novembre 2023 16:00 Mis à jour: 13 novembre 2023 18:06

ENTRETIEN — Le projet de loi immigration n’en finit pas de susciter des remous entre le camp présidentiel et Les Républicains. Si le gouvernement procède à son adoption par 49.3, la droite n’exclut pas le dépôt d’une motion de censure. Que reproche-t-elle à ce texte législatif ? Alexandra Szpiner, conseillère régionale d’Île-de-France (LR) et présidente de la Commission pour la Permanence artistique et culturelle de sa région, revient dans cet entretien sur les positions de son groupe politique et la nécessité de s’affranchir du cadre juridique européen pour lutter efficacement contre l’immigration.

Epoch Times : Elisabeth Borne a confié à Bruno Retailleau que le fameux article 3 sur la régularisation des clandestins était une « idée folle », qui n’était pas la sienne. Le président du groupe LR au Sénat a cependant démenti tout propos selon lequel son retrait était à l’ordre du jour. Selon vous, la position de la Première ministre présage-t-elle néanmoins une volonté au sein du gouvernement de faire marche arrière ?

Alexandra Szpiner : C’est un échange entre Bruno Retailleau et Elisabeth Borne. Il est éclairant, mais il n’y a pas de déclaration officielle de la Première ministre. Seuls les débats parlementaires permettront de connaître la position exacte du gouvernement, qui ne peut pas ignorer que, pour le groupe LR au Sénat, l’article 3 est un casus belli. Ce qui est évident, c’est que le parti présidentiel est très divisé sur le sujet. Les LR ont été très clairs et Mme Borne sait très bien que le problème est dans son camp. L’aile gauche de Renaissance tient à cet article et la Première ministre ne peut pas perdre la majorité dans ses propres rangs.

Pour faire voter une loi, il faut une majorité au Sénat et à l’Assemblée…

Si l’exécutif fait adopter ce projet de loi avec son article 3 par 49.3, Les Républicains déposeront-ils une motion de censure ?

L’article 3, c’est ce qui permet de régulariser un étranger irrégulier qui travaille en France de façon automatique et ainsi d’obtenir un titre de séjour. On estime entre 650.000 et 850.000 le nombre de clandestins sur notre sol. Cette mesure rend automatique ce qui aujourd’hui relève de la seule compétence des préfets. Pour nous, c’est une ligne rouge. Évidemment, notre famille politique bloquera le texte et déposera une motion de censure s’il est maintenu. Il nous faut être cohérent. Bruno Retailleau et Eric Ciotti ont été très clairs : on ne peut pas accepter une telle vague de régularisations qui serait un véritable appel d’air migratoire. Il y a d’autres solutions pour pallier le manque de main-d’œuvre. Il n’y a d’ailleurs pas que l’article 3 qui pose question et de nombreux points importants sont dans l’angle mort de la politique migratoire du gouvernement. Le texte des Républicains est courageux et répond à l’urgence qu’il y a à sortir de l’impasse dans laquelle se trouve notre pays. Les Français attendent de nous du courage politique.

Indépendamment de l’article 3, ce projet de loi est-il à vos yeux à la hauteur de la réponse à adopter face au défi migratoire ?

Depuis les années 80, nous avons voté plus de 29 lois sur l’immigration alors même que nous sommes contraints de faire le constat violent que c’est un échec. La France a perdu le contrôle de ses flux migratoires et le droit souverain de qui elle veut accueillir. Les LR ont déposé plus de 45 propositions de loi pour lutter contre l’immigration incontrôlée qui ont toutes été rejetées par les gouvernements successifs depuis 2012. Ce qui est certain, c’est que ce projet de loi fera l’objet de nombreux amendements de la part des Républicains qui le durciront et, j’espère, le rendront plus efficace. En l’état, ce projet de loi n’est absolument pas à la hauteur. Aujourd’hui, nous avons l’ossature de la loi et c’est à l’issue du processus parlementaire que nous verrons ce qu’elle propose. Nous saurons si cette loi est efficace et chaque parti devra prendre ses responsabilités.

LR compte inscrire dans la Constitution « la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen (…) quand « les intérêts fondamentaux de la nation » sont en jeu. Pourquoi cette révision constitutionnelle constitue-t-elle une étape nécessaire à la reprise en main de notre politique migratoire ?

Les Républicains ont toujours dit qu’il fallait faire deux choses : une révision constitutionnelle et une loi sur l’immigration. Mais une loi ne peut être efficace que s’il y a une révision constitutionnelle et un référendum, parce qu’une loi seule se heurterait à la censure du Conseil constitutionnel, de la Cour de justice de l’Union européenne et de la CEDH. Par exemple, voter dans une loi ordinaire que le séjour irrégulier d’un étranger sur le territoire national est un délit, serait censuré par la Cour de justice. Instaurer l’existence de ce délit ne serait possible que s’il était inscrit dans la Constitution la possibilité de déroger à la primauté des traités et du droit européen quand les intérêts fondamentaux de la nation sont en jeu. Par ailleurs, les lois adoptées par la voie référendaire ne sont pas susceptibles de recours devant le Conseil constitutionnel, ce qui n’est pas le cas de la loi ordinaire. D’où l’impérieuse nécessité de ce jumelage pour la reprise en main de notre politique migratoire. Il me parait essentiel de redonner la parole aux Français en ces temps où le lien entre les politiques et le peuple semble abîmé. Pour retrouver de la crédibilité, nous devons retrouver notre souveraineté et mettre fin au gouvernement des juges européens.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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