À partir de mercredi, les logements les plus énergivores sont classés indécents et ne peuvent plus être loués, ce qui crispe les propriétaires, inquiets de se voir imposer des travaux de rénovation, malgré un grand flou autour de l’application de cette mesure.
Adoptée en 2021, la loi Climat et résilience prévoit de considérer progressivement comme indécents les logements à la performance énergétique médiocre.
Ce sont d’abord les logements classés G+ au diagnostic de performance énergétique (DPE) qui ont été jugés indécents en 2023. C’est désormais au tour des classes G à partir du 1er janvier, avant les logements F en 2028, puis E en 2034.
Que faire si le logement est déjà loué ?
La loi oblige les propriétaires à fournir au locataire un logement décent. Si ce n’est pas le cas, ce dernier peut réclamer des travaux au propriétaire, saisir un juge si nécessaire pour faire plier le bailleur et obtenir une réduction de loyer ou la suspension de son paiement en attendant les travaux.
La décence est un pré-requis pour signer un bail, donc, « théoriquement, il ne devrait plus y avoir d’annonces de logements à louer classés G », ni de nouveaux contrats, estime David Rodrigues, responsable juridique de l’association CLCV (Consommation, logement et cadre de vie).
Les professionnels de l’immobilier ne sont cependant pas tous d’accord sur la façon d’interpréter le texte de loi, jugé « complètement bancal » par David Rodrigues : l’indécence du logement s’applique-t-elle au 1er janvier à tous les logements, ou bien à la reconduction tacite du bail ou seulement aux nouvelles signatures de contrats de location ? Le ministère du Logement affirme que « l’interdiction de la location des logements classés G » s’applique « aux nouveaux contrats de location, et au moment du renouvellement ou de la reconduction tacite » des baux en cours.
Aucune rupture de bail n’est prévue par la loi
En revanche pour Me Étienne Chesneau, avocat associé du cabinet Gide Loyrette Nouel, l’indécence s’applique dès le 1er janvier pour tous les logements G, mais la loi « n’interdit pas à proprement parlé à un propriétaire de louer ». C’est « un peu plus subtil ». S’il loue, « le propriétaire s’expose à ce que le locataire demande la mise en conformité du logement avec les critères de décence », poursuit Me Chesneau.
Aucune rupture de bail n’est prévue par la loi en cas d’indécence, et si un propriétaire essaie de donner congés à un locataire qui a déposé un recours, cela peut être considéré comme abusif.
David Rodrigues pressent que « peu de locataires feront » ce recours. Il souhaite plutôt « un plafonnement des loyers » de passoires énergétiques « dans les zones où il y a l’encadrement des loyers », pour ne pénaliser ni le locataire, ni « le bailleur qui ne pourrait pas réaliser les travaux », mais dont le logement est quand même habitable.
Il s’inquiète aussi des locataires qui n’auraient pas accès au DPE de leur logement, dont la communication n’est pas obligatoire pour un bien en location.
Une proposition de loi visant à clarifier le texte et à adapter le calendrier aux contraintes des copropriétés avait été présentée fin octobre à l’Assemblée nationale, mais son examen est bloqué depuis la censure du gouvernement Barnier.
Un calendrier des travaux difficile à tenir
Ce calendrier des passoires énergétiques, jugé serré et intenable par certains professionnels et politiques, concerne près de 565.000 logements classés G au 1er janvier 2024, selon les données de l’État, qui précise qu’une réforme du DPE, instaurée en juillet, a réduit le nombre de petites surfaces classées F ou G.
« Le chantier de la rénovation énergétique est gigantesque », il était « impossible de faire tous ces travaux en quatre ans surtout dans les petites copropriétés », alerte Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim). Depuis 2022, plus de 108.000 logements G ont été rénovés, toujours selon les chiffres officiels.
« Je ne pense pas que l’objectif fixé était de rénover tous les logements G » avant 2025, selon Carine Sebi, professeure titulaire de Grenoble Ecole de Management, mais plutôt « d’envoyer un premier signal fort aux propriétaires bailleurs pour amorcer une dynamique de rénovation énergétique, et de protéger les locataires qui ne sont pas en capacité d’améliorer leurs logements ».
Loïc Cantin craint néanmoins « une accélération de la crise du logement » si des centaines de milliers de logements disparaissent du marché locatif.
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