Le parti qui compte mettre fin à l’aide militaire à l’Ukraine et qui critique l’UE et l’Otan est arrivé en tête des élections législatives en Slovaquie, selon les résultats publiés dimanche.
Le parti de droite Smer-SD, dirigé par l’ancien Premier ministre Robert Fico a obtenu 23% des voix lors du scrutin de samedi devant le parti centriste Slovaquie Progressiste qui a recueilli 18% des voix. Le Smer-SD a donc besoin de partenaires de coalition pour parvenir à une majorité et former le gouvernement. « La Slovaquie et ses habitants ont des problèmes plus importants que (les relations avec) l’Ukraine », a déclaré M. Fico aux journalistes dimanche. Il a ajouté que l’Ukraine constituait « une énorme tragédie pour tous » et a appelé à des pourparlers de paix, car « de nouvelles tueries n’aideront personne ».
Pendant la campagne, M. Fico, âgé de 59 ans, a promis que la Slovaquie n’enverrait pas « une seule munition » à l’Ukraine et a appelé à de meilleurs liens avec la Russie. La présidente Zuzana Caputova, ancienne membre de la Slovaquie progressiste et rivale politique de longue date de M. Fico, a déclaré dimanche qu’elle le chargerait de former un nouveau gouvernement. « Dans l’esprit de notre tradition constitutionnelle, je confierai demain la formation du gouvernement au vainqueur de l’élection », a-t-elle déclaré dans un communiqué.
La situation économique préoccupe davantage que l’Ukraine
Selon les analystes, un gouvernement Fico pourrait radicalement changer la politique étrangère de la Slovaquie pour ressembler à celle du Premier ministre hongrois Viktor Orban. La Hongrie est considérée comme un fauteur de troubles au sein de l’UE, souvent critiquée pour des questions d’État de droit et pour avoir entravé les efforts de l’UE et de l’Otan en vue d’aider l’Ukraine.
« Robert Fico est un nouvel allié pour M. Orban », a estimé à l’AFP l’analyste Tomas Koziak de l’Université tchèque des sciences politiques. M. Orban a lui-même félicité M. Fico sur X, anciennement Twitter, « pour sa victoire incontestable aux élections législatives slovaques ». « Il est toujours bon de travailler avec un patriote. J’ai hâte d’y être ! » a souligné M. Orban.
Toutefois, M. Fico a déclaré que l’orientation de la politique étrangère de la Slovaquie ne changerait pas, car « nous sommes naturellement membres de l’UE ». « Cela ne signifie évidemment pas que je ne peux pas critiquer les choses qui me déplaisent au sein de l’UE », a-t-il précisé. Cependant, de nombreux Slovaques sont moins préoccupés par la politique étrangère, dans l’espoir que le nouveau gouvernement se concentrera sur l’économie et se disputera moins que le précédent.
Vendant des petits pains dans une boulangerie de Bratislava, Jana Urbanova a déclaré à l’AFP qu’elle s’attendait à ce que le gouvernement s’attaque à l’inflation « insupportable ». « Fico a de l’expérience, c’est un professionnel, n’est-ce pas ? Je n’ai pas voté pour lui mais je ne pense pas que ce soit grave qu’il ait gagné », a-t-elle déclaré.
Tomas Hrivnak, 23 ans, déclare qu’il avait voté pour la PS et qu’il était « déçu », mais que le résultat n’était « pas la fin du monde ». « Les gens en ont assez de l’ancien gouvernement composé de centristes et de droite, de leurs querelles et de leur incapacité à gérer correctement le pays », a-t-il estimé. Mais une autre électrice de PS, Eva Lichnerova, reste inquiète. « La plus grande menace c’est le dos tourné à l’Union européenne, le glissement vers la Russie, la suppression des droits et des libertés des journalistes », dit-elle.
« Des liens entre la mafia italienne et le gouvernement de M. Fico »
Le Smer a remporté 42 sièges sur les 150 que compte le Parlement et a donc besoin de partenaires de coalition pour obtenir la majorité. Hlas-SD, qui a émergé en 2020 d’une scission d’avec le Smer, est un partenaire potentiel avec 27 sièges. Son président, Peter Pellegrini, a occupé le poste du Premier ministre en 2018 après la démission de M. Fico, au milieu de grandes manifestations après le meurtre du journaliste Jan Kuciak et de sa fiancée, Martina Kusnirova.
Jan Kuciak avait découvert des liens entre la mafia italienne et le gouvernement de M. Fico, dans son dernier article, publié à titre posthume. Selon M. Pellegrini, la présence de deux anciens Premiers ministres au sein d’un même gouvernement n’est pas une bonne idée, mais cela ne signifiait pas qu’une telle coalition était impossible.
Une nouvelle majorité parlementaire à l’horizon
Les deux partis pourraient faire équipe avec le parti nationaliste slovaque (SNS), qui a remporté 10 sièges, pour obtenir une majorité parlementaire de 79 sièges. M. Fico a déjà gouverné à deux reprises avec le SNS, qui est comme lui opposé à l’aide militaire à l’Ukraine.
La Slovaquie compte parmi les principaux donateurs européens à l’Ukraine, compte tenu de la taille de son économie. Le prochain parlement comprendra également le parti centriste OLaNO de l’ancien Premier ministre Igor Matovic, qui s’est battu avec un membre du Smer pendant la campagne électorale. Les chrétiens-démocrates centristes et la droite du SaS ont aussi obtenu suffisamment de voix pour avoir des sièges au parlement.
La campagne électorale a été ternie par des taux particulièrement élevés de désinformation en ligne, visant souvent le président de la Slovaquie progressiste, Michal Simecka, vice-président du Parlement européen. La Slovaquie est devenue un pays indépendant en 1993, à la suite d’une séparation pacifique d’avec la République tchèque, quand la Tchécoslovaquie s’est débarrassée du régime communiste totalitaire en 1989.
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