L’armée et les paramilitaires qui se disputent le pouvoir au Soudan se sont mutuellement accusés jeudi de rompre une nouvelle trêve négociée par des médiateurs américains et saoudiens, trois jours après son entrée en vigueur.
La guerre qui a éclaté le 15 avril dans ce pays d’Afrique de l’Est a fait plus de 1800 morts, selon l’ONG ACLED, plus d’un million de déplacés et au moins 300.000 réfugiés, selon l’ONU. En conséquence, plus de 25 des 45 millions de Soudanais ont désormais besoin d’aide humanitaire pour survivre, selon l’ONU. Depuis l’entrée en vigueur de la trêve lundi soir, aucun couloir humanitaire n’a pu être sécurisé pour laisser partir les civils et acheminer l’aide humanitaire, selon des ONG. Dans la capitale Khartoum, la plupart des habitants vivent terrées chez eux par peur des combats et des balles perdues, souvent sans eau courante ni électricité et avec des réserves de nourriture et d’argent bientôt vides.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdane Daglo ont accusé leur ennemi, l’armée du général Abdel Fattah al-Burhane. « Ils ont lancé une série d’attaques » et « nos forces les ont repoussés », abattant même « un avion de combat MiG », assure un de leurs communiqués. Jeudi, l’armée a répondu avoir « contré des attaques de blindés des milices du Soutien rapide en violation totale de la trêve ».
Sanctions et « mécanisme de surveillance » prévus
Les médiateurs saoudiens et américains, eux, se contentent de répéter depuis mercredi qu’ils ont transmis aux représentants des deux belligérants « des informations montrant qu’ils avaient violé » la trêve. Ces émissaires poursuivent leur discussions en Arabie saoudite. Si Washington a promis « des sanctions » et si l’accord prévoit un « mécanisme de surveillance », jusqu’ici aucune annonce n’a été faite à l’encontre d’un camp ou de l’autre.
Situation critique au Darfour
La situation est particulièrement critique au Darfour, la région de l’ouest frontalier du Tchad, déjà ravagée dans les années 2000 par une guerre particulièrement meurtrière. « Des gangs à moto empêchent fonctionnaires et civils de se déplacer pour mettre en place les mécanismes humanitaires prévus par le ‘‘cessez-le-feu temporaire’’ », affirme Toby Harward, du Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés. « La ville de Zalengei est assiégée par des milices armées ces derniers jours, sans aucun réseau de communication », ajoute-t-il. « Les bureaux de l’ONU, les administrations, les banques, des maisons auraient été pillés, les civils ne peuvent pas accéder aux établissements de santé qui sont visés », raconte-t-il encore.
Un « échec calamiteux de la diplomatie »
Plus de 90.000 réfugiés sont déjà arrivés au Tchad, plus de 150.000 en Égypte, et le flux ne tarit pas, rapporte l’ONU qui s’attend à un million de réfugiés supplémentaires si la guerre ne s’arrête pas. Les deux généraux, eux, sont prêts pour une guerre de longue durée car ils sont certains de pouvoir l’emporter militairement et donc peu enclins à faire des concessions à la table des négociations, selon des experts.
Le conflit est né d’un « échec calamiteux de la diplomatie », estime le spécialiste du Soudan Alex de Waal. Les deux généraux étaient censés se retrouver le 15 avril pour s’accorder sur l’intégration des FSR à l’armée, condition sine qua non posée par la communauté internationale au retour à la transition démocratique et donc à la reprise de l’aide internationale, interrompue à la suite du putsch des deux généraux en 2021, qui étaient alors alliés.
Aujourd’hui, la quasi-totalité des diplomates ayant été évacués du Soudan, les acteurs mobilisés pour trouver une solution au conflit sont loin d’être des représentants du plus haut niveau, déplore M. de Waal, estimant que les médiateurs « tentent de colmater les brèches alors que le cyclone approche ».
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