Venu des milices qui ont semé la terreur au Darfour, le général Mohammed Hamdane Daglo dit « Hemedti » s’est imposé comme un acteur incontournable de la politique et de l’économie au Soudan.
Au début des années 2000, alors pas encore trentenaire, « Hemedti », un surnom pour « Mohamed », n’était que le chef d’une petite milice de l’Ouest, frontalier du Tchad. Mais au gré des batailles, razzias et autres atrocités qui ont valu au dictateur soudanais Omar el-Béchir deux mandats d’arrêts pour « crimes de guerre », « crimes contre l’humanité » et « génocide », l’homme à la longue silhouette est devenu le général Daglo. Et l’ancien nomade qui commerçait du bétail a gravi les marches du pouvoir.
Ravir le pouvoir à l’armée
À la tête des miliciens Janjawid, il a mené la politique de la terre brûlée au Darfour, sur ordre de Omar el-Béchir. Des centaines de milliers de morts et plus de deux millions de déplacés plus tard, « Hemedti » a étendu sa sphère d’influence : du Darfour où il a toujours ses quartiers, il s’est mis à régner aussi sur Khartoum, ses couloirs du pouvoir, ses rendez-vous diplomatiques et ses accords commerciaux plus ou moins secrets. Dans la rue aujourd’hui, ce sont ses hommes, désormais intégrés aux Forces de soutien rapide (FSR), grand supplétif paramilitaire de l’armée créé en 2013, qui depuis samedi tentent de ravir le pouvoir à l’armée.
« Faire le sale boulot »
Au moment de la guerre du Darfour, l’ « élite à Khartoum le voyait comme un illettré, un voyou parvenu qu’elle a armé uniquement pour faire le sale boulot de la guerre du Darfour », rappelle à l’AFP Alan Bosweel, chercheur à l’International Crisis Group (ICG). Lors de la révolte populaire qui a renversé Omar el-Béchir en 2019, ses combattants sont accusés d’avoir dispersé dans le sang les manifestants prodémocratie — des dizaines de morts selon les chiffres officiels.
Parangon de l’État civil
Le 25 octobre 2021, quand le général Abdel Fattah al-Burhane, le chef de l’armée aujourd’hui son ennemi juré, mène un putsch pour évincer les civils, Hemedti lui prête main-forte et devient numéro deux du pouvoir militaire. Mais l’homme dit avoir changé. Lui qui a été un rouage de la dictature militaro-islamiste du général Béchir se pose désormais en parangon de l’État civil et en adversaire farouche de l’islam politique. Il s’aligne désormais sur les civils pour dénoncer l’armée et se réclamer des « acquis de la révolution » de 2019. Depuis des mois, il s’est invité sur les réseaux sociaux, multipliant les comptes sur Facebook, Instagram ou même TikTok pour s’adresser aux plus jeunes — deux tiers des Soudanais ont moins de 30 ans.
Deux casquettes
Né en 1975 dans une tribu arabe à la frontière entre Tchad et Soudan, Daglo n’a pas poursuivi d’études mais depuis 2019, il a travaillé sa façon de s’exprimer en arabe, langue qu’il parle toujours avec un fort accent de l’Ouest. Habitué des conseils tribaux et friands des visites de troupes ou de villages, l’homme n’a cessé de sillonner le pays pour rencontrer les dignitaires locaux, rouages vitaux de la dictature du général Béchir.
Il alterne treillis militaires « dans lesquels il a fait ses premières apparitions dans les années 2000, la tête coiffée d’un chèche » et costumes taillés sur mesure pour les réunions politiques. Car l’homme a toujours joué des deux casquettes : en envoyant, selon des experts, ses hommes combattre en Libye ou au sein de la coalition militaire dirigée par les Saoudiens au Yémen, il a gagné des alliés politiques à Abou Dhabi et Ryad.
Un atout de poids en main
Ce Soudanais au bouc poivre et sel taillé de près, bague en or à chaque main, a un atout de poids en main : les FSR et leur réseau tiennent de nombreuses mines d’or, rappelle l’European Council on Foreign Relations (ECFR). Et les États-Unis assurent que les paramilitaires russes de Wagner, présents dans plusieurs pays limitrophes, y opèrent avec elles.
La proximité avec Moscou est en tout cas évidente : en y débarquant au lendemain même de l’invasion russe de l’Ukraine, Hemedti obtenait de rencontrer les plus hauts responsables. Au Soudan, il se proposait depuis un moment comme arbitre. Il y a près d’un an, il qualifiait le putsch d’ « échec » et annonçait qu’il interviendrait si le pays se dirigeait « vers le gouffre ».
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