« Nos ennemis périront comme la rosée au soleil » : à Lougansk, ville de l’est de l’Ukraine sous occupation russe, l’hymne national de Kiev a retenti dans certaines rues, diffusé discrètement par des résistants non-violents ukrainiens.
C’était le 24 août, jour de la fête de l’Indépendance de l’Ukraine. Le chant a notamment résonné à un arrêt de bus dans ce bastion des séparatistes pro-russes installés par Moscou depuis 2014, selon une courte vidéo filmée à partir d’un téléphone portable, à peine cadrée, comme tournée furtivement afin de ne pas se faire repérer.
Cette action est l’une parmi les nombreuses publiées sur les réseaux sociaux par le mouvement de la résistance ukrainienne « Ruban jaune », co-lauréat du prix Sakharov du Parlement européen l’année dernière. Il était né en avril 2022 à Kherson, importante ville du sud reprise en novembre par les forces de Kiev, après huit mois d’occupation russe.
Durant cette période, des habitants y avaient notamment organisé des rassemblements contre l’occupant, essuyant parfois des tirs de sommation de la part de soldats de Moscou. Aujourd’hui, « de Lougansk à Yalta (en Crimée), nous sommes dans toutes les villes occupées, nous avons nos militants et nous menons beaucoup d’actions », explique à l’AFP sous couvert d’anonymat Ivan, l’un des coordinateurs, qui a lui-même vécu l’occupation.
« Les occupants n’ont pas leur place sur nos terres »
Les actions consistent principalement à coller des affichettes avec des mots d’ordre du type « Ceci est le territoire de l’Ukraine », à accrocher des rubans jaune et bleu – couleurs nationales –, à tracer des graffitis ou encore à essaimer des balles de ping-pong jaunes frappées de slogans dans l’espace public.
Les auteurs envoient ensuite des photos ou vidéos qui sont publiées sur les réseaux sociaux du mouvement. « Nous essayons d’aider les Ukrainiens, sur le plan moral et psychologique, pour les soutenir et leur montrer qu’ils ne sont pas seuls et que nous devons résister », poursuit Ivan, jeune homme âgé d’une vingtaine d’années, interrogé dans la capitale Kiev. « Les occupants n’ont pas leur place sur nos terres. DITES-LEUR PARTOUT ! », proclame le site internet « Ruban jaune ». Si les actions peuvent paraître a priori anodines, c’est « une activité risquée » car « fondamentalement tous les Russes pensent que chaque Ukrainien est un partisan », souligne-t-il.
Les autorités d’occupation n’ont cesse de qualifier les Ukrainiens refusant de se soumettre « d’ukro-nazis », et des arrestations sont régulièrement annoncées. Les habitants sont également pressés de prendre la nationalité russe.
Selon Ivan, « beaucoup de gens ont été arrêtés en Crimée, à Lougansk, ou à Melitopol (sud) parce qu’ils portaient des T-shirts bleu et jaune ou écoutaient des chansons ukrainiennes dans un café ». Il dit ne pas pouvoir évoquer de chiffres, car les membres du mouvement restent anonymes.
Des actions pacifiques et non violentes
Le recrutement se fait à partir d’un QR code inscrit sur les affichettes ou autocollants. Celui-ci renvoie vers un chatbot (logiciel conversationnel fonctionnant avec l’intelligence artificielle), « où nous avons 10.000 utilisateurs actifs », selon le coordonnateur. Ensuite, toujours par ce canal anonyme, ceux qui veulent mener des actions sont mis en contact avec un coordonnateur local. Ce dernier va conseiller l’activiste sur la façon d’agir puis d’envoyer des photos et vidéos. Des notions de cybersécurité sont également dispensées.
Selon un sondage réalisé par le mouvement Ruban jaune après la libération de Kherson, 70% de ses membres dans la ville étaient des femmes. « Peut-être que les hommes veulent faire des choses plus violentes », avance le coordonnateur. Il insiste sur le caractère « pacifique et non violent » des actions du mouvement, qui est, selon lui, « indépendant » des services de sécurité ukrainiens. « Nous ne transmettons pas d’informations sur les positions des forces russes », car « dans ce cas, vous êtes une cible militaire (…) Nous ne faisons pas cela », précise le responsable.
Les dernières publications de résistants concernent particulièrement les élections locales prévues le 10 septembre dans certaines régions de Russie et celles dont Moscou revendique l’annexion (Lougansk, Donetsk, Zaporijjia et Kherson) et qui sont partiellement occupées. Des courtes vidéos montrent par exemple des journaux en train de brûler et l’arrachage d’affiches. « Nous détruisons la propagande préélectorale des occupants à Lougansk », est-il écrit en légende.
Avec la contre-offensive menée depuis juin par les forces de Kiev pour reconquérir les territoires occupés, « les gens sont plus motivés que jamais, surtout lorsqu’ils voient des victoires des forces armées ukrainiennes », assure Ivan.
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