Au Sri Lanka, les images de révolution ont presque fait sourire le 9 juillet : les dizaines de milliers de Srilankais qui ont forcé le président Gotabaya Rajapaksa à la fuite ont pris des selfies allongés dans les luxueuses chambres du palais présidentiel, ou un verre en cristal à la main. Plusieurs dizaines d’autres ont piqué une tête, tout habillés, dans la piscine présidentielle, souriant comme s’ils avaient fait une blague potache, sans réaliser qu’ils venaient de renverser leur gouvernement. La suite a été moins bon enfant : la résidence du Premier ministre, qui se voyait déjà reprendre les rênes du pouvoir, a été incendiée et une période d’incertitude s’ouvre dans ce pays en défaut de paiement, où d’après les Nations unies la quasi-totalité de la population est aujourd’hui contrainte à se priver d’un repas chaque jour.
Le premier responsable de la situation dans laquelle se trouve le pays est son gouvernement. Rajapaksa a voulu développer à grande vitesse des infrastructures de pointe, déconnectées des besoins réels de la population. Pour cela, il a contracté auprès de la Chine des prêts toxiques ; ne pouvant les rembourser, il s’est retrouvé forcé de céder ces infrastructures à Pékin pour les 99 années à venir. Puis, dans ce que les analystes de Foreign Policy appellent un « tourbillon de pensée magique, d’orgueil technocratique, d’illusions idéologiques, d’affairisme et de manque de perspicacité, » le gouvernement a brutalement banni les engrais chimiques à base de nitrate pour faire du Sri Lanka la première nation au monde de l’agriculture bio. Tout ceci sans planification ni accompagnement de la transition vers l’éco-agriculture, alors que quelques dizaines de minutes de recherches sur le sujet suffisent pour comprendre qu’elle repose sur des méthodes et savoir-faire spécifiques, et demande une transition progressive. La sanction a été immédiate : les productions de riz et de thé se sont effondrées, plantant un clou en plus dans le cercueil de l’économie sri-lankaise.
C’est dans une certaine mesure l’application du même type de recette, mais cette fois dans le contexte de la bureaucratie européenne, qui a déclenché les violentes manifestations d’agriculteurs aux Pays-Bas depuis le milieu du mois de juin. Pas de piscine présidentielle cette fois, moins de sourires, et plus de violences : des tracteurs ont forcé des barrages pour partir à l’assaut du domicile de la ministre de l’Agriculture, forçant la police à utiliser ses armes. Là aussi, le point de départ, théoriquement positif, est une tentative de transition accélérée vers une agriculture écologiquement responsable, en partant d’un modèle d’agriculture hyper-intensive et très mécanisée des Pays-Bas. Le pays est une référence de productivité, un des champions mondiaux pour la production par hectare cultivé, aussi bien pour les tomates et les concombres que pour les oignons et les pommes de terre. Mais surtout, il est le premier exportateur européen de produits issus de l’élevage : 100 millions d’animaux sont concentrés dans un espace de la taille de la Bretagne, parqués par milliers dans des méga-fermes à l’organisation industrielle. Le système est incroyablement « efficace » et rentable, mais pollue massivement les terres néerlandaises à l’azote et est responsable de 16% des gaz à effet de serre du pays.
L’objectif du gouvernement néerlandais, en application descendante des exigences de Bruxelles, est donc de diminuer de 30% le cheptel du pays, en commençant par les zones agricoles les plus écologiquement vulnérables. Le mouvement a été brutal, descendant, avec des objectifs 2030 liés à l’urgence climatique ; le gouvernement néerlandais, pour diminuer de 70% les surfaces cultivées dans les zones les plus polluées, a proposé de racheter les terres aux agriculteurs et envisagé des fermetures administratives. Ceux-ci ont répondu en bloquant les autoroutes et l’approvisionnement des supermarchés.
Signe de l’effervescence des esprits, la rumeur d’un « plan » pour affamer le monde entier diffuse sur les réseaux sociaux, relayée jusqu’à l’extrême-gauche altermondialiste, qui ne s’embarrasse pas d’avoir auparavant toujours condamné l’agriculture intensive ; c’était lorsque celle-ci servait la caste des puissants et empoisonnait la population, avant que le « pouvoir » décide de limiter son impact écologique. On entend aussi rappeler que Bill Gates s’est porté acquéreur d’immenses surfaces agricoles aux États-Unis, « preuve » de la manipulation menée par les grands du Forum économique mondial. On voit pourtant surtout, dans chacun de ces exemples, la conjonction des mirages de la grandeur, de l’appétit financier, de l’absence quasi-totale de compréhension par les décideurs politiques de la vie réelle de leurs concitoyens, et leur conviction indéboulonnable d’avoir une stratégie solide. Les mêmes symptômes s’observent avec la crise énergétique, l’Allemagne comme la France relançant maintenant les centrales à charbon pour compenser, en Allemagne la chute de production des éoliennes et en France celle des centrales nucléaires en cours de maintenance.
Du côté du grand public cependant, la porosité aux thèses complotistes enflamme les échanges, fait élaborer des scénarios dignes d’un film hollywoodien, comme on en a déjà subis pendant le Covid-19. Cette situation qui voit s’additionner crise énergétique et crise agricole serait pourtant bien plus raisonnablement expliquée par une citation de l’ancien Premier Ministre français Michel Rocard : « Toujours préférer l’hypothèse de la c..nerie à celle du complot. La c..nerie est courante. Le complot exige un esprit rare. » À moins que tout cela ne soit une forme de coup de semonce à l’humanité.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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