Des ventes en chute libre après des années de succès : il n’aura fallu que quelques mois aux actionnaires de Stellantis pour écarter l’intraitable patron du groupe automobile, Carlos Tavares dont la démission a été actée dimanche soir.
Le conseil d’administration avait déjà mis M. Tavares en sursis en annonçant début octobre son départ à la retraite et lancé un processus de succession, mais des « désaccords » ont accéléré sa démission.
« Le conseil d’administration de la société, réuni ce jour sous la présidence de John Elkann, a accepté la démission de Carlos Tavares », a indiqué le groupe dans un communiqué. Cette décision est le résultat de « points de vue différents » entre le conseil d’administration et le dirigeant, a expliqué Henri de Castries, administrateur de Stellantis.
John Elkann prend la tête d’un nouveau comité exécutif temporaire
John Elkann, héritier du principal actionnaire du groupe, la famille italienne Agnelli, prend la tête d’un nouveau comité exécutif temporaire. Le processus de nomination du nouveau directeur général du groupe, géré par un comité spécial du conseil d’administration, est déjà « en bonne voie » et « aboutira au cours du premier semestre de 2025 », a souligné le groupe. Venu de Renault, Carlos Tavares s’était fait un nom en redressant le groupe PSA (Peugeot-Citroën) à partir de 2014, en coupant dans les coûts.
Il avait ensuite réussi, apparemment le pari de la mégafusion entre PSA et FCA (Fiat-Chrysler) : depuis la création de ce groupe aux quatorze marques en 2021 – de Peugeot à Fiat en passant par Chrysler et Maserati – Stellantis a enchaîné les records de bénéfices nets et s’est tourné rapidement vers les voitures hybrides et électriques.
Des difficultés plus graves que prévu
Mais le groupe Stellantis a toussé au premier semestre 2024, avec un bénéfice net divisé par deux, avant de voir ses marges s’effondrer face à des difficultés plus graves que prévu en Amérique du Nord, avec des véhicules à la qualité critiquée et des tarifs jugés trop hauts.
Carlos Tavares a dû abandonner fin septembre son objectif sacré de marge opérationnelle à « deux chiffres » pour l’année, qui le plaçait loin devant ses concurrents, et justifiait son salaire prévu à 36,5 millions d’euros pour l’année 2023.
Le dirigeant a également bousculé l’organisation du groupe début octobre en remplaçant sa directrice financière et en choisissant des profils plus commerciaux pour relancer les ventes sur un marché automobile déprimé, notamment en Europe.
La baisse de la production dans de nombreuses usines n’avait pas manqué d’inquiéter salariés et gouvernements, comme en Italie, patrie de Fiat, où des milliers de manifestants lui ont demandé des comptes mi-octobre.
« Dans cette période de transformation darwinienne pour l’industrie automobile, notre devoir et notre responsabilité éthique sont de nous adapter et de nous préparer pour l’avenir, mieux et plus rapidement que nos concurrents, afin d’offrir à nos clients une mobilité propre, sûre et abordable », avait alors relevé M. Tavares.
Une baisse de la production en France
Il assurait depuis, lors de ses nombreuses rencontres avec la presse, que la situation était en cours de redressement aux États-Unis, et qu’en Europe il n’était pas le seul groupe à rencontrer la difficulté. Mais ces changements n’avaient pas complètement convaincu les marchés.
Même si en France, la direction a assuré la semaine dernière qu’aucune fermeture d’usine n’était prévue à court terme malgré une baisse attendue de la production, au Royaume-Uni, le groupe a en revanche annoncé la fermeture de son usine à Luton, employant plus de 1100 personnes au nord de Londres. Certains salariés pourraient être redéployés sur l’autre site du groupe à Ellesmere Port à 300 kilomètres de là.
Stellantis a par ailleurs confirmé dimanche soir ses objectifs pour l’année 2024, dont une marge opérationnelle estimée entre 5,5% et 7% du chiffre d’affaires.
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