La stratégie mondiale de la Chine se dévoile

Par Austin Bay
3 juin 2022 17:43 Mis à jour: 3 juin 2022 17:43

Les violations par la Chine communiste de l’espace aérien et maritime de Taïwan sont une indication concrète que Pékin vise Taïwan comme la prochaine Ukraine.

Au niveau tactique – le niveau où un tireur cherche une cible – les incursions d’avions et de navires de guerre chinois sondent les défenses aériennes et maritimes de Taïwan, cherchant leurs faiblesses et évaluant le temps de réaction.

Au niveau stratégique – la vue d’ensemble, qui comprend la diplomatie et l’économie – les incursions de Pékin mettent à l’épreuve les alliés de Taïwan. Elles posent la question suivante : est-ce que les alliés présumés de Taïwan ont la volonté d’aider cette nation insulaire à résister à un assaut de la Chine continentale ?

C’est une question de guerre mondiale de taille.

La semaine dernière, le président américain Joe Biden a déclaré que l’Amérique était engagée dans la défense de Taïwan. Cependant, son secrétaire à la Défense Lloyd Austin est revenu sur les paroles de Biden d’une manière assez diplomatique.

Faits concrets : au cours de la dernière semaine, Taïwan a signalé que plus de 30 avions de la Chine communiste avaient violé sa zone de défense aérienne. Vingt de ces avions étaient des chasseurs à réaction de haute performance. Il s’agit de la deuxième plus grande incursion dans la zone de défense aérienne de Taïwan en 2022.

Il n’y a aucun doute que, dans une perspective mondiale, Pékin défie les États-Unis, l’Europe et le reste du monde.

L’État-parti chinois poursuit sa stratégie agressive visant à atteindre la domination mondiale. Il s’appuie sur une vision du monde où la Chine – un empire du Milieu qui renaît – est placée au centre et définit ce que sera le monde. Oubliez l’expression « tous les chemins mènent à Rome ». Après 2030 (plus ou moins), toutes les décisions importantes devraient être prises par Pékin.

Définition de empire du Milieu : les empereurs chinois pensaient qu’ils étaient, ainsi que leurs territoires, le centre du monde. Ils étaient les seuls êtres humains civilisés de la planète. La Chine régnait. Et tous les autres ? Des nations tributaires.

Aujourd’hui, le dirigeant chinois Xi Jinping a adopté le même discours de grandeur.

Voici un point important de cette analyse : il n’y a rien de privé dans la Chine communiste. Les sociétés, les actifs, toutes les organisations et, en fin de compte, tous les individus sont des sujets de l’État-parti. Être sujets de l’État signifie que les décisions du Parti communiste chinois (PCC) sont définitives. Tous acclament l’empire du Milieu.

Ce qui nous amène à l’incident de la plateforme de forage éthiopienne en avril 2007, lorsque le Front national de libération de l’Ogaden (FNLO) a attaqué une installation pétrolière chinoise en Éthiopie. L’attaque a coûté la vie à 65 soldats éthiopiens et 9 travailleurs chinois. Alors que 7 travailleurs chinois ont été faits prisonniers. Le FNLO a considéré le forage pétrolier comme un vol.

La Chine avait déjà formé des sociétés de sécurité privées (SSP), mais après cet incident, ses SSP sont devenues de plus en plus puissantes. Les plateformes pétrolières chinoises devaient être défendues !

En même temps, Pékin est passé de la protection des plateformes à des activités militaires plus générales.

Comme l’affirme Jane’s Intelligence Review de mai 2022, les SSP chinoises fournissent à Pékin une source importante de collecte de renseignements étrangers.

Et elles servent à plus que cela. Les SSP sont devenues des forces militaires chinoises déployées à l’étranger. L’excellent rapport de Jane n’hésite pas à appeler un chat un chat en soulignant que les SSP sont « dirigées par d’anciens agents de sécurité » et que « leur personnel de base est recruté dans l’Armée populaire de libération, la Police armée et les forces de police chinoises ». Le rapport reconnaît également que la première SSP chinoise, le groupe Haiwei, « entretient des liens étroits avec le gouvernement ».

Rappelez-vous : il n’y a rien de privé dans la Chine communiste.

Comme le géant de télécommunications d’État chinois Huawei (qui fait face à de nombreuses accusations d’espionnage en faveur de Pékin), les liens de Haiwei avec le gouvernement indiquent qu’il est redevable au PCC.

Le rapport de Jane admet que les liens entre l’Armée populaire de libération et les SSP sont la preuve de la « stratégie de fusion civilo-militaire » menée par Pékin.

Où les SSP opèrent-elles ? En Afrique subsaharienne, riche en ressources minérales, et près des ports maritimes d’Afrique et d’Asie du Sud que la Chine considère comme ayant une valeur commerciale et militaire.

Attention : Pékin est en train de créer de nouveaux « arrangements » de sécurité dans le Pacifique et en Asie centrale. Je soupçonne que les SSP chinoises vont également y amener leurs armes.

Austin Bay est auteur, chroniqueur et professeur de stratégie et de théorie stratégique à l’Université du Texas à Austin. Son dernier livre s’intitule Cocktails from Hell: Five Wars Shaping the 21st Century (Cocktails de l’enfer : cinq guerres qui façonnent le XXIe siècle).

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