« Marqués au corps par le travail », éboueurs et agents de propreté de la ville de Paris restent mobilisés lundi contre le projet de réforme des retraites en France, cramponnés depuis deux semaines à leurs piquets de grève en région parisienne.
Sur le site d’incinération d’Ivry-sur-Seine, au sud-est de Paris, une trentaine de personnes, grévistes et leurs soutiens, étaient rassemblées tôt lundi matin autour d’un feu de bois, manteaux d’hiver sur le dos, buvant des cafés brûlants. Éboueur parisien et responsable syndical de 53 ans, dont vingt-et-un de métier, Karim Kerkoudi a passé la nuit sur place. « Le jeu en vaut la chandelle », assure-t-il, « déterminé ». Si la réforme est votée, éboueurs et agents d’assainissement partiront à la retraite à 59 ans au lieu de 57.
« Chaque jour, je me lève à 4h45 pour aller porter, à deux, entre six et 16 tonnes d’ordures. J’ai des tendinites aux deux coudes. La douleur aux lombaires, on n’en parle même plus. On est marqué au corps par le travail », soupire Karim Kerkoudi. Sur son téléphone, il montre une photo de lui le nez en sang. « Ce jour-là, je me suis pris un bac dans le visage, il était trop lourd et s’est décroché du camion. Une autre fois, je me suis brûlé le contour des yeux à cause d’un sac mal fermé qui contenait des liquides irritants », énumère-t-il. Avant d’ajouter que, selon ses calculs, il devra « déjà travailler jusqu’à 67 ans pour une retraite à taux plein ».
« Il faut comprendre pourquoi on lutte »
Devant le site, un barrage filtrant a été mis en place après une réquisition des forces de l’ordre. Sur les 80 camions, seuls une dizaine sont sortis du garage pour opérer à Paris. « Je comprends le ras-le-bol du « Parisien », mais il faut comprendre pourquoi on lutte », dit ce père de six enfants qui a commencé à travailler à l’âge de 14 ans.
« Vous me voyez conduire un camion à 64 ans ! », s’emporte sous couvert d’anonymat un de ses collègues, qui confie en avoir « ras-le-bol de voir régresser les conditions de travail et d’avoir un salaire qui ne bouge pas ». A 53 ans, Ahmed se dit lui déjà « usé » après trois ans service. Cet ancien chauffeur de bus qui refuse de donner son nom a décidé de « chercher un boulot ailleurs », « mieux payé » et sans qu’on lui « balance des bras d’honneur sur la route et des insultes ».
Autour du feu qui crépite à Ivry, les éboueurs se préparent à reconduire la mobilisation. Motion de censure ou pas, ils ne sont plus « à une nuit blanche près ».
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