ENTRETIEN – Le président de la République poursuit ses consultations en vue de choisir un prochain chef de gouvernement. Ce lundi 2 septembre, il a échangé avec François Hollande, Nicolas Sarkozy, Bernard Cazeneuve, mais également le président LR de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, dont la nomination semble de plus en plus probable.
Selon des informations du Parisien, les trois ténors de la droite, Laurent Wauquiez, Gérard Larcher et Bruno Retailleau ont confirmé ce mardi à Emmanuel Macron qu’ils ne s’opposeraient pas à sa nomination, mais ont demandé deux garanties, notamment que ce possible gouvernement Bertrand ne fasse pas l’objet de censure immédiate et que plus d’informations soit données sur la politique qui serait menée.
Du côté de la gauche, la possible arrivée de l’ancien ministre de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy ne convainc pas. La députée PS de la Manche Anna Pic confie à Epoch Times son scepticisme quant à l’arrivée aux affaires d’un gouvernement dirigé par Xavier Bertrand.
Epoch Times : Comment le Parti socialiste accueille la possible nomination de Xavier Bertrand à Matignon ?
Anna Pic : Permettez-moi de rappeler qu’Emmanuel Macron refuse depuis le début de reconnaître le résultat des élections législatives. À partir du moment où il nous avait demandé un nom et que nous l’avons fait, il aurait dû nommer la personne que nous avions désignée. Il ne l’a pas fait. Et maintenant, nous avons le droit à un festival de CV et de personnalités.
Pour ma part, je reconnais la dimension d’homme d’État de Bernard Cazeneuve, et bien entendu, je ne serai jamais en accord avec la politique que mènerait Xavier Bertrand, homme de droite.
Maintenant, comme nous le disons depuis presque deux mois, ce n’est pas une question de personne, mais de politique qui sera menée. Les Français ont envoyé un message lors des trois derniers scrutins. Ils souhaitent une rupture avec la politique d’Emmanuel Macron.
À ce titre, nous avons besoin de garanties sur un certain nombre de lignes rouges. Xavier Bertrand incarne le canal historique des LR, avec lequel nous avons toujours été en désaccord. Par ailleurs, Les Républicains ont largement perdu les élections législatives.
Si l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy nous assurait qu’il respectait le message envoyé par les Français, notamment en termes de retraite, de SMIC etc. alors nous pourrions commencer à envisager de ne pas censurer. Mais à ce jour, il me semble que le casting que recherche Emmanuel Macron, c’est le maintien de sa politique et ça, ce n’est pas possible.
Xavier Bertrand s’est toujours montré intransigeant vis-à-vis du Rassemblement national. Cela ne pourrait-il pas convaincre une partie de la gauche de le soutenir ?
Sur quelles bases ? Sur la simple base du rejet ? Il faut quand même admettre qu’il y a un projet qui est arrivé en tête. Ce projet, c’est celui qui prend en compte les retraites, les revenus du travail, le SMIC, et les urgences sociales de manière générale. On nous dit que Xavier Bertrand a lutté contre l’extrême droite, mais est-ce que dans les Hauts-de-France, le RN a baissé ? Je ne le crois pas.
Je ne vois donc pas sur quelles bases nous pourrions soutenir son possible gouvernement aujourd’hui. À vrai dire, nous ne savons pas ce que représente Xavier Bertrand, si ce n’est qu’il accepte de poursuivre la politique d’Emmanuel Macron, celle qui a échoué – celle qui fait qu’aujourd’hui, nous sommes à 5,6 points de déficit – et qui a creusé la dette.
Je rappelle également que lorsqu’il était ministre de Nicolas Sarkozy, il a mis en œuvre des politiques qui ne me conviennent pas. Il est celui qui a mis le plus en difficulté l’hôpital public, alors que la santé et l’hôpital sont deux sujets majeurs. Donc sur quoi allons-nous nous appuyer pour ne pas censurer un gouvernement dirigé par Xavier Bertrand ? Ce n’est pas suffisant de s’opposer à l’extrême droite. C’est un réflexe républicain que nous devons avoir à chaque fois qu’il y a un risque majeur lors des élections. C’est le minimum que l’on puisse faire.
Que va-t-il se passer maintenant ? Allons-nous poursuivre cette politique qui exaspère les Français au point qu’ils semblent vouloir placer leurs espérances dans ce qui ne leur apportera aucune amélioration, c’est-à-dire l’extrême droite ? Ou alors, allons-nous enfin parler des recettes, de la redistribution auprès des Français qui en ont le plus besoin comme le NFP ?
C’est ça qui m’intéresse. Je crois qu’offrir l’idée que la gauche et la droite peuvent gouverner ensemble, engendrera une victoire de l’extrême droite en 2027.
Emmanuel Macron a écarté la nomination de votre candidate Lucie Castets au poste de Premier ministre. Le PS et le NFP vont-ils continuer à faire pression auprès du chef de l’État pour qu’elle soit nommée ?
Ce n’est pas une question de pression. Nous sommes d’accord pour dire que ne pas nommer Lucie Castets n’est pas inconstitutionnel.
Cela étant, il y a la Constitution et l’esprit de la Constitution. Quelque chose peut être parfaitement constitutionnel, mais pas vraiment démocratique. Et la crise démocratique que nous vivons depuis de nombreuses années mérite que nous respections le vote des Françaises et des Français.
Il ne s’agit pas de dire que c’est Lucie Castets ou rien. Encore une fois, ce n’est pas une question de casting, mais de reconnaissance du vote des Françaises et des Français qui se sont massivement mobilisés à l’occasion des élections législatives et qui ont décidé de rejeter l’extrême droite.
Le Parti socialiste est fracturé sur le positionnement à avoir vis-à-vis de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron. La maire de Vaulx-en-Velin, Hélène Geoffroy a déclaré que « le PS est au bord de la rupture ». Est-ce que vous partagez ce constat ?
Il faut arrêter de parler de Jean-Luc Mélenchon. Le PS est arrivé en tête des partis de gauche lors des élections européennes, et avec les législatives, nous avons doublé notre nombre de députés alors que nous avions 100 circonscriptions de moins que LFI. Les socialistes ont le plus grand nombre de parlementaires à gauche. Nous avons 60 sénateurs, 66 députés et 13 députés européens.
Lorsque Jean-Luc Mélenchon disait qu’il pourrait être candidat au poste de Premier ministre, nous lui avons dit que ce n’était pas possible. Il a également renoncé quand il a voulu imposer un de ses proches. Enfin, il a accepté l’idée que des Insoumis ne rentrent pas au gouvernement pour ne pas bloquer la nomination de Lucie Castets. Alors je crois qu’il faut cesser de nous parler de Jean-Luc Mélenchon. Nous ne prenons pas nos décisions en fonction de ce qu’il dit et de ce qu’il fait.
Le Parti socialiste a des partenaires à gauche et travaille avec un programme commun qui est la base de tout compromis républicain. Voilà où on en est. Et je ne crois pas qu’au sein de notre parti, il y ait des gens qui veulent être les supplétifs d’Emmanuel Macron ou de Jean-Luc Mélenchon. Il y a certainement des divisons de façades, mais cela s’arrête là.
Depuis 2018, nous faisons en sorte avec Olivier Faure que le PS redevienne le grand parti qu’il a été dans le paysage politique français. Nous sommes partis de tellement loin. On nous disait morts, mais je constate que nous sommes redevenus une force centrale à gauche.
Nos décisions sont prises aujourd’hui au sein d’un collectif qu’est le Nouveau Front populaire qui a su se construire en très peu de temps, se saisir de sujets majeurs et arriver en tête des législatives. Donc, cessons de dire que le PS se divise. Il ne se divise pas, il débat.
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