Théoriquement, Park Jae-yeol, 71 ans, aurait dû prendre sa retraite il y a onze ans. Mais les pensions sont maigrelettes et six jours par semaine, il livre des colis à Séoul, s’usant les yeux pour lire les adresses. « Je suis reconnaissant d’être toujours capable de travailler », dit-il cependant à l’AFP en rentrant avec ses paquets dans l’ascenseur d’un immeuble de la capitale. Au total, un million de Sud-Coréens sont contraints de continuer à travailler bien après 60 ans, l’âge officiel du départ à la retraite. La Corée du Sud vieillissante appartient au club des pays développés de l’OCDE mais son système de retraites laisser à désirer.
Plus de 45% des personnes âgées vivent dans une relative pauvreté, soit avec moins de la moitié du revenu médian par foyer, le chiffre le plus élevé des pays de l’OCDE où la moyenne est de 12,5%. « L’argent est le motif le plus important » pour continuer à travailler, poursuit M. Park qui ne veut pas dépendre financièrement de ses enfants. M. Park appartient aux générations de Sud-Coréens responsables du « miracle du fleuve Han », du nom du fleuve qui traverse Séoul. D’un pays ravagé par la guerre (1950-53), la Corée du Sud s’était muée en 11 ème économie mondiale.
Originaire du port méridional de Busan, M. Park est sorti de l’école après le lycée. Il travaillait dans la maintenance de climatiseurs, gagnant assez bien sa vie pour élever trois enfants et acheter un appartement à Séoul. Il fonda sa propre entreprise de maintenance mais comme nombre de ses contemporains, n’a jamais réussi à se constituer un bas de laine pour ses vieux jours. « Notre génération était trop occupée à survivre et élever ses enfants durant cette époque folle, nous étions incapables de nous préparer à l’après-retraite », dit-il.
La Corée du Sud n’a mis en place un système de cotisations retraite qu’en 1988 et il n’est devenu obligatoire qu’en 1999. Les pensions sont fonction des montants et de la durée de cotisation, avec un plancher de dix ans minimum, si bien que bon nombre de personnes âgées sont encore exclues du système. « Beaucoup de ceux qui ont 70 ou 80 ans n’ont jamais eu l’occasion de cotiser au régime de retraites et n’ont pas de pension », explique Hwang Nam-hui, chercheuse à l’Institut coréen des Affaires sociales et sanitaires. Ils doivent survivre avec des allocations sociales « ridiculement basses ». L’entreprise de M. Park a fait faillite en 2012, le laissant avec une retraite équivalant à 130 dollars par mois et une allocation vieillesse d’environ 180 dollars.
« C’est très loin d’être suffisant » pour vivre dans l’une des villes les plus chères du monde. « Ce n’est même pas assez pour l’argent de poche », dit le vieil homme. Il s’est donc enrôlé dans un programme national destiné à fournir des petits boulots aux personnes âgées. Il a commencé son emploi de livreur en 2014 et travaille actuellement entre trois et six heures par jour, du lundi au samedi. M. Park livre jusqu’à 100 colis par jour et gagne environ 500 dollars mensuels. La plupart de ses collègues sont des septuagénaires, le plus âgé ayant 78 ans.
Il travaille déjà depuis plus d’un demi-siècle mais il veut continuer « tant que ma santé le permettra, peut-être jusqu’à 80 ans ». L’épouse de M. Park, 63 ans, travaille également comme caissière. En Corée du Sud, le taux de fécondité –le nombre moyen d’enfants qu’une femme est susceptible de mettre au monde– a chuté à 1,05 en 2017, largement en deçà du seuil de renouvellement des générations, de 2,1.
D’ici 2030, un « tsunami gris » doit déferler sur la Corée du Sud, où les plus de 65 ans devraient représenter 25% de la population contre 14% aujourd’hui. Par le passé, les familles élargies, avec trois générations partageant le même toit, assuraient un certain confort aux personnes âgées qui étaient soutenues par leur descendance, raconte Mme Hwang. Mais la société sud-coréenne s’est radicalement transformée et la famille nucléaire est désormais la norme. Les obligations filiales se sont distendues.
D’après des statistiques récentes, davantage de sexagénaires sont actifs –travaillent ou recherchent un emploi– que les Sud-Coréens âgés d’une vingtaine d’années. M. Park et son épouse ne prennent qu’une semaine de vacances par an pour aller sur l’île touristique de Jeju. Mais travailler est « un privilège », juge-t-il. « Cela me maintient en forme, connecté socialement, plus vivant ».
DC avec L’AFP
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