OPINION

« Le système étant aux abois, il ne lui reste que la censure », estime Jean Messiha au sujet de la suspension de comptes Instagram

août 29, 2024 13:41, Last Updated: août 29, 2024 19:32
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ENTRETIEN – Diverses pages Instagram, notamment celles de la directrice du collectif Némésis, Alice Cordier, du compte parodique « Une Bonne Droite », de notre média Epoch Times France, d’Occidentis, de Frontières (ex-Livre Noir), de l’Association de soutien aux lanceurs d’alerte (Asla) et de l’Institut de Formation Politique (IFP) ont été suspendues. Certaines d’entre elles ont été réactivées. Le président de l’institut Vivre Français Jean Messiha analyse cette vague de suspensions de comptes.

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Jean Messiha : J’ai été l’un des premiers à être censuré sur Twitter, Facebook et Instagram. Je précise d’ailleurs que sur Facebook et Instagram, mon compte est toujours restreint. Il est invisibilisé et n’apparaît plus dans les recherches. Il s’agit d’un mode plus sournois de censure. Mais sur Twitter, mon compte avait été supprimé pendant plus d’un an et demi avant que l’arrivée d’Elon Musk ne le réactive. Je suis donc bien placé pour savoir ce que cela fait d’être censuré.

Sur le fond, je pense que pendant très longtemps, l’espace du débat public a été monopolisé par les médias classiques, c’est-à-dire la radio et la télévision. Et l’apparition, il y a trente ans, de ce qu’on appelait les « autoroutes de l’information » puis les réseaux sociaux, a créé une brèche dans le monolithisme technique du débat public, en permettant finalement non seulement la libre expression journalistique, mais surtout la libre expression de tout le monde, publiquement.

Évidemment, si on fait une lecture politique, le système antinational qui dirige la France et l’Europe depuis une quarantaine d’années et dont l’idéologie tenait les principaux médias, se sentait en sécurité tant qu’il maîtrisait les moyens de communication. Or, se sont créés des moyens de communication nouveaux qui lui échappaient. C’est-à-dire des entreprises privées, d’abord, très souvent à l’étranger, qui promettaient justement une liberté d’expression de manière à pouvoir dire des choses qui n’étaient pas audibles et encore moins autorisées dans l’espace du débat public médiatique tel qu’il avait été conçu par la radio et la télévision.

Le système a donc très rapidement compris le danger de ce nouveau mode d’expression qui agglomérait des millions et des millions de personnes et a entrepris de museler ces nouveaux médias de communication, notamment avec l’arrivée de Mark Zuckerberg, de Jack Dorsey (l’ancien patron de Twitter), etc. qui étaient acquis à l’idéologie gaucho-progressiste. Le système a retourné l’atout de la liberté d’expression contre elle-même en prenant le contrôle de ces médias sociaux. Ce qui a été constaté dans le débat à la radio et à la télévision a été en quelque sorte prolongé sur Facebook, Twitter et Instagram où des comptes qui diffusaient une pensée non-conforme à la pensée dominante, ont commencé à tomber les uns après les autres. Encore une fois, j’ai été le premier à en faire partie. Après, est arrivé dans cet univers idéologiquement monolithique, Elon Musk. Elon Musk est un peu le Martin Luther du système. Souvenez-vous, Martin Luther est celui qui s’indignait contre le fait que seuls les évêques et les prêtres avaient la possibilité de lire la Bible et de l’interpréter aux fidèles. Pour lui, tout le monde devait avoir accès à la parole de Dieu. En plus, l’imprimerie existait déjà à son époque et permettait la libre circulation des bibles et des idées.

Elon Musk va faire de même et va d’une certaine manière transformer tout le monde en journaliste en estimant que n’importe qui a le droit d’avoir accès à l’information, mais également que tout le monde peut produire l’information. C’est un libéral qui croit dans les vertus du marché, il est persuadé que le marché s’auto-régule, et que si d’aventure vous avez des comptes qui diffusent des contenus de mauvaise qualité, d’autres vont intervenir pour alerter les internautes. Par conséquent, tout ça va s’autoréguler par les interventions des uns et des autres qui vont in fine produire une information qui sera tout à fait libre de toute influence idéologique et qui aura été d’autant plus confirmée qu’elle sera passée sous les fourches caudines de vérificateurs anonymes.

Selon des informations rapportées par Le Monde, la maison mère d’Instagram, Meta, assure que la suspension de certains comptes est liée au « non-respect des conditions d’utilisation d’Instagram ». Qu’en pensez-vous ?

C’est une réponse qui relève d’une forme de tautologie circulaire. Si leurs conditions d’utilisation ne sont que l’expression pragmatique de leurs vecteurs idéologiques majeurs, alors évidemment, le fait de ne pas être conforme à l’idéologie majeure va se traduire par des contenus qui vont venir enfreindre les règles. C’est un peu le serpent qui se mord la queue.

Meta présente ses conditions d’utilisation comme si elles étaient neutres, impartiales, minimalistes et qu’elles avaient vocation à réguler les choses les plus abjectes telles que la pédopornographie, la pédophilie ou les appels au meurtre. Dans ces cas de figure, il n’y a aucun problème pour respecter les conditions d’utilisation. Mais quand Meta nous dit qu’il faut censurer les comptes qui attisent la haine, je ne sais pas ce que cela veut dire.

Si publier des contenus dénonçant par exemple l’immigration ou montrant les agressions quotidiennes commises par des individus issus de certaines immigrations à l’endroit des Français de souche attise la haine, alors il y a une réalité que vous ne pouvez pas montrer, mais surtout qui vient percuter les dogmes idéologiques du vivre-ensemble. Et bousculer ces dogmes vous fera être considéré comme quelqu’un qui ne respecte pas la charte d’utilisation. Mais la charte d’utilisation est elle-même idéologique. Donc on tourne en rond.

La députée européenne Reconquête ! Sarah Knafo a envoyé une question écrite à la Commission européenne en dénonçant une « censure sur les réseaux sociaux » et une « menace directe pour notre souveraineté et notre démocratie ». Elle a également accusé l’UE « d’encourager ces dérives liberticides » en citant le Digital Services Act (DSA). Pour vous, l’UE favorise-t-elle ces suspensions de comptes sur les réseaux sociaux ?

Oui tout à fait. Il faut revenir à la veine jugulaire qui a permis l’émergence de l’Union européenne. La construction européenne consistait à créer une espèce de superstructure au sens marxien du terme, c’est-à-dire capable de contenir les mouvements pendulaires démocratiques dans les États nations.

Au moment de l’avènement de l’idéologie libérale, immigrationniste et sans-frontiériste des années 1980, l’idée était qu’elle ne puisse plus être contestée par la voie démocratique. Au niveau européen, a donc été créée une espèce de clé de voûte juridico-administrative qui serait la garante de la pérennité de cette idéologie antinationale qui est au pouvoir dans les États et qui la protégerait de toute tentative populaire de contestation.

L’UE joue exactement le même rôle aujourd’hui avec les réseaux sociaux. Elle va venir en appui des systèmes antinationaux qui sont au pouvoir dans les différents pays pour serrer la vis et museler cette libre expression, normalement permise par les réseaux sociaux.

Tout le paradoxe réside dans le fait que la liberté d’expression est née sur le continent européen et plus singulièrement en Europe de l’Ouest. Et les institutions, qu’elles soient nationales ou européennes, devraient être au service de la liberté d’expression. Elles devraient être les garantes d’une liberté d’expression qui soit effective et non pas la censurer.

Faut-il selon vous réviser le DSA, comme le préconise Sarah Knafo ?

Le Digital Services Act n’a aucune utilité. Il devrait être purement et simplement supprimé parce que nul n’ignore que ce qui prévaut sur les réseaux sociaux entre déjà dans le cadre juridique et jurisprudentiel. Si dans un journal, vous faites par exemple l’apologie du terrorisme, vous pouvez avoir une plainte et être condamné. Il en est de même si vous le faites sur les réseaux sociaux.

Nous avons un corpus de lois très protecteur contre les dérives criminelles, c’est-à-dire le trafic de drogue, le trafic d’armes, la pédopornographie, l’apologie du terrorisme, l’apologie des crimes de guerre ou le cyberharcèlement. Ce cadre-là ne s’applique pas uniquement à la société en dehors des réseaux sociaux.

Quand j’ai été menacé de mort en ligne, des personnes ont fait un signalement sur la plateforme Pharos. L’individu a été retrouvé et va passer au tribunal. Et on n’a pas eu besoin du Digital Services Act pour le faire. La législation nationale est suffisante.

Je pense que derrière les grandes ambitions de l’UE se cachent des objectifs nettement moins avouables qui consistent en réalité à protéger la pensée dominante en empêchant l’émergence, sur cet espace particulier que sont les réseaux sociaux, d’une réalité alternative à celle que proposent les médias. Il y a deux réalités.

Il suffit de regarder les journaux télévisés après avoir passé du temps sur les réseaux sociaux pour s’en convaincre. D’ailleurs, rappelez-vous la déclaration de la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte, qui expliquait doctement qu’elle ne représente pas sur les chaînes la France telle qu’elle est, mais telle qu’elle voudrait qu’elle soit. On voit là la volonté d’imposer le prisme idéologique qui est le sien, c’est-à-dire woke, sans-frontiériste, etc.

Cette matrice idéologique va faire l’inverse du travail des journalistes, c’est-à-dire qu’au lieu de partir du réel et se contenter de l’analyser, elle va plutôt faire passer le réel à travers un certain prisme. In fine, va arriver aux yeux du téléspectateur, la substantifique moelle de la réalité qui correspond à ses lubies idéologiques.

Cette vague de suspensions de comptes intervient un mois après que l’Arcom a décidé de ne pas renouveler les fréquences TNT de C8 et NRJ 12. Comment voyez-vous la situation ?

Comme pour les réseaux sociaux, j’ai été le premier à être censuré par l’Arcom. En novembre 2023, l’Arcom a soudainement décidé de me classer en tant que personnalité politique « divers droite » alors que je n’ai ni d’engagement politique ni de mandat électif, que je ne suis candidat à rien et que je ne suis membre d’aucun parti politique. Cet organisme a fait de moi contre mon gré une personnalité politique. En plus, à la télévision, les « divers droite » n’ont le droit qu’à seulement 2 % du temps de parole. Et les chaînes vont bien sûr préférer inviter quelqu’un qui représente réellement ce courant – ce qui n’est pas mon cas.

La manœuvre est de facto sournoise. Elle est non seulement illégale, mais surtout elle a abouti à la censure immédiate puisque j’ai quasiment disparu des écrans de télévision du jour au lendemain. Et comme personne n’a réagi à ce scandale je crois que le système s’est dit qu’il pouvait continuer à censurer et a décidé de ne pas renouveler les fréquences TNT de C8 et de NRJ 12. Je crois que nous sommes en train d’assister aux dernières lueurs crépusculaires d’un système antinational agonisant, tel un animal blessé mort qui peut encore donner des coups violents.

Qui aurait pu imaginer que dans un pays aussi démocratique que la France, une chaîne de télévision qui fait entre 1 million et 2 millions et demi de téléspectateurs tous les soirs, serait purement et simplement supprimée par l’État ? Il y a une quarantaine d’années, des gens seraient partis manifester dans les rues. Rappelez-vous des manifestations pour les radios libres de la fin des années 1970.

Je crains que cette dérive de bannissement de certains contenus va continuer parce que le système est aux abois, il est décrédibilisé et plus personne ne croit en lui et il se réfugie dans une espèce de fuite en avant délétère de censure qui reste au fond sa seule arme puisqu’il n’a plus les moyens de venir débattre de ce en quoi il croit.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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