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Syrie : stupéfaction et colère devant les villas et trafics de la famille Assad

décembre 16, 2024 10:35, Last Updated: décembre 16, 2024 11:16
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L’allée serpente entre les pelouses manucurées bordées de lavandes jusqu’à la villa posée face à la mer et sa piscine en céramique bleue. La villégiature du président syrien déchu, Bachar al-Assad, à Lattaquié, dans l’ouest du pays, écoeure les visiteurs.

Des enfants jouent dans une piscine vide alors que des personnes visitent la résidence d’été du président déchu Bachar al-Assad dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

« Penser qu’il a dépensé tout cet argent pendant que nous vivions comme des misérables », crache Moudar Ghanem, 26 ans, le teint gris et les yeux creusés, qui sort de 36 jours en prison à Damas pour « terrorisme ».

Il est venu dimanche « voir de ses yeux comment ils vivaient alors que les gens n’avaient même pas d’électricité », explique-t-il devant les baies vitrées de l’immense salon en marbre blanc.

Des personnes passent devant des vitres brisées alors qu’elles visitent la résidence d’été du président déchu Bachar al-Assad dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

« Je me fiche bien que le futur président habite ici, du moment qu’il s’occupe des gens. Qu’il ne nous humilie pas ».

La province de Lattaquié est le berceau du clan Assad, au pouvoir pendant un demi-siècle, dont Bachar, l’héritier, vient d’être chassé du pouvoir en deux semaines par l’offensive éclair d’une coalition rebelle.

La maison intégralement pillée et dépouillée

Les familles ont commencé dimanche à déambuler dans cette villégiature estivale du président déchu, gardée par une poignée de combattants. L’une des trois villas du président Assad aux abords de Lattaquié, en Méditerranée.

Plus que le triomphe, c’est la stupéfaction et la colère qui dominent face à l’aisance des lieux baignés par le soleil au-dessus des eaux claires.

La maison a été intégralement pillée et dépouillée du moindre bouton de porte, mais la taille des pièces, la mosaïque antique qui orne l’entrée témoignent de son standing.

Des personnes ouvrent une gouttière devant la Syria Car Trading Company qui appartient à Hafez Munther al-Assad, un parent du président syrien déchu Bachar al-Assad, dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

« Ils nous ont chassés. Je n’ai jamais osé revenir »

Noura, 37 ans, vivait en famille sur ce terrain: « Ils nous ont chassés. Je n’ai jamais osé revenir », indique-t-elle. Elle compte s’adresser à la justice pour récupérer son bien.

Comme Noura, une semaine après la chute du président, la plupart des personnes rencontrées dimanche à Lattaquié s’expriment volontiers mais butent, au moment de donner leur nom, sur la peur qu’inspire toujours le clan.

« On ne sait jamais, s’ils revenaient », justifie Nemer, 45 ans, qui vient d’arrêter sa moto devant une villa tape-à-l’œil du quartier résidentiel d’Al Zeraaha: la résidence de Munzer al-Assad, cousin de Bachar qui dirigeait avec son frère Fawaz, décédé en 2015, une milice mafieuse connue pour ses abus et nombreux trafics.

 

Des hommes syriens parlent au téléphone à Maaret al-Numan, dans la province d’Idlib, au nord-ouest de la Syrie, le 14 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

« C’est la première fois que je m’arrête ici, avant les gardes nous chassaient, on n’avait pas le droit de se garer ».

Rien n’a résisté à la rage de la population

La maison a été visitée dès le premier jour et ses deux étages mis à sac. Rien n’a résisté à la rage de la population : photos de famille déchirées, portraits piétinés, lustres arrachés, meubles emportés.

Des personnes marchent dans la maison endommagée de Hafez Munther al-Assad, un parent du président syrien déchu Bachar al-Assad, dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

« On gagne 20 dollars par mois, moi j’ai deux boulots pour nourrir ma famille », défend Nemer qui se souvient des convois passant en trombe dans la rue.

« Syria car » : une vaste lessiveuse d’argent sale

Dans la concession « Syria car » du fils de Munzer, Hafez, une seule voiture trône encore dans le verre pilé des vitrines: faute de la démarrer, la foule s’est acharnée sur la carrosserie, les vitres, les sièges. Un jeune couple fait mine de s’assoir au volant.

Des combattants rebelles se tiennent à côté d’un drapeau de l’époque de l’indépendance dans le bâtiment de la Syria Car Trading Company, appartenant à Hafez Munther al-Assad, un parent du président syrien déchu Bachar al-Assad, dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

Mais Hassan Anouar a d’autres desseins. Depuis le matin, cet avocat de 51 ans inspecte les lieux et collecte tous les documents qui pourront servir à la justice : Hafez était connu pour confisquer ou acheter bien en-dessous de leur prix les voitures qu’il convoitait, au détriment de leurs propriétaires, explique M. Anouar.

Des combattants rebelles cherchent des documents dans le bâtiment de la Syria Car Trading Company, appartenant à Hafez Munther al-Assad, un parent du président syrien déchu Bachar al-Assad, dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

« Plusieurs plaintes ont été déposées », rapporte-t-il.

Surtout, « Syria car » était une vaste lessiveuse d’argent sale qui masquait les trafics de la famille, assure-t-il.

Des quantités phénoménales de captagon

Des personnes ouvrent une gouttière devant la Syria Car Trading Company qui appartient à Hafez Munther al-Assad, un parent du président syrien déchu Bachar al-Assad, dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

Sur le trottoir, deux passants s’arrêtent au dessus d’une grille d’égout, la soulèvent et en extraient à pleines mains des centaines de petites pilules blanches : « Captagon », selon eux, cette drogue de synthèse découverte en quantités phénoménales à travers le pays.

Cette photo montre des pilules dans un caniveau devant la Syria Car Trading Company qui appartient à Hafez Munther al-Assad, un parent du président syrien déchu Bachar al-Assad, dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

Selon l’avocat, elle était exportée depuis Lattaquié dans les étiquettes de vêtements Made in China.

Un homme ouvre un sac de pilules trouvé dans un caniveau devant la Syria Car Trading Company, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

Suivi par deux jeunes combattants tout juste arrivés d’Idleb, le fief des rebelles, il pénètre dans un immeuble adjacent par une vitre brisée dont sort un jeune policier, Hilal, pistolet à la ceinture.

« Je suis choqué par le niveau des crimes »

En sous-sol, Hilal a découvert des balances toutes neuves, encore dans leurs cartons, « pour peser la drogue », dit-il, et des boites de pipettes en verre, éprouvettes et tubes qui, selon lui, servaient à fabriquer des pilules de méthamphétamines – il a cherché le mot sur son téléphone.

Des combattants rebelles examinent une balance de précision dans le bâtiment de la Syria Car Trading Company, appartenant à Hafez Munther al-Assad, un parent du président syrien déchu Bachar al-Assad, dans la ville portuaire occidentale de Lattaquié, le 15 décembre 2024. (OZAN KOSE/AFP via Getty Images)

« Je suis choqué par le niveau des crimes », lâche Ali, 30 ans, un des jeunes combattants d’Idleb.

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