TAIPEI, Taïwan – Un chirurgien taïwanais et quatre autres personnes ont été inculpés d’avoir illégalement négocié des transplantations d’organes en Chine, une affaire qu’un groupe local de défense des droits médicaux a qualifiée d’alarmante puisque Pékin s’approvisionne en organes auprès de prisonniers d’opinion.
Le chirurgien, Chen Yao-li, est accusé d’avoir orchestré un groupe criminel qui a aidé à envoyer 10 patients taïwanais en Chine pour des transplantations d’organes entre 2016 et 2019, a déclaré le bureau des procureurs du district du comté de Changhua, dans le sud de Taïwan, dans un communiqué de presse publié le 25 novembre.
M. Chen est accusé d’avoir enfreint la loi de l’île sur la transplantation d’organes humains, qui stipule que tout organe de transplantation « doit être fourni ou acquis gratuitement » et que « les personnes qui négocient des transplantations d’organes ou la fourniture et l’acquisition d’organes » sont passibles d’une peine d’emprisonnement pouvant aller jusqu’à cinq ans et d’une amende maximale de 1,5 million de NT$ (Nouveau dollar taïwanais ; soit environ 46.200 dollars ou environ 43.900 euros).
M. Chen a travaillé au centre de transplantation d’organes de l’hôpital chrétien de Changhua.
Après l’annonce de l’inculpation par les procureurs, l’hôpital a déclaré que M. Chen ne travaillait plus dans l’établissement depuis juillet 2022. Les procureurs de Changhua ont commencé à enquêter sur M. Chen en mars de la même année.
L’hôpital a déconseillé aux habitants de se rendre en Chine pour des greffes de foie, citant des rapports et l’avertissement des Nations unies concernant le prélèvement forcé d’organes par le régime, qui vise les pratiquants du Falun Gong, les prisonniers de conscience, les Ouïghours et les chrétiens. L’hôpital a ajouté qu’il interdisait toute conduite médicale contraire à l’éthique et illégale et qu’il respectait les résultats des enquêtes judiciaires.
David Huang, vice-président et porte-parole de l’Association taïwanaise pour les soins internationaux de transplantation d’organes, a souligné que cette affaire marquait une étape importante.
Il s’agit de la première inculpation contre des trafiquants d’organes depuis que Taïwan a modifié sa loi sur la transplantation d’organes humains en 2015, afin d’interdire l’utilisation d’organes provenant de prisonniers exécutés, ainsi que la vente, l’achat et le trafic d’organes.
« J’espère que cette inculpation attirera l’attention des citoyens locaux et du gouvernement. Se rendre en Chine pour une transplantation d’organe comporte des risques médicaux, moraux et juridiques », a déclaré M. Huang dans un courriel adressé à Epoch Times.
Epoch Times a demandé un commentaire à l’hôpital universitaire médical de Chung Shan, où M. Chen travaille en tant que vice-directeur de son centre de transplantation hépatique.
Greffes de foie et de rein
Selon les procureurs, M. Chen, alors qu’il travaillait au centre de transplantation, a demandé à ses patients de contacter un complice du nom de Huang, qui était à la tête d’une société de biotechnologie dont le nom n’a pas été dévoilé. M. Huang aurait organisé pour six patients taïwanais une greffe de foie ou de rein dans un hôpital chinois de Qingdao, une ville de la province de Shandong, dans l’est de la Chine.
M. Huang aurait facturé à chacun des six patients entre 5 et 7,5 millions de NT$ (environ 154.000 à 231.000 dollars, ou entre environ 146.000 et 219.00 euros) pour une greffe de foie, et entre 3 et 3,5 millions de NT$ (soit environ 92.400 à 107.800 dollars ou environ 87.700 à 102.300 euros) pour une greffe de rein. L’épouse de M. Huang, prénommée Yang, a ensuite mis les patients en contact avec des médecins de l’hôpital affilié à l’université de Qingdao pour organiser les interventions chirurgicales.
Selon les procureurs, M. Chen se serait également rendu à l’hôpital chinois de Qingdao pour « donner des instructions » dans la salle d’opération pendant que les opérations du foie étaient pratiquées.
Par ailleurs, M. Chen aurait demandé à une infirmière assistante taïwanaise, prénommée Hsieh, de se rendre en Chine pour prodiguer des soins postopératoires moyennant un paiement de 200.000 NT$ (environ 6150 dollars ou 5835 euros) par patient.
M. Chen a également travaillé avec un complice du nom de Lin, qui fournissait depuis des années des « services de transplantation d’organes » entre Taïwan et la Chine, pour que quatre patients taïwanais subissent une greffe de rein ou de foie à Changsha, une ville de la province du Hunan, en Chine centrale. Les deux hommes se sont ensuite partagé les montants versés.
Les procureurs réclament une peine de six ans pour M. Chen et une peine de trois ans pour chacun de ses quatre complices. Ils souhaitent confisquer l’ensemble des revenus illégaux du groupe, qui s’élèvent à environ 20,4 millions de NT$ ( soit 628.000 dollars ou 596.00 euros).
M. Chen aurait gagné plus de 14,8 millions de NT$ (environ 455.600 dollars ou 432.300 euros) au cours de cette période de trois ans. Il a restitué 83.060 dollars (soit environ 78.800 euros) au cours de l’enquête, et les procureurs ont confisqué ses biens pour l’empêcher de « profiter de ces revenus illégaux », a déclaré le bureau du procureur de Changhua.
Mme Hsieh doit maintenant restituer 1,1 million de NT$ (environ 33.800 dollars ou 32.000 euros) de revenus illégaux dans le cadre d’un accord conclu avec les procureurs, qui ont accepté de différer les poursuites à l’encontre de l’infirmière.
Les transplantations d’organes en Chine sont « très risquées » affirment les procureurs
Des procureurs taïwanais ont mis en garde la population contre les risques liés aux transplantations d’organes en Chine.
La plupart des patients concernés n’ont survécu que deux ou trois ans après les transplantations d’organes. Certains sont morts une semaine après leur retour à Taïwan.
« Les opérations de transplantation d’organes qui impliquent des intermédiaires et ne sont pas transparentes sont très risquées », peut-on lire dans le communiqué de presse.
En 2019, le China Tribunal, basé à Londres, a conclu que le prélèvement forcé d’organes était pratiqué à « grande échelle » en Chine, les pratiquants du Falun Gong étant la principale source d’organes. Les pratiquants du Falun Gong, une pratique spirituelle également nommée Falun Dafa, sont la cible de persécutions orchestrées par le régime chinois depuis 1999.
La Chambre des représentants des États-Unis a adopté en juin la loi sur la protection du Falun Gong (Falun Gong Protection Act : H.R. 4132).
Si elle est adoptée, cette loi exigera du président qu’il fournisse aux commissions compétentes du Congrès une liste de personnes étrangères qui « ont sciemment et directement participé aux prélèvements non consentis d’organes en République populaire de Chine ou qui les ont facilités ». Les personnes figurant sur cette liste s’exposeraient à des sanctions pouvant aller jusqu’à l’interdiction d’entrer aux États-Unis.
Le sénateur Marco Rubio (Parti républicain de Floride) a présenté la version sénatoriale (S.4914) de la législation en juillet. M. Rubio a été nommé par le président élu Donald Trump au poste de secrétaire d’État américain.
David Huang, de l’Association taïwanaise pour les soins internationaux de transplantation d’organes, a salué les efforts législatifs déployés aux États-Unis. Si le Sénat adoptait la législation, il s’agirait, selon lui, d’un « moment historique en devenir ».
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