Début août, Taïwan a vu non seulement des appareils militaires chinois manœuvrer au large de l’île, mais aussi une nuée de désinformations apparaître sur ses réseaux sociaux, souvent pour saper le moral des habitants et promouvoir le discours de Pékin.
Dans les eaux et dans le ciel, la Chine a envoyé autour de l’île navires de guerre et avions de chasse pour protester contre la visite de la présidente de la Chambre des représentants des Etats-Unis Nancy Pelosi, le 2 août à Taipei.
Au même moment, les messages pro-Chine inondaient les réseaux sociaux avec des allégations fausses ou trompeuses.
La Chine a aussi lancé des offensives en ligne (cyberattaques et désinformation)
« En plus des exercices militaires dans le monde physique, la Chine a aussi lancé des offensives en ligne: des cyberattaques et de la désinformation », selon Charles Yeh, rédacteur en chef du site taïwanais de fact-checking MyGoPen.
La majorité des fausses informations relevées par son équipe étaient anti-américaines, et défendaient l’idée que l’île devait « se rendre » à la Chine, ajoute-t-il.
Mme Pelosi, critique depuis longtemps de la situation des droits de l’homme en Chine, a effectué la visite américaine de plus haut rang depuis des décennies à Taïwan, au cours d’un voyage scruté de près par la Chine.
Alors que des millions d’internautes suivaient sur Weibo, équivalent chinois de Twitter, l’avancée de son vol vers Taïwan, des affirmations infondées prétendaient qu’elle avait eu un coup de chaleur et que son avion avait été contraint de faire demi-tour vers les États-Unis.
Insultes à son encontre, souvent à caractère misogyne
Certains utilisateurs chinois ont proféré des insultes à son encontre, souvent à caractère misogyne, la qualifiant par exemple de « vieille peau cinglée » et se demandant pourquoi elle a pu échapper aux strictes mesures de quarantaine sanitaire en cours à Taïwan.
Interrogée sur ces réactions, Mme Pelosi a dit croire « qu’ils en ont fait tout un plat parce qu'(elle est) présidente de la Chambre ».
« Je ne sais pas si c’était une raison ou une excuse, parce qu’ils n’ont rien dit quand des hommes sont venus », a-t-elle ajouté, en référence aux précédentes visites de responsables américains masculins.
Taïwan est l’une des démocraties les plus progressistes d’Asie et possède une presse plus libre qu’en Chine, où un « Great Firewall » – jeu de mot sur la « Grande Muraille » (« Great Wall ») de Chine et le pare-feu (« firewall »)- et la censure étatique régissent la toile.
La liberté favorise la circulation de fausses informations
Mais cette liberté favorise la circulation de fausses informations, à la fois sur les grands réseaux sociaux et sur les messageries locales.
Les responsables taïwanais de la défense ont ainsi assuré avoir identifié quelque 270 allégations « fausses » sur Internet, ces dernières semaines.
Et la police a arrêté une femme accusée de partager un message sur l’application LINE, assurant que Pékin avait décidé d’évacuer les citoyens chinois de Taïwan.
Elle essayait de « déstabiliser Taïwan », a assuré un porte-parole de la police.
Dans une autre publication à forte audience, un message d’avertissement prétendument émis par l’agence de presse officielle Chine nouvelle soutenait que Pékin « reprendrait sa souveraineté » sur Taïwan le 15 août.
Le message, vu plus de 356.000 fois sur l’application chinoise de TikTok, assurait que l’armée taïwanaise serait démantelée et qu’un responsable du parti d’opposition serait nommé gouverneur.
L’équipe de vérification de l’AFP n’a trouvé aucune trace d’un tel article publié par l’agence de presse officielle chinoise.
Cette désinformation en chinois se propage très vite
Summer Chen, rédactrice en chef du Taiwan’s FactCheck Center, explique que cette désinformation en chinois se propage très vite et de façon très large, rendant la tâche impossible pour les fact-checkers.
Ceux-ci « présentent généralement côte à côte les affirmations trompeuses et les explications officielles, mais à ce stade, les affirmations auront déjà atteint leur objectif, à savoir façonner l’opinion publique », a-t-elle souligné.
Fin 2018, une poignée d’organisations chargées de la vérification de l’information ont vu le jour à Taïwan, la plupart émanant d’ONG voulant combattre la désinformation qui cherche, selon elles, à déstabiliser l’île.
Important que les Taïwanais portent un regard critique sur ce qu’ils lisent
Pour Mme Chen, il est aussi important que les Taïwanais portent un regard critique sur ce qu’ils lisent en ligne et ne se reposent pas entièrement sur les fact-checkers.
« Il est facile (pour nous) de démonter ce genre de désinformation, mais il est plus important que le public rejette de façon rationnelle ce genre d’information et évite de tomber dans les pièges », explique-t-elle.
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