Pendant la première semaine qui a suivi l’accident nucléaire de Fukushima en mars 2011, les stocks de riz et de nouilles ont été épuisés dans le supermarché le plus proche de mon logement dans la région de Tokyo, à environ 200 km de l’endroit de la catastrophe. Cette semaine-là, ce ne sont pas seulement les habitants de Tokyo, mais une bonne partie du monde qui a été prise de panique face au risque de contamination par les radiations.
Aujourd’hui en 2015, nous sommes encore préoccupés par le déversement en mer de l’eau radioactive de la centrale nucléaire de Fukushima. Les produits agricoles provenant de plusieurs préfectures du Japon sont toujours interdits d’importation dans de nombreux pays dont la Corée et Taïwan, en dépit de négociations bilatérales entre gouvernements. Par ailleurs, malgré le souhait du gouvernement japonais d’en redémarrer certaines, toutes les centrales nucléaires aujourd’hui au Japon demeurent à l’arrêt.
L’accident nucléaire de Fukushima a sonné le glas pour l’énergie nucléaire non seulement au Japon mais aussi à Taïwan qui est également située sur ce que l’on appelle la ceinture de feu du Pacifique. Il y a trois centrales nucléaires en activité à Taïwan, deux d’entre elles sont très proches de la capitale Taipei. Compte tenu du fait que la première et la deuxième centrale nucléaire devraient être définitivement arrêtées d’ici six ans, une quatrième centrale est en construction pour remplacer ces deux premières. Néanmoins, après une manifestation massive en avril 2014, la construction de la quatrième centrale a été arrêtée, il est prévu de mettre le chantier en sommeil pour trois ans dès le 1er juillet 2015. D’autre part, du fait de problèmes de sécurité et de gestion des déchets nucléaires, on envisage de déclasser la première et la seconde centrales à la date prévue ou même plus tôt.
« Pas de nucléaire chez nous », le slogan le plus populaire lors des rassemblements anti-nucléaires à Taïwan, est devenu un élément de consensus social et politique.
Les leaders des deux principaux partis politiques, le Kuomintang et le Parti progressiste démocrate, ont tous les deux exprimé leur accord pour un abandon de l’énergie nucléaire et la mise en place d’une stratégie de développement des énergies alternatives. Néanmoins le gouvernement actuel présidé par Ma Ying-Jeou ( qui doit quitter le pouvoir en 2016) considère toujours l’objectif du « Pas de nucléaire chez nous » comme un obstacle à la croissance économique du pays.
Face a l’inertie de Ma Ying-jeou en ce qui concerne l’énergie nucléaire, la société civile est en train d’explorer plusieurs voies menant à un Taïwan libéré de l’énergie nucléaire. Son espoir est de développer des sources alternatives d’énergie pour remplacer l’énergie nucléaire et d’exporter ensuite cette technologie dans le monde pour doper la croissance économique. Les trois centrales nucléaires de Taïwan ne produisent que 10 à 20 % de l’électricité du pays. La perspective de panneaux solaires bon marché combinés à de puissantes batteries de stockage d’énergie est une source d’espoir car Taïwan est un producteur important de cellules solaires. L’énergie géothermique est aussi une promesse d’avenir, le professeur Kao Cheng-Yen, un vétéran anti-nucléaire, a récemment créé une compagnie de production d’électricité géothermique et Eric Chu, le maire de la nouvelle ville de Taipei, projette de construire une centrale géothermique dans sa ville en partenariat avec l’Institut de recherche technologique.
Un autre versant de cette stratégie pour Taiwan est une utilisation plus efficace de l’énergie. En Corée du Sud, touchée par son propre scandale nucléaire, le maire de Séoul, la capitale, a fait l’annonce d’une politique énergétique équivalente à une centrale nucléaire en moins. Outre une production électrique provenant de sources d’énergie renouvelable, il met également l’accent sur un usage plus efficace et une économie énergétique. Comme cela est plus facile à dire qu’à faire, les groupes de citoyens anti-nucléaires de Taïwan cherchent à s’informer sur l’expérience en cours de la Corée du Sud.
Après la catastrophe de Fukushima, j’ai assisté à plusieurs manifestations anti-nucléaires à la fois à Tokyo et Taipei. Ce que j’ai observé à cette occasion me surprend toujours : les gouvernements ne savent pas ouvrir des discussions avec les manifestants mais utilisent leur énergie pour les faire taire. En avril 2014 à Taipei, la police a commencé par faire évacuer la zone en braquant des canons à eau sur nous, les manifestants, qui n’étions que des citoyens ordinaires exigeant que le gouvernement reconsidère sa politique nucléaire. Et pourtant le pouvoir a fermé les yeux sur le mode d’action de sa police.
À l’encontre des aspirations du peuple taïwanais à l’abandon du nucléaire, le gouvernement du président Ma Ying-jeou est en train de chercher les moyens d’augmenter la durée de vie de la première et de la seconde centrale nucléaires. Pour résoudre le problème d’insuffisance d’espace pour stocker les déchets nucléaires, ils proposent d’envoyer outre-mer pour retraitement 1.200 barres de combustible nucléaire usagé et hautement radioactif. Cette proposition, suspendue par le Parlement en mars, est coûteuse et inefficace car le combustible retraité sera finalement renvoyé à Taïwan.
En outre, plusieurs experts du comité international sur les matériaux radioactifs fissiles sont inquiets au sujet de ces procédés de retraitement qui pourraient avoir un impact sur la prolifération des armes nucléaires. Il suffit de savoir qu’environ 2 tonnes de plutonium (quelques dizaines de kilos suffisent pour faire une bombe dévastatrice ) seront produits par le retraitement des barres de combustible utilisé à Taïwan. Cette impasse sur le stockage des déchets nucléaires ne disparaîtra pas si l’administration du président Ma Ying-jeou et l’Entreprise énergétique de Taïwan qui gère la production électrique sur l’île n’essaient pas une approche plus souple et plus pratique en commençant à discuter avec les groupes de citoyens opposés au nucléaire.
Le chemin vers un pays débarrassé du nucléaire n’est jamais facile, il faut des décennies pour commencer à voir le fruit de ses efforts. Puisqu’une nouvelle génération d’hommes politiques à Taïwan est disposée à discuter avec les citoyens opposés au nucléaire, il serait bénéfique pour la société entière que débute le plus rapidement possible un débat réel entre le gouvernement et les groupes de la société civile.
Version originale : Taïwan : Un espoir de sortir du nucléaire
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