Permettre aux sourds et malentendants d’appeler n’importe quel interlocuteur. Les opérateurs français de télécommunications lancent lundi un nouveau service de téléphonie dédié, en application de la loi sur le numérique adoptée en octobre 2016.
Un décret consacré aux personnes handicapées oblige les opérateurs à donner accès, gratuitement, à une heure de communication par mois aux personnes sourdes et malentendantes, via une traduction de la conversation dans la langue de leur choix.
« On arrive aujourd’hui à une étape essentielle qu’on attendait depuis de longues années », a expliqué Jérémie Boroy, président de l’Union nationale pour l’insertion sociale des déficients auditifs (UNISDA), lors d’une présentation de ce nouveau service, jeudi.
Regroupement de 15 opérateurs téléphoniques
La Fédération FFTelecoms, qui regroupe quinze opérateurs téléphoniques dont Altice SFR, Bouygues et Orange, a choisi la start-up française Roger Voice pour développer son application, tandis que l’opérateur Free (groupe Iliad) s’est appuyé sur l’entreprise DEAFI pour développer le relais téléphonique Free.
Une plateforme téléphonique dont le développement fut « un vrai défi » et qui « doit encore s’améliorer », reconnaît Michel Combot, directeur général de FFTélécoms, la loi demandant qu’une réponse soit apportée à la fois aux sourds, aux malentendants, aux sourds aveugles et aux aphasiques (affection qui va de la difficulté de trouver ses mots à une impossibilité de s’exprimer).
Au moment de passer l’appel, la personne sourde ou malentendante voit s’afficher sur son écran une liste de différentes options : un interprète en langue des signes, un « codeur en langue parlée complétée », ou un appel visuel avec transcription du sous-titrage et correction par « un scribe ».
Un temps de mise en relation permet ensuite au sourd ou malentendant d’expliquer à l’interprète la nature de la communication. Une contextualisation essentielle, selon Michel Combot, qui rappelle que « le ton adopté par l’interprète ne sera pas le même si vous appelez un membre de votre famille ou une administration ».
« Bonjour, vous êtes en relation avec la plateforme téléphonique Roger Voice, une personne sourde cherche à vous joindre. Je suis interprète et je vais traduire votre conversation », entendra l’interlocuteur du sourd ou malentendant.
Une interface braille pour les sourds aveugles
Pour les sourds aveugles, la conversation sera transcrite sur une interface braille, la réponse du sourd aveugle étant ensuite vocalisée à son interlocuteur, a précisé Olivier Jeannel, créateur de Roger Voice.
La loi prévoit une mise en œuvre progressive du dispositif. À partir du 8 octobre, les opérateurs sont tenus d’offrir une heure d’appel gratuit par mois.
À partir du 1er octobre 2021, le temps d’appel passera à 3 heures par mois, puis à 5 heures par mois à partir du 1er octobre 2026.
Mais à l’heure actuelle, il n’existe que 500 interprètes en langue des signes et un diplôme d’interprète pour les personnes aphasiques reste à créer.
Manque d’interprètes
« Aujourd’hui, on n’a pas assez (d’interprètes) si on veut demain ouvrir un service qui fonctionne 24h/24. D’où le choix du législateur de s’appuyer sur une montée en charge pour que dans le même temps la puissance publique puisse impulser une dynamique qui permette de développer les formations d’interprètes en langue des signes, de codeurs en LPC [langue française parlée complétée], de professionnels spécialisés, en direction des publics aphasiques », a expliqué Jérémie Boroy.
La loi concerne également les services publics et les entreprises réalisant plus de 250 millions de chiffre d’affaires, qui sont censés rendre, dès lundi, leurs services accessibles aux personnes sourdes et malentendantes de 8h30 à 19h00 du lundi au vendredi.
Si certains ont déjà pris des mesures en ce sens depuis plusieurs années, d’autres sont à la traîne, selon les associations et les opérateurs téléphoniques.
Sur les cinq millions de personnes qui ont, à des degrés très divers, un rapport à la surdité, 500 000 personnes sourdes sévères ou sourdes profondes sont « empêchées face au téléphone « .
D. S avec AFP
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