Télétravail et burn-out

février 25, 2017 13:19, Last Updated: mars 1, 2017 10:06
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Les députés s’intéressent de près à la notion de burn-out et sa reconnaissance en tant que maladie professionnelle, suite au Rapport d’information déposé par la commission des affaires sociales, en conclusion des travaux d’une mission d’information relative au syndrome d’épuisement professionnel (burn-out) remis le 15 février 2017 par MM. Yves Censi et Gérard Sebaoun. Le but serait de faciliter la reconnaissance du burn-out en maladie professionnelle et de créer une agence nationale de la santé psychique au travail pour mieux cerner cette réalité du travail.

Le burn-out au cœur des débats

En 2015 déjà, la loi relative au dialogue social et à l’emploi, dite loi Rebsamen, en son article 27 a consacré la reconnaissance des pathologies psychiques comme maladies professionnelles au niveau de la loi en modifiant l’article L461-1 du code de la sécurité sociale, précisant que « les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies professionnelles ».

Le décret du 7 juin 2016 vient quant à lui mettre en place des mesures permettant de renforcer l’expertise médicale pour la reconnaissance des pathologies psychiques et précise les modalités applicables aux dossiers concernés.

L’épuisement professionnel n’est malheureusement pas encore reconnu dans le tableau des maladies professionnelles. Seuls des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles peuvent statuer (au cas par cas). Le dispositif est donc insuffisant, d’où les débats actuels. Le programme du candidat Hamon, prévoit d’ailleurs une reconnaissance du burn-out.

Le burn-out en bref

Le burn-out est défini ainsi dans un guide proposé par le ministère du Travail : « Le syndrome d’épuisement professionnel se traduit donc à la fois par une érosion de l’engagement (en réaction à l’épuisement), une érosion des sentiments (à mesure que le cynisme s’installe) et une érosion de l’adéquation entre le poste et le travailleur (vécue comme une crise personnelle) ».

Le terme burn-out représente à l’origine une construction sociale et scientifique apparue dans les années 1970, pour décrire l’épuisement au travail de professionnels de l’aide et du soin. Fortement documenté dans le domaine de la psychologie sociale, il a été conceptualisé pour la première fois par le psychiatre américain Freudenberger en 1974.

Le burn-out peut conduire à un stress extrême, un épuisement, une dépression. Le collaborateur va alors multiplier les arrêts de travail.

Des responsabilités partagées

La prévention peut se faire au niveau de la médecine du travail. Malheureusement, celle-ci demeure souvent impuissante surtout depuis la réforme apportée par la loi travail qui a porté la périodicité des visites de suivi de 2 à 5 ans. Le manager quant à lui, s’il est en mesure de détecter le moindre signe avant-coureur devra alerter le service RH.

Les 35 suicides au sein de France Telecom en 2008/2009 ont conduit les pouvoirs publics au lancement d’un plan d’urgence pour la prévention du stress au travail en octobre 2009. Une prise de conscience managériale devient nécessaire. L’employeur engage d’ailleurs sa responsabilité lorsqu’un salarié est victime d’un burn-out lié à la dégradation de ses conditions de travail dans l’entreprise, ce que confirme la Cour de cassation (Cass. soc 13 mars 2013 n° 11-22082).

Il est alors intéressant de rappeler que dans le cadre du contrat de travail, l’employeur est tenu à une obligation de sécurité (obligation de résultat prévue à l’article L 4121-1 du Code du travail). Il doit donc prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Le télétravail une fausse bonne idée ?

Le mal-être au travail prend parfois des dimensions déraisonnables, voire dramatiques. Certains collaborateurs souffrent de trop de sollicitations et de pression. Les risques psychosociaux sont souvent identifiés mais le burn-out inquiète et peine alors à être reconnu par la hiérarchie.

Les services RH doivent donc mettre en œuvre des outils pour protéger les salariés. Parmi les nouveaux modes d’organisation, on évoque souvent le télétravail, qui permettrait de mettre la distance nécessaire à une relation de travail plus serein et réduirait le stress lié aux transports. En effet, ce mode d’organisation du travail permet au collaborateur de jouir d’une autonomie dans ses missions, de diminuer les temps de trajet. L’Accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 dans son article premier donne d’ailleurs du télétravail la définition suivante : « Le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information, dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière ».

Le collaborateur effectue ses missions à distance, au moyen d’outils mis à sa disposition.

Ces collaborateurs peuvent subir un stress « technologique » liés à la relation à distance et aux outils numériques mis à la disposition pour l’entreprise. Le télétravailleur est isolé et la solitude engendrée peut dans des cas extrêmes provoquer un sentiment d’exclusion et un stress.

Les contraintes fortes, la transformation de la nature du travail avec une relation homme/technologie souvent intrusive, peuvent aboutir au développement de risques psychosociaux. Investi dans ses missions professionnelles, le salarié peut être tenté d’empiéter sur sa vie privée pour terminer son travail, et réciproquement.

Le risque de burn-out apparaît alors s’il ne parvient pas à se mettre des limites dans une activité. En effet, s’octroyer le droit de se surcharger de travail peut engendrer un burn-out (source CARSAT).

Le télétravailleur doit donc avoir les moyens de répartir son temps entre les diverses tâches qu’il a à accomplir dans le cadre de son travail et sa vie personnelle. En effet, bien qu’il soit distant de l’entreprise il reste soumis aux limites légales imposées par le Code du travail (10h par jour, 48 heures par semaine au maximum, 44 heures en moyenne sur douze semaines) et au repos quotidien minimal de 11 heures. Les télétravailleurs d’eux-mêmes ont tendance à rallonger leur temps de travail. Il est donc important que le salarié conserve une certaine liberté dans la gestion de son temps, tout en veillant à ce qu’il respecte des temps de repos et distingue bien les temps privés et professionnels.

Le télétravail sera donc un outil de réduction du stress, uniquement si la déconnexion est effectuée et que la frontière vie-professionnelle/vie-personnelle est claire et respectée.

Créer un espace de travail dédié (certains travaux montrent que l’absence d’un espace dédié au télétravail au sein du domicile est facteur d’augmentation des heures travaillées (Metzger et coll., 2004)) ; organiser des contacts réguliers avec le télétravailleur, garantir un environnement de travail conforme (éclairage, ergonomie) ; scinder les temps de vie seront des préalables nécessaires pour que le télétravailleur ne soit pas exposé au stress ambiant de l’entreprise et ne subisse pas un burn-out comme ses collègues restés au bureau.

En cas de doute, on sollicitera le CHSCT (Comité d’Hygiène, Sécurité et Conditions de Travail) sur le sujet du télétravail afin d’apporter les corrections nécessaires à un environnement de travail apaisé.

Caroline Diard, Enseignant-Chercheur en Management des Ressources Humaines – Laboratoire Métis, École de Management de Normandie

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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