Depuis longtemps, les trous noirs intriguent et enflamment l’imagination. La découverte récente des ondes gravitationnelles devrait encore accroître leur pouvoir de fascination.
On me pose beaucoup de questions sur la « vraisemblance » des récits de science-fiction mettant en scène des trous noirs, et sur l’existence supposée des trous de ver, comme ceux de Stargate. Mais la question qui revient presque invariablement concerne les conséquences funestes supposées d’un trou noir sur l’humanité et la planète tout entière.
Masse, charge et spin
Les propriétés – théoriquement – mesurables d’un trou noir sont au nombre de trois : sa masse, sa charge électrique et son spin (ou moment cinétique quantique). Ce sont d’ailleurs les trois seuls paramètres observables de l’extérieur, puisque toutes les autres informations se perdent dans le néant. C’est ce que l’on appelle, dans la théorie de la relativité générale, le théorème d’unicité, aussi appelé théorème d’absence de chevelure. Indépendamment de sa complexité ou de ses appendices, tout objet absorbé par un trou noir sera réduit à sa plus simple expression : masse, charge et spin.
Le paramètre le plus important est sans doute le premier que nous avons cité. Par définition, la masse d’un trou noir est concentrée dans un espace infinitésimal, sa « singularité ». C’est cette masse – et les énormes forces gravitationnelles qu’elle génère – qui « détruit » les corps avoisinants.
Les spaghettis de l’espace
L’un des effets les plus connus des trous noirs porte le nom ingénieux de « spaghettification » (ou « effet de nouilles »). En gros, un corps happé par le champ gravitationnel d’un trou noir s’étirera comme un spaghetti.
Ceci est dû au gradient de gravité des différentes parties d’un corps. Imaginez que vous sautiez à pieds joints dans un trou noir. Étant donné que les pieds sont plus près du trou, l’attraction qui s’exerce sur eux est plus forte que sur votre tête. Pire, vos bras sont entraînés dans une direction (ou « vecteur ») légèrement différente par rapport à votre tête, puisqu’ils sont éloignés du centre vertical de votre corps. Ceci produit un repositionnement des parties latérales vers l’intérieur, une élongation de tout le corps mais aussi une compression de la partie centrale. N’importe quel objet, y compris la Terre, commence donc à ressembler à un spaghetti bien avant d’atteindre le cœur du trou noir.
Le point exact à partir duquel ces forces deviennent insoutenables dépend de la masse du trou noir. Pour un trou noir « ordinaire », né de l’effondrement d’une étoile de masse élevée, cela peut survenir à des centaines de kilomètres de l’horizon des événements, point au-delà duquel aucune information ne s’échappe. Avec un trou noir supermassif, comme celui qui semble occuper le centre de notre galaxie, un objet peut s’enfoncer sous l’horizon des événements avant d’être transformé en spaghetti, à des dizaines de milliers de kilomètres du centre. Pour un observateur extérieur situé à bonne distance de cet horizon, l’objet semblera ralentir progressivement puis disparaître au fil du temps.
Mauvaise nouvelle pour la Terre
Que se passerait-il, en théorie, si un trou noir venu d’on ne sait où se matérialisait près de nous ? Les forces gravitationnelles responsables de la spaghettification entreraient en action : la surface du globe la plus proche du trou noir serait soumise à une force bien supérieure à celle qui s’exercerait de l’autre côté, entraînant l’arrêt de mort de la planète. Nous serions pulvérisés.
À l’inverse, nous pourrions tout aussi bien ne pas remarquer qu’un trou noir supermassif nous a entraînés sous son horizon des événements, car rien ne semblerait avoir changé, du moins dans l’immédiat. L’apocalypse pourrait donc ne pas survenir tout de suite. Mais que cela ne vous empêche pas de dormir : il faudrait vraiment jouer de malchance pour être absorbés par un trou noir, et nous pourrions éventuellement survivre sous forme d’hologrammes après le moment critique.
Attention aux radiations !
Aussi surprenant que cela puisse paraître, les trous noirs ne sont pas forcément noirs. Les quasars – des objets alimentés par les trous noirs dans les galaxies lointaines – sont extrêmement lumineux (ils peuvent aisément briller d’un éclat plus vif que tout le reste de la galaxie qui les abrite) car ils émettent des radiations lorsqu’un trou noir absorbe de la matière. À mesure que celle-ci s’accumule, elle émet la lumière que l’on observe dans les quasars. Cette matière n’est visible que parce qu’elle se situe encore au-delà de l’horizon des événements. En deçà, rien ne peut s’échapper, pas même la lumière.
C’est bien entendu un problème pour tout ce qui est en orbite autour, ou situé non loin, d’un trou noir, car ces radiations sont extrêmement chaudes. Bien avant d’être transformés en spaghettis, leur puissance nous réduirait en cendres !
La vie autour d’un trou noir
Pour ceux qui ont vu Interstellar de Christopher Nolan, l’idée d’une planète en orbite autour d’un trou noir peut sembler attirante : pour que la vie se développe, il faut une source d’énergie ou une différence de température. Les trous noirs peuvent remplir cette fonction. Mais il y a un hic. Le trou noir en question doit avoir cessé d’absorber une quantité trop importante de matière, sous peine d’émettre des radiations mortelles dans les mondes avoisinants.
Quant à la forme que prendrait la vie sur cette planète (à condition qu’elle soit suffisamment éloignée pour ne pas se transformer en spaghetti, évidemment), c’est une autre histoire. La quantité d’énergie qu’elle absorberait serait probablement infime par rapport à celle que nous recevons du Soleil. Son environnement serait sans doute étrange, lui aussi. Les producteurs d’Interstellar ont d’ailleurs fait appel au physicien américain Kip Thorne pour s’assurer que le trou noir du film était à peu près vraisemblable. Tous ces facteurs n’empêchent pas la vie, mais ils réduisent fortement la probabilité de la voir apparaître et compliquent les modèles prédictifs sur les formes qu’elle pourrait emprunter.
Kevin Pimbblet, Senior Lecturer in Physics, University of Hull
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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