L’Autorité italienne de la concurrence et du marché (AGCM) a infligé à TikTok une amende de 10 millions d’euros pour ne pas avoir protégé les enfants et les personnes vulnérables contre les contenus préjudiciables sur cette application populaire de partage de vidéos.
Dans un communiqué publié jeudi dernier, l’AGCM a déclaré que TikTok n’avait pas mis en œuvre « des mécanismes appropriés pour surveiller les contenus publiés sur la plateforme, en particulier ceux qui peuvent menacer la sécurité des mineurs et des personnes vulnérables ».
Le régulateur italien a lancé une enquête sur TikTok en mars 2023, affirmant que de nombreuses vidéos sur sa plateforme montraient des jeunes adoptant un comportement d’automutilation, en particulier des contenus liés à une tendance appelée « cicatrice française ». Ce défi de fausse cicatrice, devenu viral en Italie l’année dernière, consiste à pincer continuellement et violemment la peau des joues jusqu’à ce que cela provoque des ecchymoses durables sur les pommettes, une pratique dangereuse selon les médecins.
L’Autorité de la concurrence a annoncé que son enquête avait permis de vérifier la responsabilité de TikTok dans la diffusion de contenus « susceptibles de menacer la sécurité psychophysique » des utilisateurs, y compris des vidéos liées au défi de la « cicatrice française ».
En février, TikTok a déjà reçu l’ordre de retirer de son application le contenu lié à ce défi viral, conformément à une décision rendue par un autre organisme italien de surveillance, l’Autorité de garantie des communications.
L’ AGCM a également noté que des « contenus potentiellement dangereux » étaient diffusés par les algorithmes de profilage de TikTok – les algorithmes qui peuvent sélectionner automatiquement des vidéos correspondant aux intérêts des utilisateurs. L’objectif, a ajouté l’Autorité, était de stimuler l’intérêt des utilisateurs et d’augmenter le temps qu’ils passaient sur l’application afin d’accroître les recettes publicitaires
« TikTok n’a pas pris les mesures adéquates pour empêcher la diffusion de tels contenus et n’a pas pleinement respecté les lignes directrices qu’elle a adoptées, rassurant les clients sur le fait que la plateforme est un espace ‘sûr’. »
Les sanctions ont été imposées à trois divisions de ByteDance, la société mère de TikTok, à savoir l’irlandaise TikTok Technology Limited, la britannique TikTok Information Technologies UK Limited et l’italienne TikTok Italy Srl.
La surveillance accrue en Occident
Cette amende s’ajoute aux déboires de TikTok en Europe. En février dernier, la Commission européenne a ouvert plusieurs enquêtes pour déterminer si cette application chinoise avait enfreint sa nouvelle loi sur les services numériques qui oblige les plateformes de médias sociaux, en particulier les très grandes, à lutter contre les contenus préjudiciables ou la désinformation. Le non-respect de cette loi est passible d’une amende pouvant atteindre 6% du chiffre d’affaires global de la société. L’enquête portera notamment sur la « conception addictive » de TikTok et sur l’absence présumée de protection des enfants.
En septembre 2023, l’Autorité irlandaise de surveillance des données a infligé à TikTok une amende de 345 millions d’euros pour ne pas avoir protégé la vie privée d’utilisateurs mineurs. En janvier 2023, TikTok a également reçu une amende de 5 millions d’euros pour violation de la vie privée de la part de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) française.
Aux États-Unis, des décideurs politiques, des responsables de l’application de la loi et des pédiatres ont également exprimé leurs inquiétudes quant à l’impact de TikTok sur les enfants et les adolescents.
Les liens de TikTok avec la Chine communiste ont amplifié ces inquiétudes. Certains analystes de la sécurité ont déclaré que TikTok pourrait être utilisé comme une arme contre les citoyens américains par le biais de pratiques prédatrices de surveillance, de la censure et de la promotion de la propagande de l’État-parti chinois. Plus de la moitié des États américains ont interdit l’utilisation de TikTok sur les appareils appartenant au gouvernement.
La semaine passée, la Chambre des représentants a adopté un projet de loi qui obligerait légalement TikTok à se séparer de son propriétaire chinois, ByteDance, sous peine de se voir interdire l’accès aux boutiques d’applications et aux plateformes d’hébergement américains. Le projet de loi va être soumis au Sénat, et le président Joe Biden s’est engagé à le signer s’il est adopté par la chambre haute du Congrès des États-Unis.
Cette application de partage de vidéos est très populaire parmi les Américains, avec environ 170 millions d’utilisateurs au niveau national. À titre de comparaison, TikTok compte en moyenne 125 millions d’utilisateurs actifs mensuels dans l’Union européenne.
À l’autre bout du monde, l’Inde a déjà imposé à TikTok une interdiction nationale en 2020. New Delhi a interdit l’utilisation de TikTok et de dizaines d’autres applications chinoises, telles que l’application de messagerie populaire WeChat, à la suite d’un affrontement frontalier meurtrier avec la Chine dans une région himalayenne contestée. Le gouvernement népalais a aussi déclaré l’année dernière qu’il avait décidé d’interdire TikTok au motif qu’elle « perturbait l’harmonie sociale ».
De son côté, le Canada a discrètement ouvert une enquête de sécurité nationale sur TikTok en septembre dernier, bien qu’elle n’ait été rendue publique qu’au début de ce mois.
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