Tout est dans les détails : les débuts de la peinture à l’huile aux anciens Pays-Bas

La popularisation de la peinture à l'huile remonte aux peintres néerlandais du XVe siècle, Robert Campin et Jan van Eyck

Par Michelle Plastrik
4 octobre 2024 22:13 Mis à jour: 20 octobre 2024 18:49

La technique de la peinture à l’huile a permis un changement radical dans l’art. C’était un meilleur médium que la détrempe à l’œuf pour représenter des détails réalistes comme les conditions atmosphériques, les effets de surface, la texture et les couleurs brillantes. À partir de la Renaissance, la peinture à l’huile est devenue la méthode préférée des beaux-arts.

La popularisation de la peinture à l’huile dans toute l’Europe remonte au XVe siècle et au travail des premiers peintres néerlandais. Ceux-ci vivaient dans les pays aujourd’hui connus sous le nom de Belgique, Luxembourg et Pays-Bas. Dans les années 1400, la région était un centre de commerce international. Son économie prospère permettait un mécénat d’artistes important. Robert Campin et Jan van Eyck sont des peintres clés de cette période. Bien qu’aucun d’entre eux n’ait inventé la technique, ils ont été à l’origine de la transformation de l’huile qui a influencé les générations suivantes.

Maîtres flamands

Les biographies de ces deux artistes sont incomplètes. On sait peu de choses sur les débuts de la vie du Flamand van Eyck (vers 1390-1441), mais on sait qu’il était issu d’une famille d’artistes. Il a travaillé dans la ville de Bruges, en Belgique, et est considéré par les spécialistes comme l’un des plus grands peintres de l’histoire de l’art. Son Les époux Arnolfini et son Retable de Gand connu aussi sous le nom de L’Adoration de l’Agneau mystique comptent parmi les œuvres d’art les plus célèbres au monde.

En plus de ses grandes œuvres, van Eyck était habile dans la réalisation de panneaux à petite échelle tout aussi importants. La Vierge dans une église en est un exemple exceptionnel. Ce tableau se trouve à la Pinacothèque de Berlin, qui abrite l’une des plus belles collections de peintures de l’art ancien des Pays-Bas. Un peu plus de 20 tableaux sont attribuables à la main de van Eyck, mais son contemporain Robert Campin (vers 1375-1444) a une œuvre encore plus mystérieuse.

Triptyque de l’Annonciation (Retable de Mérode), vers 1427-1432, par l’atelier de Robert Campin. Huile sur chêne ; 64 x 118 cm. (The Cloisters Collection, The Metropolitan Museum of Art, New York. Domaine public)

Robert Campin, artiste pionnier à l’aube de la Renaissance nordique, travaillait à Tournai, en Belgique, et dirigeait un important atelier. Certaines des peintures produites dans cet atelier, comme le précieux Trytique de l’Annonciation (Rétable de Mérode) conservées au musée The Met cloisters de New York, ont été attribuées à tort au célèbre élève de Campin, Rogier van der Weyden. L’identification de l’œuvre de Campin reste controversée et complexe.

En 1898, un érudit a inventé l’attribution « Maître de Flemalle », un terme qui s’applique à un groupe varié de peintures. Le « Maître de Flemalle » est aujourd’hui généralement assimilé à Campin, mais des incertitudes subsistent quant aux œuvres qui peuvent être attribuées. L’un des quatre tableaux qui font l’objet d’un consensus presque universel est le remarquable tableau du Prado intitulé Le Mariage de la Vierge.

Le Mariage de la Vierge

Le Mariage de la Vierge, 1420-1430, par le Maître de Flémalle. Huile et grisaille sur panneau de chêne ; 77,5 x 87,5 cm. (Musée national du Prado, Madrid. Domaine public)

Cette peinture, datant d’environ 1420 à 1430, regorge de créativité, d’images naturalistes et de riches détails décoratifs. Le Mariage de la Vierge est divisé en deux scènes distinctes grâce à des structures architecturales proéminentes. Le conservateur du Prado, à Madrid, José Juan Pérez Preciado, explique que « le peintre fait preuve d’une grande créativité, qui s’étend aux aspects iconographiques et compositionnels. Le Maître de Flemalle apporte à l’idée de représenter les deux scènes dans le même environnement […] le puissant symbolisme de la double architecture, une décision qui est étroitement liée au message à transmettre et qui témoigne de la capacité d’innovation de la peinture dans les Pays-Bas de son époque, dont il était l’un des moteurs ».

Sur la gauche se trouve une rotonde de style largement roman. Elle présente des arcs arrondis typiques, des vitraux, des chapiteaux en pierre sculptée, ainsi que des éléments imaginés. L’action dans ce cadre est l’histoire du miracle de la verge fleurie. Tous les veufs de Judée étaient réunis dans le temple et, pendant qu’ils priaient, la verge de Joseph s’est mise à fleurir. Cela signifiait qu’il avait été choisi pour être l’époux de Marie.

Campin montre le moment qui suit ce miracle. Alors que le groupe figuratif est positionné autour du prêtre central en train de prier, l’action importante se déroule à la porte du temple. Joseph, qui a caché le bâton sous sa cape, tente de sortir sans être vu, mais il est arrêté par deux personnages qui découvrent le bâton.

Au verso, les images sculptées de Saint-Jacques le Majeur et de Sainte Claire sont peintes en grisaille. Gravure sur panneau de chêne ; 77,5 x 87,5 cm. (Musée national du Prado, Madrid. Domaine public)

Le côté droit du panneau présente un portail d’église gothique avec des arcs brisés ; le reste du bâtiment est en attente de construction. Les détails charmants comprennent une gargouille, des motifs feuillagés, ainsi que des sculptures méticuleuses de tympans et d’archivoltes. La composition illustre un moment crucial de la vie de la Vierge Marie : son mariage avec Saint-Joseph. Les personnages portent de somptueux tissus et leurs bijoux sont superbement rendus. Au verso du tableau, deux statuettes, Saint-Jacques le Majeur et Sainte Claire, sont peintes en grisaille en trompe-l’œil dans des niches illusionnistes.

La Vierge dans une église

Détail de La Vierge dans une église, vers 1437-1440, de Jan van Eyck. Huile sur panneau de chêne ; 31,5 x 14,5 cm. Gemäldegalerie. ( Musée d’État de Berlin. Domaine public)

À l’instar du Mariage de la Vierge de Campin, La Vierge dans une église de van Eyck, datant d’environ 1437-1440, est un chef-d’œuvre de rendu architectural. Les experts considèrent ce tableau aux allures de bijou comme l’un des plus beaux de l’artiste. Ses mérites ont toujours été appréciés et, comme l’indique la Pinacothèque, des copies de ce tableau remontent au XVIe, voire au XVe siècle.

La Vierge et l’Enfant sont représentés dans un superbe intérieur d’église gothique éclairé par la lumière filtrée du soleil à travers des fenêtres à claire-voie et un portail latéral. Cet éclairage perfectionné et nuancé est obtenu grâce aux propriétés de la peinture à l’huile. Van Eyck fait même apparaître des reflets de lumière sur les murs et le sol de la nef. Cependant, la source de lumière est volontairement orientée de manière non naturelle. Le musée explique que « toutes les églises gothiques étaient toujours orientées vers l’est avec leurs chœurs, vous verrez que dans notre tableau, la lumière du soleil n’entre pas dans l’église par le sud, mais, contrairement à la réalité, par le nord. Il ne s’agit donc pas de lumière naturelle, mais de lumière éternelle ». Tout comme Campin, Van Eyck a utilisé une licence artistique magistrale au service de son objectif pictural.

Van Eyck représente Marie de manière monumentale. Elle domine les pilastres et les autres éléments architecturaux. Cette représentation à l’échelle irréaliste souligne son caractère surnaturel. Derrière elle, une niche avec des bougies allumées abrite une sculpture de la Vierge et de Jésus, peinte de manière à ressembler à une véritable sculpture. La juxtaposition d’une Vierge à l’Enfant en pierre et d’une Vierge à l’Enfant humaine donne l’impression d’un miracle animé.

Le travail des premiers peintres néerlandais continue d’étonner les spectateurs. Ces artistes ont utilisé des techniques virtuoses de peinture à l’huile pour dépeindre des compositions expressives avec des détails étonnamment réalistes. Le naturalisme des chefs-d’œuvre de Campin et de van Eyck brouille la frontière entre le plan pictural et la réalité de l’observateur, ce qui permet d’approfondir le sentiment d’appartenance.

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