Transmania : « On ne peut rien dire sans être traité de nazi » – Dora Moutot et Marguerite Stern
Dora Moutot est journaliste, ancienne rédactrice en chef adjointe du média Konbini, et auteur. Marguerite Stern est réalisatrice de podcasts, ancienne militante Femen et initiatrice du mouvement des collages contre les féminicides.
Elles viennent de publier Transmania : enquête sur les dérives de l’idéologie transgenre, aux éditions Magnus. Un ouvrage qui a suscité la polémique et qui leur a d’ailleurs valu des plaintes, mais aussi des intimidations et des menaces.
« Ce livre ne constitue en aucun cas une attaque envers les personnes trans. Nous savons que la “solution trans” peut paraître extrêmement séduisante quand on est mal dans sa peau. La majorité des personnes qui transitionnent n’ont pas forcément conscience des tenants et des aboutissants du projet de société transgenriste. Elles le font car elles vont mal. Nous avons de la compassion pour ces personnes », précisent Dora Moutot et Marguerite Stern dans leur ouvrage.
« Ce livre est le résultat d’un long cheminement, d’une sincère tentative de compréhension du phénomène. C’est une critique d’un projet politique que nous jugeons alarmant », ajoutent-elles.
« Être transgenre signifie qu’une personne pense que son genre, c’est-à-dire son sentiment interne d’être de tel ou tel sexe, ne correspond pas à son sexe biologique. Le simple sentiment suffit à se déclarer transgenre. Certains ne font qu’une transition sociale, tandis que d’autres prennent des hormones et ont recours à la chirurgie dans le but de changer de sexe », poursuivent les auteurs.
Une hausse des cas de dysphorie de genre
Dans Transmania, Dora Moutot et Marguerite Stern soulignent que la dysphorie de genre, qui correspond au trouble ressenti par des personnes qui ne se reconnaissent pas dans leur sexe de naissance, « était autrefois un diagnostic très rare et concernait principalement des petits garçons et des hommes adultes ».
Alors que la dysphorie de genre est en hausse, notamment chez les mineurs, les auteurs observent qu’elle concerne désormais « en majorité des adolescentes ».
« La réalité, c’est qu’actuellement, ce sont en majorité des jeunes femmes qui transitionnent. À l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière qui accueille le plus grand service hospitalier dédié aux transitions des moins de 20 ans, la patientèle est composée à 68% de filles », indiquent les auteurs de Transmania.
Libération de la parole ou phénomène de contagion sociale ?
Si la communauté transgenre estime que cette augmentation des troubles de l’identité de genre est liée à une libération de la parole, Dora Moutot et Marguerite Stern évoquent pour leur part un possible phénomène de « contagion sociale ».
« Transitionner est souvent une façon de se démarquer et d’échapper aux normes majoritaires tout en se conformant à d’autres normes perçues comme plus subversives. […] À l’heure de la transmania, pour atteindre le summum de la popularité à l’école, il faut se dire non binaire », écrivent-elles.
Bien qu’elles aient toutes les deux activement milité pour la cause féministe pendant plusieurs années, Dora Moutot et Marguerite Stern s’interrogent également sur l’impact du féminisme sur la psychée des adolescentes.
« Nous pensons que le féminisme a peut-être sa part de responsabilité dans le fait que les femmes veulent aujourd’hui devenir des hommes comme les autres […]. Il a participé à glorifier le masculin en le désignant comme but à atteindre et a réduit la féminité à quelque chose de peu enviable. »
Des traitements médicaux controversés
Si certaines personnes transgenres en restent au stade d’une simple transition sociale, d’autres décident de recourir à des traitements médicaux, voire à des opérations chirurgicales pour changer de sexe.
Parmi les traitements médicaux proposés, figurent notamment les traitements hormonaux qui visent à atténuer les caractères sexuels secondaires du sexe non désiré.
« Aucun des médicaments à base d’hormones administrés dans le cadre d’une transition ne sont homologués pour. Les médicaments administrés aux hommes n’ont été étudiés que sur des femmes et vice versa. […] Les effets indésirables des hormonothérapies de transition sont inconnus sur le long terme », expliquent les auteurs de Transmania, qui ont notamment interrogé le docteur Patrick Pelloux dans le cadre de leur enquête.
Le praticien leur a d’ailleurs précisé que les traitements hormonaux disposant d’une Autorisation de Mise sur le Marché (AMM), ils peuvent être prescrits par n’importe quel médecin à n’importe quel patient, avant d’ajouter : « Il y a néanmoins une dérogation assez stupéfiante sur l’usage de ces hormones. Et on ne sait absolument pas ce que cela produira à long terme puisqu’aucune étude n’existe. Nous sommes peut-être à la naissance d’un énorme scandale sanitaire. »
Le cas des bloqueurs de puberté administrés aux mineurs
Dans leur ouvrage, Dora Moutot et Marguerite Stern évoquent également les bloqueurs de puberté, appelés aussi inhibiteurs d’hormones, des médicaments qui peuvent être administrés à des enfants ou des adolescents dans le cadre d’une transition de genre, sous réserve de l’accord des parents.
Des traitements controversés dont les sénateurs du parti Les Républicains viennent d’ailleurs de préconiser l’encadrement strict en France dans le cadre d’une proposition de loi adoptée en première lecture par le Sénat le 28 mai dernier.
Au Royaume-Uni, le National Health Service (NHS), équivalent britannique du système de santé publique français, vient également de limiter la prescription de bloqueurs de puberté aux mineurs, ces traitements devenant uniquement accessibles dans le cadre d’essais cliniques ou « de manière exceptionnelle, au cas par cas ».
« Ces médicaments sont originellement utilisés pour traiter des cas d’infertilité liés à l’endométriose, le cancer de la prostate, ainsi que pour castrer chimiquement les prédateurs sexuels […] », écrivent Dora Moutot et Marguerite Stern.
« Ils peuvent également être utilisés pour retarder la puberté précoce chez certains enfants qui souffrent d’un dérèglement hormonal […]. Comme tous les autres médicaments utilisés dans les transitions, ils ne sont pas homologués pour », précisent-elles.
« Il faut bien comprendre que les hormones sexuelles n’agissent pas uniquement sur les caractères sexuels. Elles sont par exemple essentielles à la santé osseuse », poursuivent les auteurs de Transmania. « Pendant la puberté, les hormones sexuelles agissent aussi sur le développement cognitif. »
« Il est difficile de savoir si le redémarrage de la puberté est possible une fois le traitement arrêté. […] les médecins ne s’entendent pas sur cette question. La seule certitude est que leur utilisation prolongée abîme la santé des enfants », ajoutent les deux jeunes femmes.
Menaces, injures, plaintes et cancel culture
Régulièrement accusées de transphobie depuis qu’elles militent contre ce qu’elles qualifient de dérives du mouvement transgenre, Dora Moutot et Marguerite Stern expliquent que leur activisme leur a valu intimidations, menaces, harcèlement, censure, procès et perte d’emploi.
« […] il y a eu un avant et un après. Depuis quatre ans, nous recevons menaces et insultes quotidiennement. Twitter et Instagram ont supprimé et censuré nos comptes plusieurs fois », écrivent-elles dans Transmania.
« Tu n’es plus invitée nulle part. Le téléphone arrête de sonner. Dora a perdu absolument tous ses partenaires commerciaux à cause du harcèlement des transgenristes. Vous faire perdre votre emploi est l’une de leurs techniques chéries. Et les gens suivent… de peur de ne pas paraître assez progressistes… »
« Les premières victimes de la violence des transgenristes sont les féministes qui critiquent leur idéologie. Pour les désigner, ils ont inventé l’étiquette “TERF” (Trans-Exclusionary Radical Feminist). Ce terme autour duquel ils cultivent tout un imaginaire sombre est utilisé pour discréditer et menacer », poursuivent les deux auteurs.
Marguerite Stern et Dora Moutot s’inquiètent également du rôle joué par plusieurs médias et personnalités politiques qu’elles accusent de participer aux campagnes menées par les transactivistes contre leurs détracteurs.
« […] certains médias et personnalités politiques de gauche suivent au galop. Alors, la terreur se normalise et s’institutionnalise. Des élus de la République se mettent à leur tour à vous traiter de “transphobes” et de “TERF”. »
« Nous sommes de grandes déçues du féminisme contemporain »
Parmi le flot de critiques que leur vaut leur activisme, celles émanant de leurs anciennes camarades sont peut-être les plus amères pour les deux ex-égéries du féminisme français.
« Les femmes que nous avions jadis soutenues et encouragées ont nourri notre harcèlement au nom de la “sororité” envers leurs “sœurs à pénis”. Nous l’annonçons tout de suite : nous sommes de grandes déçues du féminisme contemporain qui consiste en une sorte de course à l’oppression saupoudrée de paillettes. »« Le transgenrisme s’appuie sur leur capacité d’empathie pour progresser. Nous comprenons qu’elles veulent être des âmes charitables […], mais parfois, être une bonne personne, c’est avoir un peu de courage, savoir dire non, et poser ses limites », concluent les auteurs de Transmania.