Accusés de profiter du travail forcé des Ouïghours en Chine, quatre multinationales de l’habillement, dont Uniqlo et Skechers, sont visés depuis fin juin par une enquête en France pour « recel de crimes contre l’humanité », une qualification lourde de sens et rarissime.
Cette enquête, ouverte par le pôle « Crimes contre l’humanité » du Parquet national antiterroriste (Pnat), se fonde sur une plainte déposée en avril par l’association anticorruption Sherpa, le collectif Ethique sur l’étiquette, l’Institut ouïghour d’Europe (IODE) et une Ouïghoure ayant été internée dans la province du Xinjiang (nord-ouest de la Chine).
« C’est une première, cette enquête va nécessairement créer un risque judiciaire et une responsabilisation supplémentaire pour tous ceux qui, en toute impunité, pensaient pouvoir importer en France, pour s’enrichir, des ressources et des produits au prix des larmes et du sang », s’est félicité auprès de l’AFP Me William Bourdon, l’avocat des plaignants.
« Recel de crime de traite des êtres humains en bande organisée »
La plainte, déposée pour « recel de crime de réduction en servitude aggravée », « recel de crime de traite des êtres humains en bande organisée » ou « recel de crime de génocide et de crime contre l’humanité », s’appuie sur un rapport publié en mars 2020 par l’ONG australienne Australian Strategic Policy Institute.
Les associations reprochent à Uniqlo France (qui appartient au groupe japonais Fast Retailing), à Inditex (qui détient les marques Zara, Bershka, Massimo Duti), à SMCP (Sandro, Maje, de Fursac …) et au chausseur de sport Skechers de commercialiser des produits fabriqués en totalité, ou en partie, dans des usines où des Ouïghours sont soumis au travail forcé.
Les plaignants estiment aussi que ces sociétés ne justifient pas d’efforts suffisants pour s’assurer que leurs sous-traitants ne sont pas impliqués dans les persécutions de cette minorité.
« Une tolérance zéro à l’égard de toute forme de travail forcé »
Le géant espagnol Inditex se voit ainsi reprocher ses liens avec des producteurs de fils et de tissus du Xinjiang. « Des contrôles de traçabilité rigoureux sont menés au sein du groupe » et « ils ont permis de vérifier que les allégations provenant de cette plainte sont infondées », a réagi le groupe auprès de l’AFP.
Inditex assure appliquer « une tolérance zéro à l’égard de toute forme de travail forcé » et avoir établi « des procédures pour garantir que cette pratique n’existe pas dans notre chaîne d’approvisionnement ».
Uniqlo, qui a pris position officiellement contre le travail forcé des Ouïghours, est accusé de s’être fourni en textile dans la région et dans la province d’Anhui, où des milliers de travailleurs ouïghours ont été transférés, possiblement contraints.
Le fabricant SMCP a lui pour actionnaire majoritaire Topsoho, une société détenue par le Chinois Shandong Ruyi qui, selon l’ASPI, a implanté ses usines depuis 2010 dans le Xinjiang.
« Des centaines de milliers de jeunes interpellent les marques »
Enfin, des chaussures de Skechers USA France ont été produites dans une usine de la province du Guangdong, où travaillent des Ouïghours transférés potentiellement de force, selon les plaignants.
Depuis un an en France, « des centaines de milliers de jeunes interpellent les marques qui structurent leur imaginaire pour qu’elles mettent fin à leur participation directe ou indirecte à la réduction en esclavage du peuple ouïghour », avait ajouté l’élu, sanctionné par Pékin pour son engagement en faveur des Ouïghours.
Dénoncé dans le monde entier
Le sort de cette minorité, principalement musulmane, qui représente un peu moins de la moitié des 25 millions d’habitants du Xinjiang, est dénoncé dans le monde entier par les défenseurs des droits humains.
Leur situation fait également l’objet d’une confrontation de plus en plus vive entre l’Occident et la Chine.
Le régime communiste dément et assure qu’il s’agit de « centres de formation professionnelle » destinés à éloigner les Ouïghours de l’islamisme et du séparatisme, après une série d’attentats qui leur ont été attribués.
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