« Pauvre et incultivable » dans les années 70, Trémargat, village du Centre-Bretagne aux 200 âmes volontaires, est désormais un objet de curiosité en France et à l’étranger pour son agriculture bio et sa démocratie participative.
Autour du bourg, un bocage vallonné verdoyant, bordé de haies et taillis. Une campagne du +Kreiz Breizh+ (cœur de la Bretagne) qui semble figée, épargnée par le remembrement rural, destiné à agrandir les exploitations agricoles.
Pourtant avec ses 50 chèvres élevées à l’herbe, Nolwenn Le Boedec, est « bien occupée ». « On fait plein de métiers à la fois: éleveurs, paysans parce qu’on travaille la terre, fromagers, commerçants. Je fais aussi partie de l’épicerie associative », énumère l’ancienne restauratrice francilienne, arrivée il y a 12 ans.
Dans cette commune des Côtes-d’Armor moins peuplée qu’une rame de métro, on ne compte pas moins de 16 associations et 33 entreprises d’agriculteurs, potier, ébéniste, fleuriste, infirmiers, coutelier…
« C’est totalement hors norme », reconnaît Mathieu Castrec, éleveur de 37 ans. Avec 16 exploitations réparties sur 600 hectares, « on a réussi à prouver que nous les arriérés, les néoruraux, on peut travailler sur des petites exploitations et qu’on gagne bien mieux notre vie que la majorité des exploitations conventionnelles qui détricotent l’emploi », estime l’ancien cuisinier en Savoie. « Un joli pied de nez ».
Une fois la traite achevée, il troque sa tenue d’éleveur pour celle d’adjoint au maire. « On n’habite pas à Trémargat par hasard, les gens sont acteurs de leur environnement », explique-t-il.
Le maire y est élu pour un mandat unique. Une seule liste se présente aux élections et le conseil municipal met en œuvre un projet émanant des idées des habitants.
« Cela ne veut pas dire que tout est rose », nuance l’élu-éleveur. « On a des forts caractères mais quand les choses se posent, on réussit à dépasser les tensions ».
Pour rénover l’église , il a fallu trouver des compromis et « mouiller le maillot ». Un montage financier associant subventions et mécénat a permis de ne pas grever les 150.000 euros de budget de la commune. Pour faire revivre son bourg, la municipalité, alimentée en électricité 100% renouvelable, a racheté les murs du bar et de l’épicerie laissant la gestion aux associations.
L’aménagement du centre s’est effectué « quasi bénévolement, lors de chantiers collectifs », raconte Mathieu Castrec, qui a grandi à Trémargat avant de « fuir » puis de revenir reprendre la ferme familiale.
Arrivée à 19 ans pour un été, Nathalie Bénibri, 54 ans, n’est jamais repartie. « J’ai choisi mon lieu avant de choisir mon travail ».
Au service du midi, son restaurant Coriandre fait le plein. « Je veux montrer sans prétention qu’on peut manger bio pour pas trop cher. Sa formule complète est à 14,50 euros café compris et « cela fait 9 ans que ça tourne ! », clame la restauratrice.
« Il n’y a rien d’alternatif. On remonte nos manches et on travaille ensemble », explique Marie-Noëlle, 72 ans. Trémargat est un exemple parmi tant d’autres, assurent ses habitants dont certains se lassent d’être pris pour des « modèles ». Des bus entier d’élus nationaux et étrangers font le déplacement, même des cabinets d’experts scrutent cet art de vivre.
S’il fait bon vivre dans ce village qui a gagné 50 habitants entre 1990 et 2018, cela n’a pas toujours été le cas. Alors que les campagnes du Centre-Bretagne se vidaient, une poignée de jeunes couples décident d’y poser leurs valises dans les années 70, soutenus par les « vieux autochtones restés ».
« On ne se connaissait pas mais on avait envie de travailler ensemble, parce qu’il fallait des coups de main pour créer les hangars, les maisons et puis on avait tous des idées écolos », témoigne François Salliou, arrivé en 1976 avec sa compagne Hamida. « On nous disait: ‘Malheureux que vous êtes, vous allez crever de faim, la terre est mauvaise, en pente avec des cailloux’. On a pris ça comme un défi », sourit le producteur de lait à la retraite convaincu qu' »il n’y a pas de désert mais des territoires sans projet ».
Désormais, François Salliou et les soixante-huitards de Trémargat accueillent une nouvelle génération avec la crainte de perdre « la solidarité paysanne ». Un argument qu’il balaie rapidement, « il n’y a même plus de place pour s’installer! »
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