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« Trop longtemps loin des yeux »: quand les Français redécouvrent l’Algérie

avril 4, 2019 14:50, Last Updated: avril 4, 2019 14:51
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A 62 ans, Sabine redécouvre « avec émerveillement » le pays qu’elle a quitté il y a plus de cinquante ans. Comme elle, de nombreux Français voient l’Algérie sous un jour nouveau depuis le début des manifestations pour un changement politique.

« Un choc », « une plongée vertigineuse » dans ses souvenirs d’enfance: c’est ce qu’a ressenti cette retraitée, née en Algérie en 1957 et qu’elle a quitté avec sa famille après le départ des pied-noirs en 1962, en tombant « par hasard » sur des images de manifestations à Alger. Un soir, alors qu’elle regarde le journal télévisé qui diffuse un reportage sur le mouvement de contestation inédit contre le régime Bouteflika, elle reconnaît l’appartement qu’elle occupait avec ses parents, non loin de la place du 1er Mai, dans le centre d’Alger.

« D’un seul coup, tout m’est revenu en tête: notre appartement, notre quartier et même certains lieux où on allait en famille comme le jardin d’Essai. Ça a été un moment d’émerveillement pour moi », confie-t-elle à l’AFP dans un sourire.  Ce sentiment, celui d’avoir « retrouvé son pays natal », qui l’avait submergé, s’est pourtant rapidement dissipé. « J’ai reconnu des lieux, des places mais je me rends compte que je ne connais plus ce pays, qu’il a changé », explique-t-elle.

Même des Français n’ayant jamais vécu en Algérie disent découvrir un pays sous un jour inédit, comme Anna, une trentenaire parisienne. « On nous parle de l’Algérie à l’école, dans les médias… mais quand je vois ces images de femmes, jeunes et âgées, voilées ou non, présentes en masse dans les cortèges, j’ai l’impression que ce n’est pas l’Algérie qu’on nous vend quotidiennement », estime-t-elle.

« A chaque fois qu’on évoque l’Algérie, c’est pour parler immigration, colonisation ou terrorisme. Cette jeunesse, sa maturité, on la découvre », abonde Rémi, étudiant en lettres à Paris. Certains Parisiens, se disant « émus » de voir descendre dans la rue des jeunes en Algérie, sont même venus en signe de soutien aux rassemblements organisés chaque dimanche par la diaspora place de la République.

Pour la sociologue et spécialiste de l’Algérie, Feriel Lalami, cette redécouverte de l’Algérie tient en partie au fait que « beaucoup de Français ont une image datée de la société algérienne ». Or celle-ci a « considérablement évolué » ces dernières années. « L’Algérie est un pays qui bouillonne avec une société civile organisée, des syndicats puissants et des jeunes qui ont tiré les leçons de la décennie noire », décrypte-t-elle auprès de l’AFP.

Pour Feriel Lalami, cette impression de découvrir un pays pourtant proche s’explique par des relations dominées par un biais politique de part et d’autre de la Méditerranée.  « En Algérie, le FLN (parti au pouvoir depuis l’indépendance, NDLR) a cristallisé les relations avec la France autour de la question de la mémoire ». En France, c’est le spectre « de la repentance », agité comme un « chiffon rouge » par une partie de la classe politique qui cristallise les discussions, affirme la sociologue.

Énième rendez-vous manqué, l’échec, en 2005, du traité d’amitié entre les deux pays voulu par le président Jacques Chirac. En cause, l’épineuse question de la mémoire coloniale. Malgré tout, les liens subsistent entre les deux pays. A commencer par le français qui « est toujours enseigné dès l’école primaire alors que l’Algérie n’est pas membre de la Francophonie », précise la sociologue.

« Recréer du lien » en « tournant la page de la guerre d’Algérie », c’est le souhait de la députée Fadila Khattabi, présidente du groupe d’amitié France-Algérie à l’Assemblée, pour qui, « il y a une vraie attente des Français qui veulent aller en Algérie, visiter, découvrir voire redécouvrir le pays ».

La France doit se tourner vers « la société civile », notamment la jeunesse algérienne qui « n’a pas la mémoire de la guerre d’indépendance et est davantage préoccupée par des questions d’avenir », estime le politologue Frédéric Charillon. Pour que « les rapports avec l’Algérie, trop longtemps loin des yeux, se normalisent enfin », espère Sabine.

D.C avec AFP

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