Face aux pressions croissantes en faveur d’une enquête publique, le gouvernement libéral nommera un rapporteur spécial indépendant qui sera chargé d’examiner l’ingérence dans les élections canadiennes, a annoncé le premier ministre Justin Trudeau, le 6 mars.
Lors d’une conférence de presse à Ottawa, Trudeau a énuméré les mesures prises par son gouvernement pour lutter contre l’ingérence étrangère dans les élections. Il a ajouté que son gouvernement allait également nommer un « éminent Canadien » en tant que « rapporteur spécial indépendant » sur la question, disant comprendre que les mesures existantes ne sont pas suffisantes pour certains.
La sélection du rapporteur sera faite par le gouvernement, plutôt que par le Parlement, mais le premier ministre a déclaré qu’il était ouvert aux recommandations des autres partis sur la nomination.
Trudeau a également déclaré que le Comité parlementaire de la sécurité nationale et du renseignement (CPSNR), un comité parlementaire qui rend des comptes au premier ministre, ainsi que l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR), examineront les questions liées à l’ingérence électorale.
Les partis d’opposition ont demandé l’ouverture d’une enquête publique sur l’intégrité des élections, à la suite d’informations faisant état de l’ingérence généralisée par Pékin dans les élections, et la nomination d’un commissaire par le Parlement.
Qualifiant de partisan le débat autour de la question de la tenue d’une enquête publique, Trudeau a déclaré que la première tâche du rapporteur sera de recommander la procédure à suivre, telle qu’une enquête formelle ou un autre type de processus d’examen.
Trudeau a précisé que ce processus pourrait prendre la même forme que la Commission d’urgence pour l’ordre public supervisée par le juge Paul Rouleau, si le rapporteur choisit de le faire.
« Mais étant donné les limites et les lacunes de ce processus, peut‑être choisira‑t‑il un autre moyen de rassurer les Canadiens au sujet de l’ingérence étrangère », a‑t‑il déclaré en français.
Le rapport de M. Rouleau, publié le mois dernier, sur l’invocation par Trudeau de la loi sur les situations d’urgence pour faire face aux manifestants l’hiver dernier, indiquait que le gouvernement avait atteint le seuil fixé.
En plus de décider des prochaines étapes, le rapporteur spécial devra aussi informer le CPSNR ainsi que l’OSSNR, en plus d’examiner les processus, tels que celui d’Élections Canada.
Trudeau a indiqué que le CPSNR se penchera sur les tentatives d’ingérence lors des élections de 2019 et 2021. Ce comité, qui comprend des députés de plusieurs partis ainsi qu’un sénateur, rend des comptes au premier ministre.
L’OSSNR, l’organisme national de surveillance du renseignement, examinera la question de manière indépendante.
Autres mesures
Trudeau, entouré de plusieurs ministres lors de la conférence de presse, a également annoncé d’autres mesures concernant la question de l’ingérence étrangère.
Il a indiqué qu’il avait chargé le ministre de la Sécurité publique, Marco Mendicino, de lancer des consultations sur la création d’un registre des agents étrangers, sans toutefois fournir de dates.
Cela devrait se faire en conjonction avec « la protection des communautés qui sont souvent ciblées par des tentatives d’ingérence étrangère et qui se sentent visées lorsque la xénophobie et l’alarmisme prennent le pas sur les préoccupations légitimes pour notre démocratie et notre sécurité nationale », a déclaré Trudeau.
La semaine dernière, lorsqu’on lui a demandé de commenter les allégations selon lesquelles il avait ignoré un avertissement du Service canadien du renseignement de sécurité concernant un candidat du Parti libéral soutenu par Pékin en 2019, Trudeau a lié ces préoccupations au racisme.
Des articles récents du Global News et du Globe and Mail, citant des fuites des services de renseignement et des sources de sécurité nationale, ont fait état d’autres formes d’ingérence du Parti communiste chinois dans les élections fédérales canadiennes de 2019 et 2021.
Interrogé sur les raisons pour lesquelles le gouvernement a mis autant de temps à entamer des consultations sur un registre, Trudeau a reconnu qu’il s’agissait d’un sujet « discuté depuis longtemps » et que des leçons seraient tirées des travaux réalisés sur la question par les alliés américains et australiens.
Le premier ministre a également déclaré qu’il avait chargé Marco Mendicino de créer un bureau de coordination sur l’ingérence étrangère au sein de son ministère.
Le leader conservateur Pierre Poilievre, qui a demandé une enquête publique, a qualifié ces dernières mesures de « dissimulation ».
« Un soi‑disant ‘rapporteur spécial’ choisi par le premier ministre n’est pas la même chose qu’une véritable enquête indépendante, avec pleins pouvoirs découlant de la loi aux fins d’enquêtes – dont l’obligation de témoigner et de produire des documents », a‑t‑il déclaré dans un communiqué.
Il a également déclaré que le travail du CPSNR resterait confidentiel et qu’il avait été utilisé dans le passé pour « éviter de rendre des comptes ».
Rapports d’ingérence
Selon un rapport publié le 7 novembre 2022 par Global News qui cite les fuites de documents des services de renseignement, Trudeau a été informé en janvier 2022 de l’existence d’un réseau d’ingérence électorale dirigé par Pékin. Le rapport indique que le Parti communiste chinois a financé au moins 11 candidats fédéraux aux élections de 2019.
Le rapport indique également que plusieurs candidats à l’élection de cette année‑là ont rencontré des représentants du Front uni, selon l’article. Le Front uni est « un outil principal d’ingérence étrangère » pour Pékin, indique un article de Sécurité publique Canada citant des recherches menées par des groupes de réflexion.
L’article indique également qu’un membre du personnel de la campagne électorale d’un candidat aux élections fédérales de 2019 a été chargé par le consulat chinois de Toronto de contrôler et de surveiller les réunions des candidats, empêchant même des rencontres telles que des réunions avec des représentants de Taïwan.
Un autre article du Globe and Mail du 17 février indique que, selon des sources de renseignement et des fuites de renseignements, des responsables chinois ont déclaré que leur souhait pour les élections canadiennes de 2021 était d’avoir un gouvernement libéral minoritaire. Selon l’article, le PCC considère que le Parti libéral est le plus favorable à ses intérêts, mais il souhaite que le gouvernement reste minoritaire afin que son pouvoir soit contrôlé.
L’article indique également qu’un diplomate chinois a exprimé son mécontentement quant au fait que les libéraux soient devenus plus critiques à l’égard de la Chine ces derniers temps, mais a déclaré qu’ils étaient toujours préférables à d’autres solutions.
L’article du Globe indique que Pékin a donné l’ordre à ses diplomates et autres mandataires – y compris certains médias en langue chinoise – de propager l’idée que les députés conservateurs étaient trop critiques à l’égard de la Chine et qu’ils allaient à l’encontre des intérêts des membres de la communauté chinoise.
La Presse Canadienne a contribué à cet article.
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