Lors d’une Conférence de presse à L aval, au Québec, le 7 novembre, le premier ministre Justin Trudeau a dû répondre aux questions concernant un article récent affirmant qu’au moins 11 candidats fédéraux, dont l’affiliation partisane n’a pas été révélée, ont reçu des fonds du Parti communiste chinois (PCC) lors des élections fédérales de 2019.
« Les acteurs étatiques du monde entier, que ce soit la Chine ou d’autres, continuent de jouer à des jeux agressifs avec nos institutions, avec nos démocraties », a déclaré Justin Trudeau aux journalistes.
« Nous avons pris des mesures importantes pour renforcer l’intégrité de nos processus électoraux et de nos systèmes », a-t-il ajouté. « Nous continuerons à investir dans la lutte contre l’ingérence électorale – contre l’ingérence étrangère – de nos démocraties et de nos institutions. »
Les questions survenaient suite à un article de Global News, publié ce jour-là, selon lequel les responsables du renseignement avaient mis en garde Trudeau et plusieurs ministres contre une ingérence du PCC au Canada dans une série de bilans et de notes à partir de janvier.
L’article en question explique que l’ingérence chinoise implique « un financement secret pour influencer les résultats des élections » avec 11 candidats à l’élection fédérale de 2019 ayant reçu des fonds du PCC pendant leur campagne.
L’article aborde également les soupçons du renseignement canadien. Selon le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS), explique Global News, le consulat de Chine à Toronto a secrètement dirigé un important transfert de fonds vers le réseau clandestin de ces candidats. D’autre part beaucoup d’agents de Pékin se sont fait embauchés dans un grand nombre campagnes.
Les fonds, explique l’article, ont été transférés par l’intermédiaire d’un député provincial de l’Ontario et d’un employé au service d’un candidat aux élections fédérales, certains membres du réseau (non l’ensemble) étant « affiliés en toute conscience » au PCC.
L’article indique également qu’un fonctionnaire du consulat chinois de Toronto a demandé au membre d’une campagne de contrôler et surveiller les réunions du candidat pour lequel il travaillait.
« Le monde change, et parfois de manière effrayante », a déclaré Trudeau. « Et nous devons nous assurer que ceux qui sont chargés de nous protéger chaque jour sont en mesure de le faire. »
En 2010, Richard Fadden, alors directeur du SCRS, déclarait dans une interview pour CBC News qu’il y avait « plusieurs responsables municipaux en Colombie-Britannique » et des ministres de la Couronne « dans au moins deux provinces (…) qui, selon nous, sont sous l’influence générale d’un gouvernement étranger ».
Et d’ajouter : « Nous sommes en réalité un peu inquiets dans quelques provinces, car on nous a indiqué qu’il y a des personnalités politiques ayant développé un certain attachement à des pays étrangers. »
David Mulroney, ancien ambassadeur du Canada en Chine, affirme qu’il y a eu ces dernières années une « expansion importante » des opérations chinoises visant directement à saper la démocratie canadienne.
« Le PM [Trudeau] a été informé de cette ‘vaste campagne’ en janvier, mais il est resté silencieux », a déclaré David Mulroney le 8 novembre sur Twitter. « Puis, en juin, il a élargi l’équipe chargée de concevoir sa stratégie en Chine pour y inclure des personnes aussi obstinément naïves que lui au sujet de la RPC [République populaire de Chine]. Sans doute [il y a eu] de nombreuses promotions, des primes au consulat de Chine à Toronto. »
L’ingérence chinoise
Dans son interview de 2010, M. Fadden avait également déclaré que les autorités chinoises avaient organisé des manifestations pour protester contre les politiques du gouvernement canadien jugées néfastes pour le PCC.
« Ils ont organisé des manifestations contre le gouvernement canadien à l’égard de certaines de nos politiques concernant la Chine. Elles ont organisé des manifestations pour s’attaquer à ce que l’on appelle les cinq poisons : Taïwan, Falun Gong, et autres. »
Lors de la conférence de presse du 7 novembre, Trudeau a déclaré que le gouvernement fédéral était en train de « créer de nouveaux outils » pour aider le SCRS et les autres services de renseignement canadiens à prévenir l’ingérence étrangère dans les élections.
« Il existe déjà des lois et des mesures importantes dont disposent nos responsables du renseignement et de la sécurité pour lutter contre les acteurs étrangers opérant sur le sol canadien », a-t-il expliqué.
Les spécialistes mettent en garde contre les efforts d’ingérence de la Chine dans les élections canadiennes depuis longtemps. Cette question a été un des principaux sujets explorés lors d’une récente réunion d’un comité de la Chambre des communes.
Marcus Kolga, directeur de DisinfoWatch, a déclaré au Comité permanent de la Procédure et des Affaires de la Chambre le 3 novembre que « dans les semaines précédant les élections de septembre 2021, nous avons été alertés par des narratifs des médias d’État chinois qui visaient directement le Parti conservateur et son chef Erin O’Toole ».
« Simultanément, des membres de la communauté sino-canadienne ont porté à notre attention des narratifs similaires apparaissant sur des plateformes médiatiques locales canadiennes en langue chinoise et sur le canal médiatique local chinois WeChat », a déclaré M. Kolga.
Selon lui, le tabloïd Global Times, propriété du PCC, a attaqué la plateforme de politique étrangère d’O’Toole dans un article publié le 9 septembre 2021.
« L’article du Global Times menaçait les Canadiens en leur disant que s’ils élisaient un gouvernement conservateur, ils devaient s’attendre à ‘une forte contre-attaque et que ‘c’est le Canada qui en souffrirait’. »
Selon l’universitaire australien Clive Hamilton, les opérations d’ingérence électorale de Pékin sont les plus avancées au Canada.
Le livre qu’il a coécrit en 2020, Hidden Hand, indique que les organisations du Front uni du PCC, qui sont mandatées par le Parti pour réduire les groupes d’opposition potentiels en Chine et accroître l’influence du PCC à l’étranger, « suivent de plus en plus les conseils formulés en 2010 par un stratège du PCC : créer des organisations politiques basées sur l’ethnie chinoise, faire des dons politiques, soutenir les politiciens de l’ethnie chinoise et déployer des votes pour faire basculer des élections serrées ».
M. Hamilton a déclaré à Epoch Times que les organisations du Front uni sont plus ancrées au Canada qu’ailleurs.
Isaac Teo a contribué à cet article.
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