Âgée de 27 ans, elle a été reconnue coupable d’atteinte à la religion et d’incitation à la haine après avoir partagé le 4 mai deux paragraphes enluminés comme le texte sacré musulman.
Une internaute tunisienne a été condamnée à six mois de prison le 14 juillet dernier pour avoir partagé sur Facebook une publication intitulée « sourate corona » parodiant le Coran, une condamnation qui relance le débat sur la liberté d’expression concernant la religion en Tunisie. Emna Charki, âgée de 27 ans, a été reconnue coupable d’atteinte à la religion et d’incitation à la haine après avoir partagé le 4 mai deux paragraphes enluminés comme le texte sacré musulman.
« Il n’y a pas de différence entre rois et esclaves, suivez la science et laissez les traditions », peut-on lire dans ce texte à la conclusion ironique « ainsi parle le grand Jilou », un nom de divinité inventé. Mme Charki a été convoquée dès le 5 mai par la police, et inculpée le lendemain pour « atteinte au sacré », « atteinte aux bonnes mœurs et incitation à la violence ».
6 mois de prison ferme
Condamnée mardi à six mois de prison ferme et 2 000 dinars (650 euros) d’amende, elle a dix jours pour faire appel, a précisé le tribunal de Tunis, ajoutant qu’elle restait libre.
« Dans un pays de liberté, où la Constitution garantit la liberté d’expression et de conscience et les droits de la femme, moi, en tant que femme libre en matière de croyance et d’expression, on me condamne à six mois de prison (…) c’est illogique ! », a-t-elle lancé, visiblement secouée. Elle a indiqué son intention de faire appel, une fois qu’elle aura été notifiée de la décision.
« L’avenir de ma fille est anéanti »
Emna Charki a reçu quelques journalistes dans le logement qu’elle et sa mère se préparent à quitter car leur propriétaire a indiqué ne plus vouloir les loger en raison de cette affaire, selon elles. « L’avenir de ma fille est anéanti », s’est inquiétée sa mère, voilée de bleu. Avec un casier judiciaire, « elle ne pourra plus travailler ni même marcher librement dans la rue ».
« Des lois liberticides obsolètes »
Emna Charki a déploré que les autorités n’aient pas réagi face aux multiples menaces qu’elle a reçues. « Après tout ce que la jeunesse tunisienne a fait pour ce pays, tout ce qu’elle a montré comme soif de liberté, c’est incroyable qu’on prenne encore des décisions basées sur des lois liberticides obsolètes », a déclaré l’ex-députée Bochra Belhaj Hmida. C’est « comme si rien n’avait changé, dix ans après la révolution, six ans après la Constitution, et après un grand débat sur les libertés individuelles », a-t-elle déploré.
« La poursuite d’Emna Charki est une illustration de la manière (…) dont les autorités continuent d’utiliser des lois répressives pour saper la liberté d’expression. Un tel procès envoie le message que toute personne osant exprimer une opinion controversée sur les réseaux sociaux risque d’être punie », avait déploré Amna Guellali, responsable régionale d’Amnesty international.
« L’État protège la religion »
Emna Charki était poursuivie en vertu de l’article 6 de la Constitution qui stipule que « l’État protège la religion ». La loi fondamentale, fruit d’un compromis historique, prévoit que l’État « garantit la liberté de croyance, de conscience » tout en s’engageant à « protéger le sacré ».
Avant la Constitution, d’autres condamnations avaient défrayé la chronique, notamment celle d’un jeune Tunisien, Jabeur Mejri, condamné en 2012 à sept ans et demi de prison pour avoir diffusé sur internet des textes et dessins considérés comme insultants pour l’islam. Condamné pour troubles à l’ordre public, il avait été gracié en 2014.
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