Echaudés par les revirements du président turc Recep Tayyip Erdogan, les Européens vont poser leurs conditions à son émissaire Mevlüt Cavusoglu pour une normalisation des relations avec la Turquie et lui signifier leur refus de passer l’éponge sur les actions « agressives » d’Ankara.
En déplacement à Bruxelles, le ministre des Affaires étrangères turc a rencontré jeudi en fin de matinée le chef de la diplomatie européenne, l’Espagnol Josep Borrell.
Il devait aussi s’entretenir en fin de journée avec son homologue belge Sophie Wilmès, avant d’être reçu vendredi par le président du Conseil européen, le Belge Charles Michel, et par le secrétaire général de l’Otan, le Norvégien Jens Stoltenberg.
« Le président Erdogan a invité Charles Michel et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à se rendre en Turquie et je suis venu pour préparer cette visite », a annoncé le ministre turc lors d’une déclaration avant sa rencontre avec Josep Borrell.
« J’espère que mes entretiens seront fructueux », a-t-il ajouté. La Turquie veut discuter du renouvellement de l’accord sur les migrations conclu avec l’UE, du projet de conférence internationale sur la Méditerranée orientale proposé par Charles Michel, de la libération des visas promise par l’UE et de la modernisation de l’Union douanière, a-t-il énoncé.
Préserver la stabilité régionale
« Nous espérons tous que les mots du président turc soient rapidement transformés en actes concrets et durables qui prouvent sa réelle bonne volonté vis-à-vis de l’UE », a déclaré à l’AFP le chef de la diplomatie du Luxembourg Jean Asselborn.
Mais « personne n’a l’intention de passer l’éponge », a-t-il averti. « L’UE reste déterminée à défendre ses intérêts et ceux de ses États membres ainsi qu’à préserver la stabilité régionale », a-t-il assuré.
Les sujets de tensions sont nombreux: contentieux avec la Grèce et Chypre, implication d’Ankara dans les conflits en Syrie, en Libye et au Nagorny Karabakh, brouille avec Paris, violations de l’embargo de l’ONU en Libye sur les armes, actions militaires agressives en Méditerranée orientale.
Les dirigeants européens ont tendu la main au président Erdogan en juillet 2020, mais il l’a rejetée. Ils ont décidé en décembre de sanctionner Ankara pour la poursuite de ses forages gaziers unilatéraux dans la zone économique exclusive de Chypre.
Les Européens vont ajouter de nouveaux noms à une liste ouverte en novembre 2019 sur laquelle figurent déjà deux dirigeants de la Turkish Petroleum Corporation (TPAO), interdits de visas et dont les avoirs dans l’UE ont été gelés.
Un accord pourrait être donné sur plusieurs noms lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères le 25 janvier, a indiqué un diplomate européen.
La perte du soutien des Etats-Unis
Ankara a deux mois pour convaincre l’Union. Josep Borrell doit présenter un rapport sur les relations politiques, économiques et commerciales entre l’UE et la Turquie et proposer des options aux dirigeants européens pour leur sommet en mars.
Le vent a tourné pour le président Erdogan avec la perte du soutien des Etats-Unis et l’arrivée au pouvoir de Joe Biden. En outre, les « énormes problèmes économiques » de la Turquie ne lui permettent pas de couper les liens avec l’Europe, son premier partenaire commercial.
« La baraque s’écroule et il est en train de perdre la classe moyenne », explique un responsable européen.
« Les Turcs montrent patte blanche », ironise un diplomate de haut rang. « Mais les Européens attendent de voir si cette attitude est sincère et durable. Les précédents épisodes les ont affranchis », a-t-il ajouté.
L’Allemagne, première puissance économique de l’UE, mise sur l’apaisement. Son ministre des Affaires étrangères Heiko Maas s’est rendu lundi à Ankara pour saluer les « signaux positifs » adressés par le président turc et « accompagner » ses initiatives.
« Nous espérons une détente durable dans nos relations avec la Turquie de manière à rendre caduque une nouvelle extension des sanctions en mars », confie Jean Asselborn.
« Mais il est nécessaire de s’assurer qu’on est prêt, si jamais on ne laisse pas d’autre choix » a-t-il averti.
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l’UE », a-t-il averti.
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