Les comptes Twitter de médias publics aux Etats-Unis, au Canada et en Europe affichent à présent une mention qui indique aux utilisateurs de la plateforme leur financement par l’État. Si cette politique de transparence voulue par l’oiseau bleu a été largement saluée par des personnalités politiques et médiatiques classées à droite, à gauche, cette décision d’Elon Musk a suscité colère et critiques, si bien que certains des organismes de presse concernés ont décidé de cesser leur activité sur le réseau social. Auparavant, seuls des médias russes et chinois arboraient ce badge.
Les comptes Twitter de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, en raison de leur financement par l’État, se sont vus affublés lundi 17 avril du label « publicly-funded media » (soit « média à financement public ») par l’oiseau bleu. Une politique de transparence décidée par le réseau social, dont l’objectif est d’indiquer aux utilisateurs de la plateforme les sources de financement de ces chaînes et radios. Selon son site, cette mention « désigne les organismes de médias qui sont financés par les droits de licence, les contributions individuelles, le financement public et le financement commercial ».
Pour déterminer quel badge doit être accolé aux comptes, Twitter s’autorise à recourir à des sources externes. Ainsi, c’est en se basant sur la page de Wikipédia des chaînes de télévision et radios financés par des fonds publics que la plateforme d’Elon Musk a évalué la liste des médias qui seraient concernés par l’étiquette « financé par l’État ». Pour autant, toutes les chaines et radios publiques françaises n’ont pas reçu le même traitement : France Inter, France Info ou encore France 2 et France Culture ont échappé au label, très probablement car elles ne sont pas mentionnées sur la page Wikipédia en question.
De quoi déclencher néanmoins les foudres de Libération, qui n’hésite pas à fustiger : « Les décisions d’Elon Musk continuent de porter leurs fruits pourris. »
États-Unis : NPR et PBS
Le 4 avril, Twitter avait lancé sa politique de transparence en commençant par appliquer à la radio publique américaine NPR l’étiquette « affiliée à un État ». Si le label a été modifié pour indiquer « financé par le gouvernement », le média, qui conteste cette définition, a préféré quitter la plateforme la semaine dernière.
« Les comptes de NPR ne seront plus actifs sur Twitter car la plateforme prend des mesures qui sapent notre crédibilité en laissant entendre à tort que nous ne sommes pas indépendants sur le plan éditorial », a déclaré la National Public Radio dans un communiqué, faisant par ailleurs valoir que « moins de 1% de son budget annuel de 300 millions de dollars provient de la Corporation for Public Broadcasting, financée par le gouvernement fédéral ».
Invité dans l’émission de l’animateur vedette de Fox News, Tucker Carlson, Vince Coglianese, rédacteur en chef pour le média américain Daily Caller, soutient que l’argument selon lequel les fonds fédéraux ne représenteraient qu’1% du budget annuel de NPR est « mensonger » : « Les milliers de chaines auxquelles elles envoient du contenu payent toutes des frais à NPR. Devinez d’où vient leur argent ? Du gouvernement fédéral et des autorités locales. Près de 23% de leur financement provient de là. On parle de centaines de millions de dollars. […] Le seul type d’organisation qui se montre aussi trompeuse ne peut être un organe de presse, mais une organisation qui mène une opération politique pour le compte du gouvernement. »
Pour sa part, Elon Musk a partagé sur Twitter une capture d’écran du site de NPR dans laquelle la radio explique que le financement public est « critique » pour assurer la bonne conduite de leurs programmes. « Quel est votre problème avec la vérité NPR ? », a taclé l’entrepreneur, qui, dans un autre tweet, n’hésite pas à lancer : « Quels hypocrites ! »
« Cette décision est importante car le média de gauche est le premier grand organisme de presse à quitter la plateforme », souligne de son côté Fox News. Et le média de mettre en avant les biais de la radio publique : « En octobre 2020, la rédactrice en chef de NPR, Kelly McBride, a répondu à un auditeur qui lui a demandé pourquoi NPR n’avait pas rendu compte des scandales concernant Hunter Biden, notamment sur les relations commerciales qu’il avait nouées à l’étranger grâce à son nom de famille. Le même mois, le New York Post avait publié son enquête sur l’ordinateur portable de Biden, qui avait ensuite été supprimé par les géants de la Big Tech Facebook et Twitter, et discrédité comme étant de la désinformation russe par de nombreux médias. McBride a affirmé qu’il y avait « beaucoup, beaucoup d’inquiétudes à avoir à propos de cette enquête du New York Post » et que les responsables du renseignement ont averti « que la Russie a énormément œuvré » pour faire monter cette actualité. L’ordinateur portable a depuis été authentifié par de nombreux médias. »
Dans sa décision de quitter la plateforme, NPR avait été précédé par le Public Broadcast System (PBS), qui fédère les chaînes de télévision locales américaines. Selon le site Axios, PBS, qui a écopé du même label que NPR, a décidé dès le 8 avril de cesser son activité sur le réseau social, sans toutefois en faire la publicité.
Canada : CBC
Lundi, c’était au tour du groupe de médias public CBC/Radio-Canada de faire de même après la décision de la plateforme d’Elon Musk de lui réserver le même traitement : « Notre journalisme est impartial et indépendant. Prétendre le contraire est faux. C’est pourquoi nous suspendons nos activités sur Twitter », a-t-elle déclaré sur le réseau social. Une colère sur laquelle le Premier ministre canadien Justin Trudeau a renchéri. « La CBC reçoit plus de 1,2 milliard de dollars de financement des contribuables chaque année, mais Trudeau, furieux par l’ajout de cette mention, a tenté de blâmer le chef conservateur canadien Pierre Poilievre, ainsi que Musk, pour ce label. Trudeau a affirmé que la CBC était un “organisme de presse“. En 2020-2021, Radio-Canada a reçu près de 1,4 milliard de dollars », explique le média canadien The Post Millenial.
« Je pense que cela en dit long sur le Parti conservateur du Canada. Ils choisissent d’attaquer constamment les organismes de presse indépendants, les journalistes qui travaillent dur pour tenir les Canadiens informés et soutenir notre démocratie », s’est indigné lundi le chef d’État progressiste.
Avec son habituel sens de l’humour, Elon Musk a répliqué en demandant si « la CBC se porterait mieux avec une mention indiquant qu’ils sont financés à 70% par le gouvernement », avant d’appliquer le label. En réponse à un utilisateur de Twitter, qui a ensuite suggéré de plutôt mettre une étiquette affichant 69% afin de « leur donner le bénéfice du doute », Elon Musk a tweeté : « C’est juste. La générosité, c’est toujours le bon choix. Allons-y pour 69% ! » Le compte Twitter de la CBC affiche désormais cette mention. « Voilà. Maintenant, tout le monde est content », a ironisé Pierre Poilièvre.
Angleterre : BBC
Du côté de l’Europe, au Royaume-Uni, la BBC a également été logée à la même enseigne que la CBC et NPR, voyant son compte Twitter arborer un badge « financé par le gouvernement ». Sans surprise, le média de service public britannique a lui aussi vigoureusement contesté cette appellation, affirmant « avoir toujours été indépendant » et précisant « être financé par le public anglais via la redevance ». Une affaire qui a donné lieu le 11 avril à un entretien télévisé entre le patron de Tesla et le journaliste de la BBC James Clayton à propos de la politique de modération du réseau social en matière de lutte contre la désinformation et les discours jugés « haineux ».
« Pensez-vous que vous donnez la priorité à la liberté d’expression plutôt qu’à [la lutte] contre la désinformation et l’incitation à la haine ? », a demandé M. Clayton au milliardaire. « Qui est apte à déterminer que quelque chose est de la désinformation ? Est-ce la BBC ? […] La BBC a elle-même parfois publié des choses fausses. Êtes-vous d’accord pour dire que cela s’est produit ? », interroge en réponse Elon Musk. « Je suis certain que la BBC a déjà dit des choses qui se sont avérées fausses au cours de ses 100 ans d’histoire, j’en suis certain », répond de manière gênée le journaliste. Et l’entrepreneur d’enchainer : « Oui. Même si vous aspirez à être précis, il y a des fois où vous ne le serez pas. »
Abordant ensuite sur la question de la modération des contenus haineux, James Clayton affirme avoir constaté personnellement une augmentation des contenus haineux depuis la reprise en main de l’oiseau bleu par Elon Musk. Questionné à plusieurs reprises par son invité, qui lui demande de lui donner un exemple de tweet haineux que celui-ci aurait pu apercevoir dans son fil d’actualité, il est incapable d’en citer un : « Vous ne pouvez pas me donner un seul exemple de contenu haineux, pas même un seul tweet. Et pourtant, vous affirmez que le contenu haineux était élevé. C’est faux. Vous avez menti », assène l’homme d’affaires.
Viennent ensuite les questions sur la désinformation relative au Covid-19. « Vous avez changé les règles de désinformation de Covid », commence par noter James Clayton. « La BBC a-t-elle changé sa désinformation sur Covid ? », lui rétorque son interlocuteur, qui demande plus loin dans l’entretien : « La BBC a-t-elle été tenue responsable de la désinformation concernant le port du masque, les effets secondaires de la vaccination, sans les avoir rapportés ? Et qu’en est-il du fait que le gouvernement britannique a fait pression sur la BBC pour qu’elle modifie sa politique éditoriale ? » « Ce n’est pas une interview sur la BBC », a répondu nerveusement Clayton, ajoutant qu’il ne pouvait pas parler au nom de la société et déplaçant rapidement la conversation sur un autre sujet.
À la suite de cet entretien, le 15 avril, Elon Musk a commenté sur Twitter : « L’interview de la BBC la semaine dernière a permis d’illustrer remarquablement pourquoi vous ne pouvez pas compter sur les médias pour vous dire la vérité ».
Suède : Sveriges Radio
Mardi 18 avril, c’est la radio publique suédoise Sveriges Radio, dont le principal compte comporte maintenant un label « média financé par des fonds publics », qui a, à son tour, annoncé la fin de ses activités sur Twitter. Toutefois, à la différence des autres médias précités, elle n’a pas protesté sur ce point, estimant que c’était une « définition correcte » du financement de SR, la radio et la télévision publique suédoise (SVT) étant toutes deux publiques à 100 %.
« Sveriges Radio a depuis un certain temps réduit la priorité de sa présence sur Twitter et nous avons maintenant pris la décision d’arrêter complètement d’être actifs sur la plateforme, ainsi que de supprimer une série de comptes », a déclaré le groupe d’antennes le plus écouté du pays nordique. « Nous avons besoin de concentrer et de fixer des priorités à la présence en ligne de SR, et Twitter a simplement changé au cours de l’année et est devenu moins important pour nous », a fait valoir le responsable des réseaux sociaux du média public, Christian Gillinger.
Une mention précédemment appliquée aux seuls médias russes et chinois
Si cette politique de labellisation du réseau social n’est pas nouvelle, elle fait polémique car elle concernait initialement uniquement des médias russes et chinois financés par leur État respectif. C’est le cas notamment de XHNews ou de RT et Sputnik. Sur son ancien site, le Twitter d’avant Elon Musk estimait que « les libellés relatifs aux comptes de médias affiliés à un État fournissent davantage de contexte sur les comptes contrôlés par certains représentants officiels de gouvernements, des entités médiatiques affiliées à un État et les individus étroitement associés à ces entités ».
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.