Au mois de janvier, le parlement européen a adopté le rapport Verheyen. Ce document, du nom de la députée européenne allemande Sabine Verheyen et divisé en plusieurs parties, a notamment pour objectif de favoriser l’émergence d’une conscience historique européenne contre les « vaches sacrées des histoires nationales ». Décryptage.
« Développer un sentiment d’appartenance commune »
Le rapport Verheyen, voté le 17 janvier dernier par les parlementaires européens, est structuré en quatre parties détaillant les différents changements qui doivent être mis en place pour bâtir une conscience historique européenne : « Aborder le passé de l’Europe comme un risque et une opportunité ; une évaluation critique de la politique du passé dans l’Union européenne ; aller vers une conscience historique informée en Europe et les perspectives ; l’héritage du passé et l’avenir de l’Union ».
Il marque une rupture dans la manière dont l’Union européenne se perçoit : il s’agit de renforcer la dimension politique de l’UE et de faire en sorte qu’elle ne soit pas seulement considérée comme une zone monétaire ou un marché commun. Dans la première partie du rapport, reprenant une citation de l’ancien président de la Commission européenne Jacques Delors, il est clairement expliqué que « les citoyens européens ne peuvent pas tomber amoureux du marché unique ». Alors « pour développer un sentiment d’appartenance commune, il est indispensable de travailler sur la mémoire collective, étant donné qu’elle représente un aspect central de la formation et du renforcement de l’identité de groupe », est-il écrit.
Cet esprit de vouloir créer une mémoire européenne unique est la clé de voûte du texte, qui ne voit pas d’un bon œil les différentes mémoires nationales, et se dit « préoccupé par la persistance d’une concurrence latente et d’une incompatibilité partielle entre les différentes conceptions de la mémoire et cultures du souvenir en Europe, notamment entre l’Europe de l’Ouest et l’Europe de l’Est, mais aussi entre les pays et les nations de certaines parties du continent ».
Pour arriver à construire cette conscience historique européenne, le rapport appelle à un changement dans les méthodes d’enseignement: « Le Parlement européen […] souligne le rôle essentiel de l’éducation et invite les États membres à actualiser leurs programmes d’études et méthodes d’enseignement existants afin de faire passer l’histoire européenne et mondiale avant l’histoire nationale ».
« Nous ne devrions pas considérer l’Europe comme une civilisation »
Ce texte risque fort de déplaire aux partis de droite européens car on y retrouve une sémantique assez proche de certaines idées politiques de gauche. Le rapport stipule, par exemple, que l’Europe, « dans une perspective historique », ne devrait pas être considérée « comme une civilisation » et qu’un enseignement « interdisciplinaire et intersectionnel de l’histoire » est nécessaire.
Le concept de civilisation européenne est cher aux personnalités politiques de droite. Lors d’une interview, le député européen LR, François-Xavier Bellamy parlait d’une l’Europe qui doit « reconnaître son modèle de civilisation ». Le président de Reconquête !, Éric Zemmour, martèle quant à lui depuis des années qu’il faut « défendre la civilisation européenne ».
Le document déplore également « l’absence d’une approche suffisamment multiculturelle […] dans l’enseignement de l’histoire », le multiculturalisme étant très souvent qualifiée de « wokiste » par la droite.
Certains voient dans ce rapport, un énième pas franchi vers le fédéralisme européen. « Jusqu’où irez-vous dans votre marche vers le fédéralisme ? », s’est exclamé le député ID André Rougé, lors de son intervention le 8 février sur le texte en question au Parlement européen.
Un document voté par la droite européenne mais pour une raison précise
Le rapport Verheyen soulève toutefois quelques incohérences de la droite européenne puisqu’il a été porté par une députée européenne allemande du PPE Sabine Verheyen et ensuite voté par le parti populaire européen, le principal parti de droite à Strasbourg au mois de janvier – ceci alors qu’il contient des mesures assez éloignées des discours et politiques conservatrices prônées par ce dernier. Le parti est en plus dirigé depuis 2022 par le très conservateur Manfred Weber, plus proche sur le plan idéologique de Giorgia Meloni que du centre-droit.
Mais il s’avère que le vote du Parti populaire en faveur du texte pourrait avoir une explication. Nos confrères du JDD ont indiqué, dans un article paru le 26 janvier, que le chef de la délégation française au sein du PPE, François-Xavier Bellamy avait trouvé « absolument délirant » le texte initial et avait décidé de déposer des amendements pour modifier une partie du contenu et notamment l’un d’entre eux visant à inscrire le communisme parmi les totalitarismes les plus meurtriers en Europe. Ainsi, les discussions autour du rapport se sont essentiellement focalisées sur ce sujet.
Aussi, le Journal du Dimanche précise que la députée PPE allemande n’était pas initialement le rapporteur du texte. À la suite du vote de l’adoption de l’amendement de François-Xavier Bellamy sur le communisme, le rapporteur initial, Niyazi Kizilyürek, député européen d’extrême-gauche avait abandonné le rapport et in fine, l’eurodéputée allemande en avait hérité. Le PPE a largement voté en faveur du texte, les Républicains, quant à eux se sont abstenus.
Mais des contradictions persistent sur le vote du PPE malgré les dépôts de certains amendements, notamment sur le sujet de l’histoire européenne qui doit passer avant les histoires nationales, et elles pourraient se répercuter sur le PPE lors des prochaines élections européennes au mois de juin.
Ce n’est pas la première fois que le parti est accusé par ses détracteurs d’incohérence ou de « jouer un double jeu », notamment de la part de mouvements politiques plus à droite. En novembre dernier, la tête de liste Reconquête! Marion Maréchal reprochait au PPE (dont les Républicains sont membres) de voter en faveur de la reconnaissance de la parentalité par GPA. Cependant, le cabinet de François-Xavier Bellamy a indiqué à Epoch Times que le député européen avait déposé le 5 octobre un amendement visant à inclure la gestation pour autrui dans la définition de la traite d’êtres humains qui a été ensuite adopté.
Plus récemment, à l’occasion de la mobilisation des agriculteurs, des personnalités politiques issus du RN ont aussi pointé du doigt les contradictions de députés européens LR au sujet de leurs votes sur les traités de libre-échange.
Des corrections ont été apportées sur la première version de l’article sur les amendements déposés par François-Xavier Bellamy concernant le rapport Verheyen et la reconnaissance de la parentalité par GPA.
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