La destruction partielle du barrage de Kakhovka dans le sud de l’Ukraine, dont s’accusent mutuellement Moscou et Kiev, a entraîné l’inondation mardi de nombreuses localités dont des milliers d’habitants sont évacués, suscitant un tollé international.
« Plus de 40.000 personnes risquent d’être en zones inondées. Les autorités ukrainiennes évacuent plus de 17.000 personnes. Malheureusement, plus de 25.000 civils se trouvent sur le territoire sous contrôle russe », a annoncé le procureur général ukrainien Andriï Kostine. « À ce stade, 24 localités en Ukraine ont été inondées », a précisé le ministre ukrainien de l’Intérieur, Igor Klymenko.
Les autorités installées par les Russes dans les régions qu’ils occupent ont quant à elles dit avoir commencé l’évacuation de la population de trois localités, mobilisant pour ce faire une cinquantaine de cars. Vladimir Leontiev, le maire mis en place par Moscou de Nova Kakhovka où se trouve le barrage, a raconté que sa ville était désormais sous les eaux et que 900 de ses habitants avaient été évacués. La centrale hydroélectrique de cet ouvrage érigé dans les années 1950 – à l’époque soviétique – qui a été pris par les Russes dès le début de leur offensive en Ukraine, est en outre « complètement détruite », a assuré le patron de l’opérateur ukrainien Ukrhydroenergo.
Accusations mutuelles
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a accusé la Russie d’avoir « fait exploser une bombe » sur le barrage après l’avoir miné. « Il est physiquement impossible de le faire sauter d’une manière ou d’une autre de l’extérieur, avec des bombardements », la version donnée par Moscou, a-t-il ajouté, précisant que l’explosion avait eu lieu mardi à 2h50 heures locales (23h50 GMT). « Le monde doit réagir. La Russie est en guerre contre la vie, contre la nature, contre la civilisation », a martelé M. Zelensky. Cela « aura des conséquences terribles sur la vie des gens », a-t-il encore déploré, considérant par ailleurs qu’un cessez-le-feu en Ukraine « ne mènera pas à la paix ».
Pour Kiev, les Russes ont agi ainsi en vue de « freiner » l’offensive de son armée. Si les lignes défensives russes le long du Dniepr vont être submergées, c’est en effet surtout une potentielle opération militaire ukrainienne dans cette région qui va être entravée. L’Ukraine avait affirmé la veille avoir gagné du terrain près de Bakhmout, dans l’est, tout en relativisant l’ampleur des « actions offensives » menées ailleurs sur le front.
La Russie dit pour sa part repousser ces attaques d’envergure, tout en reconnaissant mardi la mort dans ce contexte ces derniers jours de 71 de ses soldats cependant que 210 autres ont été blessés. Et ce alors que l’armée russe fait rarement état de ses pertes. « Les tentatives d’attaque ont été déjouées (…) l’ennemi n’a pas atteint ses objectifs », a clamé le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou.
Les Ukrainiens affirment préparer depuis des mois une vaste contre-offensive destinée à obliger les troupes russes à se retirer des territoires dont elles se sont emparées. Concernant le barrage, le Kremlin a dénoncé un acte de « sabotage délibéré » de Kiev et a « fermement » rejeté les accusations ukrainiennes. Les autorités locales installées en Ukraine par Moscou avaient auparavant incriminé de « multiples frappes » ukrainiennes sur cet ouvrage qui permet notamment d’alimenter en eau la péninsule de Crimée, annexée en 2014 par la Russie.
« Écocide brutal »
La destruction partielle du barrage de Kakhovka a suscité de nouvelles inquiétudes pour la centrale nucléaire de Zaporijjia, située à 150 km en amont, celui-ci assurant son refroidissement. Il n’y a « pas de danger nucléaire immédiat », a toutefois souligné l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA), insistant sur le fait que ses experts dans ces installations surveillaient la situation.
Comme le barrage, la centrale est située dans une zone occupée par les Russes après l’invasion qu’ils ont déclenchée le 24 février 2022. « L’inondation est juste devant nos yeux. Personne ne sait ce qui peut se passer désormais », a commenté auprès de l’AFP Viktor, un habitant de Kherson, la plus grande cité des environs du barrage, reprise en novembre 2022 par les Ukrainiens. « Ces porcs doivent fuir plus vite, ils doivent être chassés ! Ce n’est pas une vie ça ! Ici, ils tirent et, là, ils inondent ! », s’est emportée Lioudmila en évoquant les occupants russes. « Cent cinquante tonnes d’huile moteur » se sont déversées mardi dans le Dniepr, ont relevé les responsables ukrainiens.
La destruction partielle du barrage est « la plus grande catastrophe environnementale causée par l’homme en Europe depuis des décennies », « la Russie est coupable d’un écocide brutal », a quant à lui accusé M. Zelensky. « L’Ukraine réclame une réunion d’urgence du Conseil de sécurité des Nations unies », a fait savoir son ministre des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba. « La Russie ne peut pas nous vaincre sur le champ de bataille, alors elle cible les infrastructures civiles », a lâché à La Haye le représentant ukrainien Anton Korynevych devant la Cour internationale de Justice, la plus haute juridiction de l’ONU.
Moscou devra rendre des comptes pour ce « crime de guerre », a lancé le chef du Conseil européen Charles Michel, le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg dénonçant « un acte scandaleux ». L’Allemagne et la France ont vivement condamné l’action contre le barrage de Kakhovka, tandis que pour le Royaume-Uni il s’agit d’un « crime de guerre ».
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