La Russie a affirmé avoir conduit vendredi une attaque « massive » contre l’Ukraine en réponse aux récentes attaques contre ses régions frontalières. Le Kremlin a reconnu que la Russie était « en état de guerre » après deux ans d’euphémismes imposés.
Dans la nuit de jeudi à vendredi, des bombardements russes d’ampleur ont visé l’Ukraine, selon Kiev, principalement dirigés contre le réseau énergétique du pays.
Représailles contre les attaques en territoire russe
« Les forces armées de la Fédération de Russie ont lancé une frappe massive (…) contre des infrastructures énergétiques et militaro-industrielles, des noeuds ferroviaires, des arsenaux » notamment, a indiqué le ministère russe de la Défense sur Telegram, disant avoir mené depuis le week-end dernier ce type d’attaque « en réponse » à celles visant ses régions frontalières, confrontées à des bombardements et des incursions de groupes armés.
Le ministère ukrainien de l’Intérieur a indiqué que deux personnes avaient été tuées et au moins huit blessées à Khmelnytsky (Ouest). Trois personnes sont mortes dans la ville de Zaporijjia (centre-est), selon l’administration régionale.
Les forces russes ont lancé dans la nuit plus de « 60 Shahed (un drone explosif de fabrication iranienne, ndlr) et presque 90 missiles de différents types », a énuméré le Président ukrainien Volodymyr Zelensky sur les réseaux sociaux, présentant ses « condoléances aux familles » des victimes.
Selon M. Zelensky, les attaques ont visé « des centrales électriques, des lignes de haute tension, un barrage hydroélectrique, des résidences et même un trolleybus ».
Ces frappes de grande ampleur ont entraîné des coupures d’électricité dans au moins sept régions du pays et endommagé des « dizaines » d’installations, a indiqué l’opérateur ukrainien Ukrenergo.
Une des deux lignes électriques alimentant la centrale nucléaire ukrainienne de Zaporijjia, occupée par Moscou, a été coupée par un bombardement, a annoncé en outre le ministre ukrainien de l’Énergie, Guerman Galouchtchenko. La situation est « extrêmement dangereuse » car, si la dernière ligne cesse de fonctionner, « la centrale nucléaire de Zaporijjia sera au bord d’un nouveau black-out », a averti Energoatom, l’opérateur nucléaire ukrainien. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a ensuite confirmé que la ligne « de secours » reliée à la centrale fonctionnait toujours.
Le ministre de l’Énergie a jugé que ce bombardement nocturne était « la plus grande attaque contre l’industrie énergétique ukrainienne de ces derniers temps ».
Le président ukrainien a lui indiqué que la Russie avait visé Kharkiv et sa région, ainsi que les régions de Zaporijjia, Soumy (Nord), Poltava et Dnipro (centre), Odessa (Sud), Khmelnytsky, Vinnytsia et Frankivsk (Ouest).
M. Zelensky s’est une nouvelle fois agacé des lenteurs de l’assistance occidentale, alors que l’aide américaine est bloquée depuis des mois à cause de rivalités politiques entre républicains et démocrates et que celle de l’Union européenne a pris un important retard. « Les missiles russes n’ont pas de retard, à l’inverse des paquets d’aide à notre pays. Les Shahed ne sont pas indécis, contrairement à certains politiciens », a-t-il ironisé.
La Russie avait déjà lancé jeudi à l’aube une attaque massive contre Kiev, la première depuis début février.
Le Président russe Vladimir Poutine a promis précédemment qu’il allait se venger de la multiplication des attaques ukrainiennes ces dernières semaines qui touchent le territoire russe, plus de deux ans après qu’il a ordonné l’invasion de l’Ukraine. Le Kremlin a longtemps assuré aux Russes que la guerre n’affecterait pas leur quotidien, ni le territoire du pays, mais à l’approche de la présidentielle russe de la mi-mars, ces attaques se sont multipliées.
Une personne a été tuée et plusieurs autres blessées vendredi matin dans une frappe sur la région russe de Belgorod, frontalière de l’Ukraine, a indiqué le gouverneur local.
Les services de sécurité russes (FSB) ont par ailleurs annoncé vendredi avoir arrêté à Moscou sept personnes accusées d’être en lien avec un groupe de combattants pro-Ukraine, auteur d’incursions armées en Russie ces derniers jours. Depuis la semaine dernière, ces groupes ont revendiqué des incursions armées dans les régions russes frontalières de Belgorod et de Koursk, l’armée de Moscou affirmant avoir repoussé leurs assauts.
Le passage d’une « frontière psychologique »
La Russie est « en état de guerre » contre l’Ukraine, a reconnu le porte-parole du Kremlin dans une interview parue vendredi, après avoir longtemps insisté pour présenter l’assaut contre sa voisine, lancé il y a deux ans, comme une « opération spéciale » et rejeté l’emploi du mot « guerre ».
« Nous nous trouvons en état de guerre. Oui, cela a commencé comme une opération militaire spéciale, mais dès que toute cette bande s’est formée, quand l’Occident collectif a participé à tout cela aux côtés de l’Ukraine, pour nous, c’est devenu une guerre », a indiqué Dmitri Peskov dans un entretien au média « Argoumenty I Fakty ».
« J’en suis convaincu et chacun doit le comprendre pour se mobiliser personnellement », a-t-il ajouté, en référence à la mobilisation militaire et celle des esprits menées en Russie.
Dans cette interview, il a également rappelé l’objectif du Kremlin de conquérir entièrement les quatre régions ukrainiennes (Kherson, Donetsk, Lougansk et Zaporijjia) dont Moscou revendique l’annexion depuis septembre 2022.
« De jure, c’est une opération militaire spéciale, mais de facto, cela s’est transformé en guerre », a ensuite précisé vendredi Dmitri Peskov lors de sa conférence de presse quotidienne.
Le Kremlin a réprimé depuis deux ans à coups d’amendes et de peines de prison l’utilisation du mot « guerre », imposant l’euphémisme officiel d’« opération militaire spéciale ».
Plusieurs hauts responsables, au cours des deux années de conflit, ont déjà utilisé le mot « guerre » dans des déclarations publiques, mais toujours en référence à la guerre que mènerait l’Occident à la Russie via l’Ukraine et non s’agissant de l’assaut russe lui-même.
Interrogé par la presse sur le sort de ceux qui ont été condamnés pour avoir utilisé ce mot, M. Peskov a laissé entendre qu’il ne fallait pas pour autant s’attendre à ce que l’emploi du terme dans un contexte critique de la Russie serait autorisé. « Le mot “guerre” est utilisé dans différents contextes. Comparez mon contexte avec le contexte des cas (de personnes condamnées) que vous citez », a-t-il dit.
Sur Telegram, l’analyste russe Tatiana Stanovaïa a néanmoins estimé vendredi que l’emploi officiel du terme par le Kremlin illustrait le passage d’une « frontière psychologique » pour l’élite politique et la population.
Le Président russe Vladimir Poutine, récemment réélu avec un score de 87% lors d’une présidentielle sans opposition, a juré de conduire son pays à la victoire contre Kiev et l’Occident, dans une confrontation qu’il présente comme existentielle.
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