Le constructeur automobile français Renault, publiquement ciblé par le président ukrainien pour ses activités en Russie, a annoncé mercredi soir suspendre immédiatement les activités de son usine de Moscou et évaluer « les options possibles concernant sa participation » dans sa grosse filiale russe, AvtoVAZ.
La Russie est le deuxième marché du groupe Renault dans le monde derrière l’Europe, avec près de 500.000 véhicules vendus en 2021. AvtoVAZ, rachetée à 69% fin 2016, produit notamment les deux voitures les plus vendues en Russie, les Lada Vesta et Granta, avec une part de marché de 28,8% au total.
Dans son communiqué, publié après une réunion de son conseil d’administration, le groupe n’a pas annoncé de sortie de Russie, tout en commençant à ouvrir la porte à un tel scénario.
Il a en tout cas averti être « en conséquence (…) contraint de revoir ses perspectives financières pour l’année 2022 avec une marge opérationnelle du groupe de l’ordre 3% », contre plus de 4% précédemment. En anticipation, Renault prévoit d’enregistrer une charge d’ajustement de 2,195 milliards d’euros dans ses comptes du premier semestre, soit la valeur de ses actifs en Russie.
Renault sous pression pour y cesser ses activités en Russie
« Je salue la déclaration du groupe Renault sur l’arrêt de ses activités industrielles en Russie. Un geste responsable dans le contexte de l’agression barbare de la Russie contre l’Ukraine », a réagi sur Twitter le chef de la diplomatie ukrainienne, Dmytro Kouleba.
Le ministre avait auparavant appelé sur le même réseau social à un boycott mondial de Renault, diffusant un montage mettant côte à côte le « positionnement du groupe », une vieille publicité avec l’acteur Kevin Spacey, depuis accusé d’agressions sexuelles, et la photo d’un civil devant une voiture détruite et l’inscription « Sponsor de la guerre de Poutine ».
Comme d’autres grands groupes internationaux installés en Russie, Renault était sous pression pour y cesser ses activités en raison de l’invasion de l’Ukraine lancée par le président Vladimir Poutine.
Un peu plus tôt dans la journée, le président ukrainien Volodymyr Zelensky, intervenant par liaison vidéo devant le Parlement français, avait exhorté les entreprises françaises implantées en Russie à cesser de soutenir « la machine de guerre » russe en Ukraine, citant nommément le constructeur automobile.
« Les entreprises françaises doivent quitter le marché russe. Renault, Auchan, Leroy Merlin et autres, ils doivent cesser d’être les sponsors de la machine de guerre de la Russie. Ils doivent arrêter de financer le meurtre d’enfants et de femmes, le viol », a-t-il martelé. « Tout le monde va se rappeler que les valeurs valent plus que les bénéfices ».
Agir « de manière responsable envers ses 45.000 salariés en Russie »
Dans son communiqué, Renault « rappelle qu’il met déjà en œuvre les mesures nécessaires pour respecter les sanctions internationales », tout en assurant vouloir agir « de manière responsable envers ses 45.000 salariés en Russie ».
AvtoVAZ dispose notamment d’une gigantesque usine à Togliatti (sud-ouest, sur la Volga), qui emploie 35.000 personnes. La firme avait annoncé le 16 mars envoyer ses employés en congés payés pour trois semaines en raison d’une pénurie de composants importés, liée aux sanctions occidentales dues à l’invasion de l’Ukraine.
Dans sa seule usine en nom propre, près de Moscou, qui avait été arrêtée plusieurs semaines et venait de reprendre le travail, la marque au losange produit des SUV Duster, Kaptur, Arkana, et des Nissan Terrano.
Renault particulièrement exposé
Les récentes sanctions annoncées contre la Russie ont sonné le glas des investissements massifs effectués par les grands constructeurs automobiles mondiaux dans le pays en période de croissance, dans les années 2000.
Le groupe Renault est particulièrement exposé, étant associé en Russie avec le conglomérat public russe Rostec, dirigé par Sergueï Tchémézov, un allié de Vladimir Poutine.
Parmi les autres entreprises françaises citées par le président Zelensky, Leroy Merlin, qui comme Auchan appartient à l’association familiale Mulliez, a indiqué mercredi avoir « décidé au début du conflit de suspendre les nouveaux investissements » en Russie mais souligné qu’une fermeture serait considérée comme une « faillite préméditée », « ouvrant la voie à une expropriation qui renforcerait les moyens financiers de la Russie ».
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