Ukraine: une « macro-industrie transnationale » de commerce d’enfants prospère dans une absence de réglementation internationale

Par Ludovic Genin
27 septembre 2022 13:48 Mis à jour: 25 avril 2024 16:19

Si vous faites une recherche avec les mots-clés « GPA Ukraine » sur Internet, les premiers résultats vous amèneront sur des sites marchands de vente d’enfants par mère porteuse, assurant le meilleur rapport qualité-prix par les clients. L’Ukraine est, en effet, l’un des hauts lieux de la GPA en Europe et le deuxième au monde après les États-Unis. Alors que la gestation pour autrui (GPA) est interdite en France, des centaines de couples français, profitant de l’absence de réglementation transnationale, signent des contrats avec ces entreprises ukrainiennes, pour acheter leur enfant.

L’Ukraine, plaque tournante européenne du commerce d’enfants et de mères porteuses

L’Ukraine est un des rares pays au monde où la GPA commerciale est autorisée pour les étrangers. Selon des estimations citées par Le Monde, 2.000 à 4.000 enfants y naîtraient chaque année (les estimations sont imprécises), pour des clients résidant en Chine, aux États-Unis et dans l’UE.

La guerre avec la Russie a déstabilisé cet important marché lucratif et mis en lumière l’absence de régulation globale protégeant les enfants et les mères porteuses. Il y a deux ans, l’AFP parlait déjà d’un « business opaque est en plein essor en Ukraine », lorsque des dizaines de bébés nés de mères porteuses ne pouvaient être récupérés à cause de la fermeture des frontières avec le Covid-19.

Le Visegrad Post cité par le Courrier des Stratèges explique le fonctionnement de la société ukrainienne BioTexCom, « première agence de GPA en Europe », en réalité une société de vente de bébés parmi d’autres : « Premier prestataire de GPA du pays, la société BioTexCom fait ouvertement la promotion de ses services et produits en France, comme sur le site mereporteuse.info, et les clients français peuvent sans obstacle faire retranscrire les certificats de naissance de leurs enfants nés d’une mère porteuse par l’ambassade de France à Kiev. Le coût de la procédure en Ukraine varie de 40 000 à 65 000 euros et est nettement moins élevé que le prix d’une GPA réalisée aux États-Unis qui varie entre 130 000 et 160 000 dollars, mais où la procédure est en revanche ouverte aux couples homosexuels et aux personnes non mariées. Une mère porteuse en Ukraine ne touche que 13 000 euros dont une grosse partie est payée après la remise de l’enfant entre les mains des acheteurs. »

Beaucoup d’argent en jeu, le commerce d’enfants par GPA est donc très rentable. Comment accepter en France, pays des droits de l’homme et de l’éthique, de fermer les yeux sur ce commerce d’enfants mal encadré, ne respectant pas la loi française et pouvant donner lieu des pratiques de trafic humain ?

« Dans ce secteur peu encadré, les dérives sont nombreuses »

Selon Aude Mirkovic, porte-parole de l’association «Juristes pour l’enfance» interviewée par CNews, « en France, la gestation pour autrui est interdite par le Code civil, en Ukraine, elle est légale. En revanche, une fois importés sur le territoire français, les faits tombent sous le coup de la loi pénale. »

Bien qu’interdite en France, la gestation pour autrui est pratiquée chaque année par des centaines de Français à l’étranger. En France, elle est interdite par une loi de 1994 relative au respect du corps humain.

D’après le journal La Croix, les couples passant des contrats de GPA à l’étranger se rendent coupables d’un « délit d’incitation à abandon d’enfant ». Jouer le rôle d’intermédiaire, dans un but lucratif et une femme « acceptant de porter en elle cet enfant » est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende selon la loi française. Et, selon Le Parisien, « dans ce secteur peu encadré, les dérives sont nombreuses ».

Une macro-industrie transnationale

Selon The Conversation, « l’invasion russe a mis en exergue les pratiques transfrontalières liées à la GPA et la vulnérabilité du groupe le plus exposé : les mères porteuses et les nouveau-nés ». Selon l’auteur, l’absence de réglementation internationale peut conduire à des situations proches de l’esclavage dans des contextes de guerre et de catastrophe.

Comment fonctionne cette industrie transnationale ? Selon The Conversation, « au départ, la technique de la procréation assistée a été présentée comme une manière de remédier aux problèmes d’infertilité. Mais aujourd’hui, sa pratique a connu une croissance exponentielle et s’est transformée en une macro-industrie transnationale. Le développement de centres spécialisés dans différents pays a accru le tourisme reproductif ou soins reproductifs transfrontaliers. On entend par tourisme reproductif la pratique consistant pour des personnes aspirant à devenir parents à se rendre hors de leur pays d’origine afin d’économiser sur les frais de santé ou d’accéder à un service illégal ou non-disponible dans leur pays d’origine. »

Absence d’encadrement en France de la commercialisation du corps humain à l’étranger

En février 2022, l’Assemblée nationale avait rejeté un texte à l’Assemblée visant à mieux encadrer la commercialisation du corps humain dans le cadre des trafics d’organes humains. Le texte de la députée Frédérique Dumas visait à instaurer un mécanisme général renforçant la vigilance des établissements de santé français face aux trafics d’organes et au « tourisme de transplantation », un domaine qui, comme le commerce d’enfants, est très lucratif.

La proposition de loi rejetée exigeait des établissements de santé et de recherche médicale français qu’ils vérifient que leurs partenaires extra-européens respectent bien les règles éthiques valables en France. Si les articles de la proposition de loi visent les pratiques illicites dans l’ensemble des pays hors Europe, c’était Pékin qui était quasi exclusivement visé. Un choix « assumé » pour Mme Dumas, car si dans la plupart des pays, les organes d’origine douteuse proviennent de trafics illégaux, en Chine ces pratiques sont selon elle « directement organisées par l’État ».

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