Au lendemain de son triomphe à Brest dans l’Ultim Challenge, première course autour du monde en solitaire en multicoque, le navigateur Charles Caudrelier s’est confié mercredi à l’AFP sur son retour à terre, sur les raisons de sa victoire et sur les suites de sa carrière.
Question: « Comment se sent-on au lendemain d’une telle victoire ? »
Réponse : « Cela tangue encore un peu à vrai dire. En arrivant j’ai mesuré ma tension avec un médecin : elle était bien plus basse que d’habitude ce qui montre que mon corps a subi une belle épreuve. J’ai des petits vertiges quand je ferme les yeux, l’impression d’être encore en mouvement sur des vagues. C’est un peu normal quand tu as passé 50 jours en mer, mais on s’y habitue et on redevient terrien rapidement. Je suis surtout content d’avoir pu manger normalement hier. J’avais pris environ 45 jours de nourriture. Il m’en restait un peu, mais j’étais devenu limite en choses sympas à bouffer. Au début je me faisais des festins et à la fin j’avais même plus d’huile d’olive ou de fromage pour mes pâtes… »
Question: « L’arrivée a été très solennelle avec ce beau lever de soleil jusqu’à Brest et les retrouvailles avec votre famille. Comment avez-vous vécu ce retour à terre ? »
Réponse: « Je ne réalise pas vraiment. Je regardais le bateau au ponton ce matin et je me suis dit que c’était passé extrêmement vite, comme si j’étais parti il y a seulement quelques jours. Je ne me rends pas compte qu’il s’est passé deux mois. J’étais tellement connecté à la performance. Tu perds vite la notion du temps autour du monde : nos machines restent en temps universel (équivalent GMT) mais on tourne autour de la planète donc parfois il fait nuit à 14 heures et jour à 3 heures du matin. Après, revoir mes enfants hier, qui m’avaient beaucoup manqués, m’a ramené un peu à mon état de terrien. Je suis quelqu’un de très pudique donc je n’ai pas versé des larmes devant tout le monde, mais cette arrivée restera gravée dans ma mémoire ».
Question: « Vous avez rapidement échangé avec Tom Laperche (SVR Lazartigue), venu vous féliciter. Vous avez mené un duel haletant avant sa collision puis son abandon. Qu’est-ce que vous lui avez dit ? »
Réponse: « C’est quelqu’un que j’aime beaucoup. Il a 26 ans et il est bourré de talent. Je pense que c’était pas forcément facile pour lui car d’une certaine façon il voyait la course qu’il n’a pas pu faire, donc c’était vraiment sympa et courageux de sa part de venir. Il a forcément des regrets. Je lui ai dit qu’il allait en refaire des tours du monde et aussi qu’il allait en gagner ».
Question: « A tête reposée, a quoi attribuez-vous votre victoire ? »
Réponse : « Principalement à la préparation et la maturité de notre équipe. On a gagné car on a moins cassé que les autres. Et c’est justement parce qu’on avait déjà endommagé un paquet de pièces dans les courses précédentes. Je pense aussi que le fait que c’était une nouvelle course, quelque chose qui n’avait jamais été fait avant, cela m’a énormément motivé. Je ne voulais rien lâcher. Et enfin il y a sûrement un peu de réussite, cela fait partie de notre sport.
Question: « Vous avez gagné toutes les grandes courses en multicoques ces dernières années. Quels sont vos prochains projets ? »
Réponse: « Mon créneau, c’est la performance et ma motivation c’est de jouer la victoire. Mais ce sont des objectifs que je peux aussi accomplir au sein d’une équipe et pas forcément comme skipper. Bien sûr, pour l’instant je garde la barre du navire, j’aimerais notamment défendre mon titre sur la Route du Rhum. Mais je suis très investi dans la conception du nouvel Ultim de chez Gitana. Notre bateau actuel a été une révolution avec ses foils et on souhaite vraiment que le prochain soit à la hauteur, donc je vais lui donner tout ce que j’ai. Mais avant de se remettre au travail, on va s’accorder un peu de vacances avec les enfants ».
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