Un « acte politique fort » : la dissolution, une surprise même dans le camp d’Emmanuel Macron averti au dernier moment

Par Epoch Times avec AFP
10 juin 2024 16:30 Mis à jour: 10 juin 2024 16:42

« Ça a pris tout le monde de court » : la dissolution de l’Assemblée nationale s’est décidée en tout petit comité autour d’Emmanuel Macron, persuadé que les élections européennes ont été un « défouloir » et qu’il garde les cartes en main en vue des législatives.

Le chef de l’État avait clairement dit qu’il n’entendait pas tirer d’enseignements nationaux d’un scrutin européen. Dimanche soir, coup de théâtre : c’est tout l’inverse qu’il fait, en convoquant les électeurs les 30 juin et 7 juillet pour choisir de nouveaux députés.

Comme souvent, « le président ne croyait pas aux sondages » qui prédisaient un échec cinglant à son camp dimanche, raconte un proche. Il pensait que la liste de Valérie Hayer pourrait faire mieux que prévu et que celle du Rassemblement national était surcotée.

Dans ce scénario, il aurait pu attendre les Jeux olympiques, jauger la situation politique à l’automne. Son entourage invoquait même des précédents : Jacques Chirac et François Hollande avaient eux aussi enjambé des défaites aux européennes.

Ne pas faire « comme s’il ne s’était rien passé »

Mais au cours du week-end, changement de ton. L’Élysée n’exclut plus un « acte politique fort » en cas de débâcle. Une poignée d’hommes travaillent en fait depuis plusieurs semaines, dans la plus grande discrétion, à des options alternatives : Stéphane Séjourné, le ministre des Affaires étrangères toujours secrétaire général du parti présidentiel, et quelques conseillers.

La piste d’un changement de gouvernement est explorée, comme celle d’un référendum, mais la possibilité d’une dissolution prend corps.

« C’est quelque chose que Macron a mûri pendant le week-end », selon un ministre, « jusqu’à se dire qu’il n’y avait que ça à faire » au vu des résultats – près de 40% pour la droite nationaliste dont 31,37% à Jordan Bardella, contre 14,60% pour la liste présidentielle.

Emmanuel Macron se résout à ne pas faire « comme s’il ne s’était rien passé », abonde un visiteur régulier du palais. Mais il pensait « qu’un remaniement n’aurait pas été un signal suffisant et qu’un référendum aurait paru à côté de la plaque ». La dissolution donc.

Un homme-clé n’est prévenu qu’à la dernière minute dimanche : Gabriel Attal. Dans l’après-midi encore, il est prévu que le Premier ministre s’exprime dans la soirée pour tirer les leçons du scrutin. Un micro est même sorti dans la cour de Matignon…avant d’être rangé.

Le chef du gouvernement apprend le choix du président, qui le rassure en affirmant compter sur lui pour la campagne. « Attal n’était pas très allant » pour la dissolution, euphémise un ministre.

À 19h15, Emmanuel Macron réunit des ténors de son camp et met son idée sur la table. Stupeur. Même ceux qui n’excluaient pas des législatives anticipées voyaient plutôt le président dégainer à l’automne.

« Il y avait un autre chemin », celui « d’une coalition »

La présidente de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, demande un aparté au chef de l’État pour lui dire tout le mal qu’elle pense d’une dissolution. Elle le clamera publiquement lundi matin, dépitée : « Il y avait un autre chemin », celui « d’une coalition ».

D’autres donnent raison au chef. « Quand il y a un tel choc, plutôt que de laisser les choses s’enliser et le RN prospérer, le choix du président a été de reprendre la main », applaudit le patron des sénateurs macronistes François Patriat. Pour un membre du gouvernement aussi, « on est sous la menace permanente d’une motion de censure, du blocage du pays, à un moment il fallait trancher ».

Dans la Macronie, en fait, deux visions s’opposent depuis la perte de la majorité absolue aux législatives de 2022.

L’Élysée et ses plus fidèles estiment qu’Emmanuel Macron a bien tendu la main aux oppositions modérées, et que socialistes et républicains l’ont rejetée. Mais certains, de plus en plus nombreux, estiment que le chef de l’État n’a pas vraiment donné toutes ses chances à de vraies négociations, notamment avec la droite. Yaël Braun-Pivet et l’ex-Premier ministre Édouard Philippe sont de ceux-là.

Le triple pari du président

Avec le retour aux urnes, le pari d’Emmanuel Macron est triple.

D’abord, obtenir un sursaut. Les législatives, ce n’est « plus une élection prétexte à de la sanction », comme les européennes, mais une élection « qui aura des conséquences réelles », explique un dirigeant de la majorité relative. Il s’agit de « décider de la ligne économique, politique, géopolitique » de la France, insiste Stéphane Séjourné.

Dans ce contexte, le vote RN devrait logiquement baisser et celui du « bloc central » remonter, veut croire le président, qui a fait de sa « confiance dans le peuple » son leitmotiv de ce début de campagne éclair. Il est prêt à prendre « le risque » d’un nouveau « référendum anti-Macron », selon un proche.

Ensuite, miser sur les divisions de la gauche, qui peuvent permettre au camp présidentiel de sauver les meubles même en cas de montée de la droite nationaliste.

Enfin, en cas de situation ingouvernable à l’issue du scrutin, pousser le « champ républicain » à s’unir, même si rien n’indique que le PS ou LR y soient disposés.

Avec quel message de campagne de la part d’un chef de l’État venu de la gauche sociale-libérale, élu au centre en 2017, mais qui a glissé de plus en plus vers la droite ? Il doit prendre la parole cette semaine, avant de partir au G7 en Italie jeudi.

Et qui pour mener ses candidats? Emmanuel Macron « s’impliquera », assure son entourage. Gabriel Attal, lui, ne s’est toujours pas exprimé.

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