Un ancien fonctionnaire de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Dr David Bell, est inquiet par la révision du Règlement sanitaire international (RSI) de 2005 de l’ONU, ce qu’on appelle plus communément le traité sur la pandémie. Selon le Dr Bell, si le traité est ratifié, tout le pouvoir reviendra à un petit groupe de fonctionnaires de l’OMS, ce qui privera de facto les pays du monde entier de leur souveraineté.
« Il y a beaucoup de manières d’altérer la souveraineté d’un pays, si elles ne le font pas directement, c’est cependant ce qui se passe dans les faits. Le peuple d’un tel pays n’a plus aucun pouvoir de décision », explique le Dr Bell dans l’émission American Thought Leaders d’EpochTV.
David Bell est l’ancien chef de programme de l’OMS contre le paludisme et les maladies fébriles en tant que membre de la Fondation pour l’innovation en matière de nouveaux diagnostics (FIND) à Genève, il est également le directeur de Global Health Technologies au Global Good Fund d’Intellectual Ventures. Par ailleurs, il fait désormais partie du Pandemics Data & Analytics (PANDA), un groupe qui analyse la réponse du monde au Covid‑19.
Les amendements apportés au RSI ont été examinés lors de la rédaction du projet initial (pdf) du traité mondial sur la pandémie par l’Assemblée mondiale de la santé du 22 au 26 mai. Le projet final devra être adopté par 50% des pays membres l’année prochaine, puis le traité devra être ratifié par les gouvernements des deux tiers des pays membres de l’OMS.
Le représentant Chris Smith (Parti républicain‑New Jersey), membre principal de la sous‑commission de la Chambre des représentants chargée de la santé mondiale, a souligné que les modifications possibles du RSI, en particulier celles souhaitées par l’administration Biden, porteront atteinte à la souveraineté des États‑Unis.
« La proposition absurde de l’administration Biden qui consiste à abandonner la souveraineté des États‑Unis à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) corrompue est une violation flagrante du principe constitutionnel qui conduira à moins de responsabilité et à plus de comportements répréhensibles de la part de cette agence onusienne problématique », a déclaré M. Smith dans un communiqué de presse.
L’administration Biden fait pression pour que des amendements donnent au directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, un pouvoir de décision unilatéral lui permettant de déclarer une urgence de santé publique dans n’importe quel pays en fonction des preuves choisies par lui.
Parmi les amendements proposés par les États‑Unis, l’un d’entre eux abroge une exigence existante de la section 9 selon laquelle l’OMS doit « consulter et chercher à obtenir des vérifications » auprès des responsables d’un pays dans lequel une crise sanitaire est suspectée avant de faire toute déclaration publique.
Lors de la première journée de la 75e session plénière de l’Assemblée mondiale de la santé, le 22 mai, M. Ghebreyesus a qualifié le traité envisagé d’élément important de « l’architecture mondiale pour la préparation aux urgences sanitaires ».
« L’accord international, que les États membres sont en train de négocier, fournira un cadre juridique général indispensable dans lequel nous formulons dix recommandations dans trois domaines clés. Premièrement, nous avons besoin d’une gouvernance cohérente, inclusive et responsable. Deuxièmement, nous avons besoin de systèmes et d’outils plus solides pour prévenir, détecter et répondre rapidement aux urgences sanitaires. Et troisièmement, nous avons besoin d’un financement adéquat et efficace au niveau national et international. »
Selon David Bell, le pouvoir que le traité confère au directeur général (DG) et aux directeurs régionaux portera atteinte à la souveraineté des nations, car ces fonctionnaires de l’OMS pourront imposer leur diktat aux institutions nationales.
« Les implications pour les activités commerciales et économiques sont énormes. Nous donnons le pouvoir à une personne et à un comité d’urgence que le DG consulte. Le DG a été mis en place en vertu des amendements du RSI, mais il n’est pas obligé de suivre les conclusions présentées par ce comité. Il peut passer outre ce comité et continuer à déclarer une urgence de santé publique s’il le juge nécessaire. »
Par ailleurs, le Dr Bell s’inquiète du fait que des sociétés privées verseraient des milliards de dollars à l’OMS et aux initiatives de lutte contre la pandémie. Les donateurs du secteur privé pourraient influencer le DG ou les directeurs régionaux. Selon lui, ces donateurs pourraient avoir une influence sur « les questions qui ont un impact énorme sur la santé et la liberté des personnes et des populations ».
Non seulement le traité donne trop de pouvoir au DG mais il pourrait avantager certains pays, poursuit le Dr Bell.
L’OMS « est bien sûr en train de promouvoir une toute nouvelle façon de gérer la santé et de gérer les prises de décisions en matière de santé, notamment en cas d’épidémies, et ce, clairement à l’avantage des donateurs de l’OMS. Et tout ceci, à cause du tort que cela représente pour les économies et la démocratie, représente un avantage potentiel pour certains pays membres de l’OMS », explique le Dr Bell. « Ce serait vraiment très étonnant que ces pays ne mettent pas à profit cet avantage pour faire passer leurs intérêts stratégiques avant ceux des pays rivaux. »
Le changement de cap dans le financement est apparu clairement en mars 2020, quand les politiques orthodoxes de santé publique ont été abandonnées face au Covid et des mesures de confinement ont été mises en place malgré des coûts exorbitants. Jusque‑là les mesures proposées par l’OMS prenaient en compte le rapport coûts‑bénéfices, en incluant les coûts en termes de santé mentale de la population, en termes de santé de la société globale. Selon le Dr Bell, les mesures de confinement adoptées face au Covid ont causé plus de mal que de bien.
Le confinement n’a jamais été considéré comme une mesure normale en matière de santé publique. C’est une mesure extrême car elle entraîne de nombreuses conséquences et les coûts sont élevés pour la population.
David Bell est surtout inquiet par la mise en place, dans le cadre du traité sur les pandémies, d’un mécanisme d’examen périodique permettant de vérifier si les pays se conforment aux recommandations formulées par le RSI.
« L’OMS, semble‑t‑il, cherche à avoir certains pouvoirs en matière de censure et de contrôle de l’information, ce qui, encore une fois, va rendre tout cela extrêmement compliqué si on se retrouve avec une bureaucratie dont l’existence dépend des pandémies, parce qu’ils auront tout intérêt à trouver des épidémies, à déclarer qu’il s’agit de pandémies potentielles et à y répondre. C’est ainsi qu’ils pourront exister. »
Les pandémies sont rares et « à l’exception de l’ère pré‑antibiotique, le taux de mortalité est très faible », poursuit le Dr Bell.
David Bell pense que le traité « fera du confinement, globalement, la mesure définitive pour lutter contre les pandémies ».
En raison des récents confinements, « au moins 140 millions d’individus ont rejoint le statut de personnes vivant au bord de la famine », l’accès aux soins médicaux a été mis à mal, la chaîne d’approvisionnement connait une crise sans précédent, de même que l’éducation ou l’économie de nombreux pays. Selon le Dr Bell, si les confinements sont réinstaurés, ils ne feront qu’aggraver ces problèmes.
Il serait également anormal que l’OMS mette en place une structure bureaucratique qui usurpe le pouvoir des États en matière d’ « urgences sanitaires », alors que les pandémies restent extrêmement rares, poursuit le Dr Bell.
Si le traité sur les pandémies est approuvé par l’Assemblée mondiale de la santé, « nous nous retrouvons face à une bureaucratie dont l’existence dépendra des activités de surveillance menées pour tenter de trouver des foyers de virus, des modélisations qui pourraient suggérer… une croissance exponentielle, ce qui n’est pas vraiment plausible sur le plan biologique. Ces données seront ensuite utilisées pour déclencher des pandémies, fermer des frontières, faire ce genre de choses », affirme le Dr Bell.
La réponse à l’épidémie de Covid était inhabituelle et contraire à ce qui est le mieux pour la santé publique car elle s’est concentrée sur des produits pharmaceutiques, estime le Dr Bell. Selon lui, l’augmentation des fonds provenant de donateurs privés et de Big Pharma donnera lieu à des réponses similaires aux futures « urgences sanitaires » déclarées par le DG.
« Donc, si on voit ça d’un point de vue commercial… C’est une stratégie commerciale très sensée. On reste focalisé sur le fait de vendre un produit pour une maladie qui touche tout le monde. »
Ce sont ces intérêts privés énormes qui ont transformé l’OMS et ses politiques de santé publique, poursuit le Dr Bell.
Selon lui, les amendements du RSI évoquent une « menace » pandémique qui peut être totalement récupérée par le secteur privé, chargé de recueillir les chiffres et de développer des solutions.
« Il est important de noter que [la définition d’une pandémie]… ne tient pas compte du degré de gravité. Il s’agit d’une définition très vague, qui n’est pas établie en termes clairs par l’OMS. Il s’agit essentiellement de la propagation à grande échelle d’un agent pathogène, d’un virus ou d’une bactérie. La maladie ne doit pas nécessairement tuer des gens. Il n’est pas important qu’elle soit grave. Il faut simplement qu’elle se répande. »
Les mêmes investisseurs privés qui financent les projets de l’OMS subventionnent les formations dispensées dans les lycées et les universités d’Amérique du Nord ou d’Europe, précise le Dr Bell.
« Il s’agit de former les personnes qui travaillent dans ces organisations. Ils financent la recherche sur un grand nombre de maladies… et financent des groupes pour modéliser les pandémie », comme ceux de l’Imperial College de Londres et de l’Institute for Health Metrics and Evaluation de l’université de Washington, aux États‑Unis.
« Mais, en définitive, cela revient à ce qu’une personne ou un très petit groupe d’individus soit extrêmement influent. »
David Bell invite les lecteurs à s’engager, les gens à s’organiser, contacter leurs représentants, poser des questions sur le système de santé publique, sa structure, ses orientations, les conflits d’intérêts. Il faut que les pays puissent prendre des décisions rationnelles « fondées sur les besoins de la population et non sur le profit ».
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