Le procès du kidnapping médical s’ouvre aux États-Unis grâce au film de Netflix « Prenez soin de Maya »

Un hôpital américain est accusé d'avoir participé à l'enlèvement médical d'une jeune fille de 10 ans souffrant d'une maladie rare

Par Darlene McCormick Sanchez
16 septembre 2023 03:44 Mis à jour: 16 septembre 2023 13:54

Une affaire de « kidnapping médical » va connaître un procès retentissant en Floride, la sélection des jurés ayant débuté cette semaine. Dans l’affaire rendue célèbre par Netflix des parents ont perdu la garde de leur fille, alors âgée de 10 ans, suite à son hospitalisation.

Le film « Take Care of Maya » (Prenez soin de Maya, Netflix) raconte l’histoire de Maya Kowalski et de ses parents, Jack et Beata Kowalski, confrontés à la maladie rare de Maya, le syndrome douloureux régional complexe (SDRC).

L’histoire se termine par le suicide de Mme Kowalski en janvier 2017, peu de temps après que l’État ait obtenu la garde de la jeune fille et accusé la mère de souffrir du syndrome de Münchhausen par procuration, un trouble mental rare dans lequel les personnes qui s’occupent des enfants cherchent à attirer l’attention sur eux-même en inventant des maladies chez les personnes dont ils s’occupent.

L’histoire des Kowalski est un véritable cauchemar en matière de droits parentaux, qui devient de plus en plus fréquente, de plus en plus de médecins se spécialisant dans la pédiatrie de la maltraitance des enfants.

Lorsque des enfants souffrant de pathologies inhabituelles ou rares se retrouvent aux urgences ou à l’hôpital, leur cas peut déclencher un examen par l’un des spécialistes de l’enfance employés par les hôpitaux, et ainsi amener à des conséquences désastreuses, selon les experts.

« En tant que parents, nous avons essayé de faire de notre mieux pour nos enfants », déclare M. Kowalski dans le documentaire de Netflix. « Rien n’aurait pu me préparer à ce que j’ai vécu, rien ».

Après la mort de Mme Kowalski, les Kowalski ont poursuivi l’hôpital Johns Hopkins All Children’s Hospital de St. Petersburg, en Floride, ainsi que l’assistante sociale de l’hôpital, Catherine Bedy. Ils ont également conclu un accord à l’amiable avec le Suncoast Center et son employée, le Dr Sally Smith.

Le procès accuse l’hôpital d’avoir « emprisonné » la jeune fille et enfreint les droits constitutionnels des parents à prendre des décisions médicales pour leur enfant, une accusation démentie par Johns Hopkins.

La sélection du jury dans l’affaire contre l’hôpital Johns Hopkins All Children’s et Mme Bedy a débuté le 14 septembre à Venice, en Floride.

Mme Bedy est accusée d’avoir donné des claques sur les jambes de Maya, de l’avoir assise sur ses genoux, d’avoir caressé sa main et de l’avoir embrassée contre son gré. Maya a trouvé ce contact « déplaisant », selon le procès, qui accuse Mme Bedy d’avoir tenté de se substituer à la mère de Maya.

Le cauchemar de tout parent

Le docteur Eli Newberger, qui a créé le programme de protection de l’enfance au Boston Children’s Hospital en 1970, est un expert dans l’identification du syndrome de Münchhausen par procuration. Il a été consulté dans plus de 200 cas et est devenu consultant dans le domaine des diagnostics erronés de la maltraitance des enfants.

Le nombre de cas de maltraitance médicale des enfants semble avoir augmenté de manière significative à mesure que de plus en plus de médecins se sont spécialisés dans la pédiatrie de la maltraitance des enfants, a déclaré le Dr Newberger à Epoch Times.

Selon lui, il existe une faille dans le diagnostic de la maltraitance médicale des enfants, car il est nécessaire que de nouveaux cas soient régulièrement identifiés pour que le financement des programmes soit maintenu.

Beata Kowalski, (L) enjoys an outing with and her children, Kyle (C) and Maya (R). (Courtesy of attorney Nick Whitney)
Beata Kowalski, (G) en sortie avec ses enfants, Kyle (C) et Maya (D). (Avec l’aimable autorisation de l’avocat Nick Whitney)

Les médecins spécialisés dans la maltraitance pédiatrique reçoivent très souvent tout ou partie de leur salaire des agences de protection de l’enfance ou des procureurs, explique le Dr Newberger.

Les agences de protection de l’enfance ont tendance à accepter les recommandations des médecins alors même qu’ils ne disposent pas toujours d’un accès indépendant aux rapports médicaux en question, avance-t-il.

Il reçoit chaque semaine de nouveaux appels de personnes en détresse. À l’heure actuelle, son calendrier de consultations est complet jusqu’en 2024.

« Le fait est que ces affaires m’empêchent de dormir », confie-t-il. « On lit des articles à ce sujet, et on voit ce film, et c’est très, très dérangeant ».

Malheureusement, les spécialistes du domaine ont tendance à se soutenir les uns les autres. Les hôpitaux, les médecins et les agents des services de protection de l’enfance font bloc lorsqu’ils sont accusés.

Pris au piège du système

Les parents doivent comprendre qu’ils ne pourront peut-être pas sortir de l’hôpital avec leur enfant s’ils ne sont pas d’accord avec les médecins, dit-il.

Il cite à cet égard les recherches menées par Maxine Eichner, une experte juridique en la matière.

Dans ses recherches, elle s’interroge sur la hausse de ces accusations de maltraitance médicale, certains parents étant accusés de rechercher pour leurs enfants des soins médicaux que les médecins jugent inutile.

« Même si le traitement qui leur est reproché d’avoir sollicité a été validé par d’autre médecins, les parents ne sont pas à l’abri de telles accusations », peut-on lire dans un de ses articles.

Maya Kowalski received ketamine treatments after being diagnosed with Complex Regional Pain Syndrome. (Courtesy of attorney Nick Whitney)
Maya Kowalski a reçu des traitements à la kétamine après avoir été diagnostiquée comme souffrant du syndrome douloureux régional complexe. (Avec l’aimable autorisation de l’avocat Nick Whitney)

Aux États-Unis, la médiatisation de « Take Care of Maya » a déclenché une tempête de « plusieurs centaines » de plaintes de parents qui affirment avoir été accusés à tort de maltraitance médicale, selon Nick Whitney, un avocat du cabinet Anderson Glenn de Jacksonville, en Floride, qui représente les Kowalski.

« Nous avons dû mettre en place un système d’admission spécifique pour répertorier ces cas. Mais nous n’avons pas les effectifs nécessaires pour traiter toutes ces situations », dit M. Whitney.

Le plus effrayant est qu’un certain nombre de parents américains sont en prison – certains depuis 20 ans – à la suite d’accusations émanant de médecins spécialisés dans la maltraitance médicale des enfants, selon lui.

Kidnapping médical

Il ajoute que les hôpitaux peuvent se servir de la loi pour garder un enfant à l’hôpital, ce qui, selon lui, équivaut à un enlèvement pour raisons médicales.

Le Dr Smith, qui a été chargée de l’enquête, a contacté les spécialistes de Maya Kowalski qui ont confirmé le diagnostic de CRPS de la jeune fille et ont rejeté l’hypothèse d’une maltraitance infantile, selon M. Whitney.

Pourtant ces entretiens qui figuraient dans les notes du Dr. Smith, n’ont « jamais été portée à l’attention du tribunal », selon M. Whitney.

Le bureau du Dr. Smith n’a pas accepté de répondre à nos questions.

Dans une déclaration à Epoch Times, l’hôpital Johns Hopkins a indiqué que les lois sur la protection de la vie privée limitaient sa capacité à répondre, mais que sa priorité était « toujours la sécurité et la vie privée de ses patients et de leurs familles ».

« Notre première responsabilité est toujours envers l’enfant qui nous est confié. Notre personnel est tenu par la loi d’avertir [les autorités compétentes] s’il soupçonne des cas de maltraitance ou de négligence. Ce sont elles, ainsi que le juge, et non l’hôpital Johns Hopkins, qui enquêtent sur la situation et prennent la décision finale quant à la ligne de conduite à adopter dans l’intérêt supérieur de l’enfant », selon leur déclaration.

Lab workers are seen in the Ludwig Center for Cancer Genetics and Therapeutics, at Johns Hopkins Hospital, on June 21, 2018 in Baltimore, Maryland. (IVAN COURONNE/AFP/Getty Images)
Des employés de laboratoire dans le Centre Ludwig pour la génétique et la thérapeutique du cancer, à l’hôpital Johns Hopkins, le 21 juin 2018 à Baltimore, dans le Maryland. (IVAN COURONNE/AFP/Getty Images)

Les recherches de Mme Eichner indiquent que les responsables de la protection de l’enfance soutiennent généralement les médecins qui accusent les parents d’avoir commis des actes répréhensibles. Parfois, les parents font même l’objet de poursuites pénales pour ce qu’ils considèrent comme un « surtraitement ». D’après ses recherches, les juges ont tendance à considérer ces accusations comme des allégations crédibles de maltraitance des enfants.

Il y a « de nombreux parents aimants qui prennent les meilleures décisions possibles pour leurs enfants réellement malades » et qui se sont retrouvés accusés, ecrit-elle.

Le recours au domaine médical plutôt qu’au système juridique pour déterminer un cas de maltraitance d’enfant fait fi de certaines exigences légales et, en fin de compte, porte atteinte aux droits constitutionnels des parents de prendre des décisions médicales pour leurs enfants, selon l’auteure.

L’affaire Kowalski

Tout a commencé lorsque Maya, 9 ans, a été admise à Johns Hopkins en juillet 2015 pour une crise d’asthme, où elle a commencé à montrer des douleurs sévères et des faiblesses physiques, selon le procès.

Ses douleurs ne se sont pas atténuées une fois son séjour à l’hôpital terminé. La jeune fille a finalement été orientée vers le Dr Anthony Kirkpatrick, un expert de premier plan dans le traitement du CRPS. C’est lui qui a été le premier à diagnostiquer la maladie à l’automne 2015.

Le CRPS est mal connu. Il semblerait qu’il s’agisse d’une maladie neurologique chronique déclenchant des douleurs intenses dans tout le corps en raison de l’endommagement ou du mauvais fonctionnement des fibres nerveuses . Ceux-ci transmettent les messages de douleur au cerveau qui déclenche une inflammation.

The Kowalski family's case alleging medical kidnapping was featured in a Netflix documentary in June, 2023. (Courtesy of attorney Nick Whitney)
L’affaire de la famille Kowalski, qui dénonce un enlèvement médical, a fait l’objet d’un documentaire de Netflix en juin 2023. (Avec l’aimable autorisation de l’avocat Nick Whitney)

Les Kawolski ont par la suite emmené leur fille au Mexique pour qu’elle y reçoive des perfusions de kétamine sur les conseils de spécialistes du SDRC. Par la suite, la jeune fille a continué à ce traitement.

En octobre 2016, elle a été admise aux urgences de Johns Hopkins pour de graves maux d’estomac sur les conseils du Dr Ashraf Hanna, un neurologue qui traitait la jeune fille pour son CRPS à l’époque.

Les médecins de l’hôpital ont alors proposés des traitements considérés comme douloureux pour un patient atteint de CRPS, y compris des scanners.

L’État devient le parent

C’est lorsque Mme Kowalski a insisté pour que les médecins administrent à sa fille de la kétamine que le personnel de l’hôpital a tiré la sonnette d’alarme et a contacté les services de protection de l’enfance.

Le procès indique que les médecins de l’hôpital Johns Hopkins ont été « choqués par les instructions » données par la mère, elle-même infirmière diplômée, et le père, un pompier à la retraite.

Les médecins de l’hôpital ont confirmé le diagnostic de CRPS du docteur de la jeune fille mais n’étaient pas d’accord avec ses recommandations, selon l’action en justice.

L’enquêteur du ministère de l’enfance et de la famille a appelé le médecin en question qui a confirmé que la demande de Mme Kowalski d’augmenter la dose de kétamine était nécessaire et recommandée. L’affaire a été classée le jour même où la plainte a été déposée, selon l’action en justice.

Glass capsules containing Ketamine are seen in in this file photo. A New York doctor is successfully using the drug to treat patients with chronic pain. (Nicolas Asfouri)/AFP/Getty Images)
Des capsules de verre contenant de la kétamine sont visibles sur cette photo d’archives. Un médecin new-yorkais utilise avec succès ce médicament pour traiter des patients souffrant de douleurs chroniques. (Nicolas Asfouri)/AFP/Getty Images)

Mais les parents se sont sentis mal à l’aise avec les soins prodigués à leur fille et ont fait savoir à l’hôpital qu’ils souhaitaient la faire sortir pour qu’elle puisse être traitée dans un endroit plus en rapport avec son état de santé, selon le procès.

Au lieu de cela, l’hôpital a contacté son équipe de sécurité et de gestion des risques, qui aurait décidé que la sortie de Maya irait à l’encontre de l’avis médical.

L’hôpital a de nouveau fait état d’ « allégations exagérées et non fondées » de la part de la mère, et a même émis l’hypothèse que celle-ci avait un « problème mental », selon l’action en justice.

Maya a été placée sous protection judiciaire par un tribunal qui a ordonné que la fille reste « à l’abri » à Johns Hopkins.

Social Welfare Department recorded over 1,400 new registered child abuse cases in 2022, marking a consecutive two-year increase. Profile picture. (Adrian Yu/The Epoch Times)
Le département de la protection sociale a enregistré plus de 1400 nouveaux cas de maltraitance d’enfants en 2022, soit une augmentation consécutive sur deux ans. Photo de profil. (Adrian Yu/Epoch Times)

Mme Kawolski s’est évanouie lorsqu’elle a appris que sa fille allait être retirée de sa famille et qu’elle-même était accusée de Munchausen par procuration, selon le procès.

Selon le procès, bien que les parents aient demandé à plusieurs reprises au tribunal que leur fille leur soit rendue, l’hôpital et le médecin ont « sciemment » porté de fausses accusations et sont soupçonnés d’avoir « conspiré » pour que Maya reste à l’hôpital.

Envoyer un message

M. Whitney pense que la victoire des Kowalski attirera l’attention sur un problème qui pourrait toucher certains parents trop confiants.

Le tribunal a déjà déterminé que les allégations étaient suffisamment troublantes pour que les Kowalski aient le droit de réclamer des dommages-intérêts compensatoires.

« Nous espérons que le jury rendra une décision punitive à l’égard de Johns Hopkins. C’est le mieux que nous puissions faire pour que la nouvelle se répande et que les hôpitaux n’agissent plus de la sorte », a déclaré le tribunal.

Maya a maintenant 17 ans et vit avec son père et son frère en Floride. Elle est sortie de l’hôpital après le suicide de sa mère.

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