La semaine dernière le musée d’art et d’histoire du judaïsme (Mahj) a accueilli l’auteur israélien David Grossman. La soirée a été organisée en collaboration avec les éditions du Seuil suite à la parution en français de son dernier livre Un cheval entre dans un bar.
David Grossman né à Jérusalem en 1954 est un romancier réputé, dont les livres furent traduits dans le monde entier. En 2010 il a reçu le prix de la Paix des libraires allemands. Il est également officier de l’ordre des Arts et des lettres.
Son livre Une femme fuyant l’annonce, un livre prémonitoire puisqu’il perdra son fils dans les mêmes conditions que l’héroïne de son roman peu de temps après l’avoir écrit – a obtenu le prix Médicis étranger et Meilleur livre de l’année 2011 du magazine Lire.
Se reconnaître dans l’autre
En France, l’auteur israélien est connu depuis qu’il a publié son recueil de reportages Le Vent jaune (1988) sur la souffrance des Palestiniens. Grossman est perçu dans le monde entier comme l’autorité morale de l’État d’Israël, le porte-parole de la paix, la voix de la raison, de l’entente entre juifs et arabes.
David Grossman, lui-même, a perdu son fils il y a 7 ans à la guerre du Liban, ce qui ne l’empêche pas de continuer sa lutte pour la paix.
Grossman est connu comme celui qui a la capacité de se reconnaître dans l’autre – une évidence pour un auteur comme lui.
« Quand j’écris, je deviens moi-même tous mes personnages, comme si, moi-même, je devenais un terrain que tous ces personnages remplissent », a-t-il raconté lors de la soirée au Mahj. C’est à travers ce processus dans lequel il se livre à ses personnages que, malgré les différences qui séparent les hommes – que se soit des femmes ou des hommes, des enfants ou des adultes, des Palestiniens ou des Israéliens, « nous avons tous, quelque chose en commun, tout ce qui réside en nous existe également chez l’autre », a-t-il ajouté.
Dans les deux avant-derniers livres de Grossman Une femme fuyant l’annonce et Tomber hors du temps, l’auteur aborde le deuil, la souffrance insupportable de la perte d’un être cher.
Un auteur humain et compatissant
Un cheval entre dans un bar est un cri poignant du deuil, un réel coup de poing dans le ventre, et pourtant, tout au long du livre, on n’arrête pas d’éclater de rires, en s’étonnant nous-même de rire des blagues bon marché, voire vulgaires, méchantes ou racistes des personnages. Une nouveauté pour cet auteur qui avait jusque-là utilisé un langage littéraire et poétique.Le titre, « Un cheval entre dans un bar », fait référence au début d’une des blagues de Dovalé dans son one man show, dont on ne connaîtra d’ailleurs pas la chute
Si Tomber hors du temps se rapproche de la pure poésie, Un cheval entre dans un bar dévoile un nouveau Grossman, chez qui l’argot et l’agressivité dominent. Mais cet aspect violent ne fait que conférer d’autant plus de poids à la vulnérabilité et à la douleur intolérable de son protagoniste, Dovalé.
C’est dans cette dualité de l’homme que réside la grandeur de cet auteur sensible et compatissant
C’est dans cette dualité de l’homme que réside la grandeur de ce merveilleux auteur humain et compatissant.
Grossman, se dépasse une fois de plus dans ce nouvel ouvrage et contraint le lecteur comme il contraint Avisahaï Lazar, son personnage, à écouter son histoire jusqu’au bout, à l’écouter d’un seul souffle.
Dovale G., un artiste en fin de carrière, invite un ancien ami qu’il n’a pas vu depuis 43 ans, le distingué juge Avishaï Lazar dans une cave de la zone de la ville de Natanya, où il donne probablement la dernière représentation de son one man show. Le juge qui n’a jamais assisté à ce genre de spectacle qu’il considère comme vulgaire et sans intérêt, décide tout de même de céder aux implorations de son viel ami et décide finalement d’accepter l’invitation.
Assis au fond de la salle, Lazar regarde son ami faire son show et s’attend à un piège.
La soirée connaît un tournant lorsque Dovalé décide de remonter de la cave de sa psyché l’événement traumatique qui a déterminé sa vie, et qui l’a obligé à vivre une vie parallèle à celle qu’il devait vivre réellement.
Dovalé expose la déchirure de sa vie devant ce public, venu pour se relaxer en fin de semaine avec une bière et quelques blagues à deux sous. C’est là, devant ce public étranger, qu’il se découvre et invite son ami d’enfance à remonter le temps avec lui jusqu’à ce jour tragique où leurs chemins se sont séparés.
Au fur et à mesure de la progression du spectacle Avishaï Lazar, qui a trahi son ami au moment où il avait le plus besoin de son soutien, prend des notes sur des serviettes blanches. C’est lui qui écrira l’histoire de la soirée et changera la fin déplorable de leur ancienne amitié.
Avec Dovalé, Grossman retourne à l’enfance avec ses personnages comme Aharon dans Le Livre de la grammaire intérieure ou Momik dans Voir ci-dessous : amour. Ils ressemblent sans doute à l’auteur lui-même, un enfant qui se cachait sous la maison pour réinventer le monde, souvent chétifs et rouquins, ils ont leurs propres manières de contourner la réalité. Des enfants qui refusent souvent de grandir.
Dovalé l’enfant marche sur ses mains – c’est sa revendication de liberté, chez Grossman – c’est son écriture.
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