Toujours pas de fumée blanche pour Matignon mais la gauche fulmine et crie au « coup de force » : Emmanuel Macron a exclu formellement lundi de nommer un gouvernement du Nouveau Front populaire, en invoquant la « stabilité institutionnelle », et a annoncé de nouvelles consultations dès mardi.
À l’issue d’une première vague d’entretiens organisés vendredi et lundi à l’Élysée avec les chefs de parti, sept semaines après les élections législatives qui ont plongé le pays dans l’impasse politique, le chef de l’État n’est toujours pas en mesure de désigner un Premier ministre.
Malgré la pression du NFP, qui a le plus grand nombre de députés mais reste loin de la majorité absolue, il a refusé d’installer à Matignon Lucie Castets, la haute-fonctionnaire choisie par l’alliance de gauche. « Un gouvernement sur la base du seul programme et des seuls partis » qui la composent « serait immédiatement censuré par l’ensemble des autres groupes représentés à l’Assemblée nationale », et « la stabilité institutionnelle de notre pays impose donc de ne pas retenir cette option », a déclaré l’Elysée dans un communiqué.
Menace d’une procédure de destitution d’Emmanuel Macron
Le coordinateur de La France insoumise, Manuel Bompard, a aussitôt dénoncé « un coup de force antidémocratique inacceptable » et a confirmé qu’il entendait bien mettre à exécution la menace d’engager une procédure de destitution d’Emmanuel Macron.
Le président a créé « une situation d’une exceptionnelle gravité », a ajouté le leader insoumis Jean-Luc Mélenchon sur X, appelant à une « réplique populaire et politique rapide et ferme ». Il évoque également le dépôt d’une motion de destitution et la censure d’un gouvernement de droite.
Le Président de la République vient de créer une situation d’une exceptionnelle gravité. La réplique populaire et politique doit être rapide et ferme. La motion de destitution sera déposée. Le moment venu, la censure d’un gouvernement de droite viendra. Mais les organisations…
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) August 26, 2024
Le dirigeant des communistes Fabien Roussel a aussi prôné une « grande mobilisation populaire » face au choix du chef de l’État, qualifié de « honte » par la patronne des écologistes Marine Tondelier.
La gauche reproche à Emmanuel Macron d’être le vrai fauteur d’instabilité depuis sa dissolution controversée de l’Assemblée.
« Simulacre d’ouverture »
Peu avant le communiqué élyséen, Gabriel Attal, Premier ministre démissionnaire et chef des députés du parti présidentiel, avait confirmé une « censure inévitable » pour tout gouvernement autour du programme du seul NFP. L’initiative de Jean-Luc Mélenchon, qui a semblé ouvrir la porte à un soutien à un gouvernement dirigé par Lucie Castets sans participation de ministres LFI, n’est qu’un « simulacre d’ouverture », a balayé Gabriel Attal.
Les autres mouvements alliés d’Emmanuel Macron, ainsi que la droite et la droite nationaliste, avaient dit la même chose et soulignant qu’avec ou sans LFI, c’est le programme du NFP qui est « dangereux ».
L’absence de ministre insoumis, « ça ne change strictement rien », a tranché la cheffe des députés RN Marine Le Pen, en sortant à la mi-journée dans les jardins de l’Elysée. Devant la presse, elle a même réclamé l’ouverture d’une session extraordinaire du Parlement en septembre pour « que l’Assemblée nationale puisse être en situation d’opérer une censure si c’est nécessaire ».
Prolongations
Quant à Laurent Wauquiez, patron des députés Droite républicaine, il avait réaffirmé dès dimanche sa volonté de « faire barrage » à LFI, de son point de vue « sans doute le plus grand danger politique pour notre pays ».
Face aux désaccords entre partis, Emmanuel Macron a voulu se poser en arbitre. « Ma responsabilité est que le pays ne soit ni bloqué, ni affaibli », a-t-il plaidé dans le communiqué publié lundi soir à l’issue d’une deuxième journée de rendez-vous. Il a donc appelé les responsables politiques à faire « preuve d’esprit de responsabilité ».
Et il a exhorté particulièrement les socialistes, les communistes et les écologistes à « coopérer avec les autres forces politiques » – et donc à se désolidariser des mélenchonistes. « Le pompon ! », s’est exclamé Fabien Roussel en se gaussant de la perspective d’intégrer « un gouvernement de droite ».
Faute d’alternative viable, le chef de l’État va lancer dès mardi « un nouveau cycle de consultations » pour trouver un Premier ministre, avec les responsables des partis et « des personnalités se distinguant par l’expérience du service de l’État et de la République », a annoncé la présidence, sans fournir de précisions sur ces interlocuteurs ni sur le programme.
Un proche d’Emmanuel Macron a toutefois précisé à l’AFP que LFI, le RN et le groupe parlementaire d’Éric Ciotti n’étaient pas conviés à ce deuxième round d’entretiens.
De toutes manières, les membres du NFP ont déjà prévenu qu’il était hors de question de s’y rendre, dès lors qu’il ne s’agit pas de discuter de la mise en place d’un gouvernement Castets.
Le calendrier est serré : Emmanuel Macron, qui a plusieurs rendez-vous diplomatiques cette semaine, doit participer mercredi à la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques avant de s’envoler pour une visite en Serbie jeudi et vendredi.
Or, son choix devient urgent alors que Gabriel Attal gère les affaires courantes à Matignon depuis déjà 41 jours, du jamais-vu depuis l’après-guerre. Et qu’un budget doit être présenté théoriquement avant le 1er octobre.
Combien de temps vont durer ces prolongations ? La désignation d’un Premier ministre, espérée initialement vers mardi, n’est « pas exclue » cette semaine, mais pas garantie non plus, glisse désormais un conseiller de l’exécutif.
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