ANALYSE
OTTAWA – Le ministre des Finances, Bill Morneau, ne s’attendait probablement pas à ce qu’un membre de son propre caucus lui cause des ennuis lors d’une rencontre du comité des finances le 23 février. C’est pourtant ce qu’a fait le député libéral Robert-Falcon Ouellette.
M. Ouellette a déclaré à Epoch Times qu’il ne faisait que son travail. Il est toutefois difficile pour beaucoup de députés de trouver l’équilibre entre la ligne du parti et les attentes de leurs électeurs.
C’était la première fois que M. Morneau se présentait devant le comité, les députés de l’opposition lui ont posé des questions difficiles, quoique prévisibles. Ses collègues libéraux lui ont aussi posé des questions faciles, toutes aussi prévisibles, afin qu’il puisse promouvoir la plateforme de son parti et le prochain budget.
M. Ouellette a rompu les rangs, pour ainsi dire, et a utilisé ses interventions pour critiquer publiquement le ministre au sujet des subventions aux secteurs pétrolier et gazier.
Cet échange est survenu parce que M. Morneau, dans un geste inhabituel, a accordé plus de temps au comité afin que le député conservateur Ron Liepert et M. Ouellette puissent lui poser des questions.
M. Ouellette a commencé en posant une question incisive au sujet des effets du sous-financement et du manque de connaissance du fédéral de la vie des Canadiens autochtones.
Ensuite, il a tenté de prendre au piège le ministre en lui demandant si le gouvernement allait couper les subventions aux secteurs pétrolier et gazier, un engagement pris par le gouvernement précédent lors du sommet du G20.
Le ministre Morneau a évité la question la première fois, faisant état de l’engagement du gouvernement libéral de travailler avec les provinces pour bâtir une économie plus verte.
Le député Ouellette est revenu à la charge.
« Est-ce que cela veut dire que nous allons continuer avec les subventions de 2 milliards de dollars sur les coûts en capital au gaz naturel liquéfié qui ne créeront qu’environ 800 emplois permanents ? »
Encore une fois, M. Morneau a évité la question.
« Ce que je peux vous dire, comme je l’ai mentionné hier, nous allons de l’avant avec notre budget le 22 mars », a-t-il répondu. « Je ne suis pas encore au point où nous avons écrit tous les aspects de ce budget et il y a certains détails qui ne seront pas disponibles jusque là. »
C’est à ce moment que le président a mis fin aux questions pour laisser M. Morneau poursuivre sa journée.
C’est improbable que le ministre veuille s’attaquer aux subventions du pétrole et du gaz avec le baril de pétrole à 30 $ et un taux de chômage de plus de 7 % en Alberta. Éviter la question était probablement l’option la plus sûre.
M. Ouellette a indiqué plus tard aux journalistes qu’il appréciait la présence de M. Morneau au comité, mais il a ajouté qu’il espère que le ministre demeurera concentré sur les promesses faites sur la plateforme du parti, notamment sur le pétrole et le gaz et sur les questions autochtones.
« Je suis qui je suis »
M. Ouellette avait été perçu comme un candidat potentiel pour le cabinet, alors qu’on évoquait son nom pour occuper le poste de ministre des Affaires autochtones et du Nord, un poste qui est allé à la députée de Toronto-St.Paul, Carolynn Bennett.
Il avait commenté à l’époque qu’il aurait aimé faire partie du cabinet, mais que maintenant il aurait la liberté de se consacrer à d’autres choses. Par exemple, mettre son propre ministre sur la sellette.
« Je suis qui je suis. Je ne suis pas au gouvernement », a-t-il déclaré à Epoch Times.
Il dit être redevable envers ses électeurs.
« Je ne crois pas être redevable au premier ministre en ce qui concerne mon comportement. »
Les audiences comme celle du 23 février visent à donner au Parlement la chance d’examiner le gouvernement. M. Ouellette affirme qu’il s’agit d’une occasion d’obtenir des réponses et d’aiguiller le ministre dans une certaine direction ou de lui faire considérer différents points de vue.
Il n’a aucun remords de donner à son ministre matière à réfléchir.
En théorie, il n’y a là rien d’extraordinaire. Le rôle du Parlement est de voter des lois et de demander des comptes au gouvernement. Cependant, pour la plupart des députés du parti au pouvoir, il s’agit essentiellement de ne pas aborder les questions sur lesquelles le gouvernement ne veut pas se pencher.
Même les députés de l’opposition peinent lorsque leurs opinions personnelles, ou celles de leurs électeurs, entrent en conflit avec la ligne du parti.
Pour certains, comme le libéral Larry Bagnell – un député populaire du Yukon qui a perdu son siège en 2011 après avoir été forcé de voter pour le registre des armes d’épaule – ça peut leur coûter leur poste.
Dans le cas de M. Bagnell, l’histoire s’est bien terminée. Il a reconquis sa circonscription lors de la dernière élection. Pour beaucoup d’autres, cela peut vouloir dire abandonner la politique en raison des frustrations.
Députés frustrés
L’ONG Samara Canada a découvert par l’entremise d’entrevues avec des députés sortants que leurs principales frustrations ne venaient pas des bureaucrates ou des députés des autres partis.
« Les plus grandes frustrations auxquelles ils ont fait face au cours de leur carrière politique venaient de leur propre parti politique », indique un rapport de l’organisation.
« Encore et encore, les députés ont expliqué comment les décisions de la direction de leur parti étaient souvent perçues comme étant opaques, arbitraires et même non professionnelles, et comment les demandes des partis allaient souvent à l’encontre du désir des députés de faire de la politique d’une manière constructive. »
Pour ceux qui, comme M. Ouellette, détournent de la ligne du parti, il pourrait y avoir un prix. Être un joueur d’équipe peut être important pour obtenir un poste au cabinet. Certains députés peuvent aussi être ostracisés au sein du parti.
D’un autre côté, on peut gagner un certain respect.
Brent Rathgeber a été applaudi lorsqu’il a décidé de quitter le Parti conservateur en 2013 plutôt que d’accepter de neutraliser son projet de loi sur les divulgations publiques.
Malheureusement, être un excellent député n’est pas suffisant pour être réélu. C’est ce que M. Rathgeber a découvert au cours de la dernière élection. Il avait une campagne solide, du bon financement et amplement de temps pour faire du porte-à-porte, mais il a subi une cuisante défaite.
La réalité est que les gens ne votent habituellement pas pour un député. Ils votent pour un premier ministre et un parti. Cela pourrait expliquer pourquoi les partis s’attendent à ce que leurs députés suivent la ligne.
Le problème, bien entendu, c’est que les électeurs n’apprécient pas l’état actuel de la politique et ils ont une piètre estime des politiciens. Des voix fortes comme celles de Robert-Falcon Ouellette pourraient changer un peu la donne.
Version originale : Rookie Liberal MP Willing to Challenge Party Line
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