Ephraim Mattos, un ancien SEAL de la marine (les Navy SEALs sont la principale force spéciale de la marine de guerre des États-Unis), s’est rendu en Irak en 2017 après avoir rejoint les Free Burma Rangers (FBR), une organisation humanitaire qui opère dans les zones de guerre. Il était très conscient que Daech faisait des ravages en Irak et en Syrie, mais surtout, il voulait aider les civils coincés au milieu des combats.
« Si j’ai choisi d’y aller, c’est justement parce que c’était là que je pouvais voir qu’il y avait le plus grand besoin au monde, à l’époque », a reconnu M. Mattos.
Au début, il pensait qu’il ne ferait que du travail humanitaire. Il était loin de se douter qu’il participerait également aux combats.
Médecine de combat
Lorsque M. Mattos est arrivé pour la première fois en Irak, il a passé un mois dans la banlieue de Mossoul. Le jeune homme travaillait avec une unité blindée irakienne qui dégageait les villages et les villes à l’extérieur de Mossoul, et à l’époque il ne pensait pas qu’il rentrerait dans la ville.
Cependant, le 4 mai 2017, Ephraim Mattos a appris qu’ils se dirigeaient vers l’ouest de Mossoul. Au début, il pensait qu’ils allaient faire une petite poussée vers la ville, mais ils se sont retrouvés à l’extrémité de la ville. Ce qui devait être une mission de trois heures s’est finalement transformé en trois jours de combats incessants. Les chars irakiens ont tiré et ont effectué une charge de cavalerie vers Mossoul. Les chasseurs de Daech ont ouvert le feu, lâché des mortiers et tiré sur quiconque se trouvait à l’extérieur d’un char.
Lorsqu’ils sont arrivés dans la ville de Mossoul, M. Mattos a été témoin de la pauvreté et de la destruction qui avaient frappé la ville. Il a découvert que Daech tirait sur des civils qui tentaient de fuir. Dans les premières heures qui ont suivi les combats, leur chauffeur a reçu six balles alors qu’il tentait de secourir leur interprète, qui avait été blessé. D’autres ont pris des éclats d’obus.
« Cet endroit n’était qu’un hachoir à viande. L’air était tout simplement rempli de balles », se souvient l’ex-marine.
Le tout premier jour, M. Mattos a tenu la main d’une petite fille qui était inconsciente après avoir reçu une balle dans la tête, et il a pleuré. Après s’être ressaisi, il est devenu encore plus motivé et engagé à aider les civils et à combattre Daech.
« On pense toujours au mal en termes abstraits. On pense toujours que c’est juste des images dans un livre ou des images sur un écran. On ne le voit jamais vraiment, on ne le sent jamais, on n’entend jamais ses cris. On n’en fait jamais vraiment l’expérience tant qu’on n’est pas là », explique Ephraim Mattos.
Les trois premiers jours ont consisté à traiter des patients toute la journée jusque tard dans la nuit. Pendant les 30 jours suivants, ils ont poussé de plus en plus loin dans la ville. Au fil des jours, le jeune homme a été témoin d’innombrables atrocités, qui sont devenues de plus en plus horribles à mesure qu’ils se rapprochaient du centre-ville.
« D’un point de vue personnel, il était très facile de dire : ‘Vous savez quoi ? Oui, je mourrai pour y mettre fin s’il le faut’, et avec le niveau de mal qui était là, je sens que cela a juste endurci nos cœurs et nous a rendus plus déterminés à les combattre et à y mettre fin tellement ils sont diaboliques », explique M. Mattos.
Le 1er juin 2017, Ephraim Mattos, les FBR et l’armée irakienne ont appris que des dizaines de civils se faisaient tirer dessus. Ils ont mis en place un poste de contrôle médical et ont commencé à traiter des patients. L’ancien marine a vu des civils pâles, troublés et en état de choc lorsqu’ils approchaient du poste de contrôle. Un homme s’est approché d’eux et est tombé par terre en pleurant. Daech avait abattu ses deux filles devant lui cette journée-là.
Ils ont passé toute la nuit à soigner les gens, alors que de plus en plus de civils blessés tentaient de fuir sous le couvert de l’obscurité.
Les champs de la mort de Mossoul
Le lendemain matin, M. Mattos a vu ce qui était autrefois une autoroute à six voies, couverte de gravats et parsemée de véhicules brûlés. Alors qu’ils approchaient de la route, ils ont commencé à voir des corps sur la route. Ils sont entrés dans un immeuble pour avoir une meilleure vision, et de là, ils ont pu voir des dizaines de corps éparpillés dans la rue.
« J’ai vu cela, et ma première pensée a été qu’il s’agissait de champs de la mort », se souvient le jeune homme. « C’était dur de comprendre que ce genre de choses arrive encore de nos jours. »
Un homme âgé était effondré, tué dans son fauteuil roulant. Deux petites filles gisaient mortes l’une à côté de l’autre, et ils ont réalisé qu’ils s’agissait probablement des filles de l’homme avec qui ils avaient parlé la veille. Ils ont aussi vu des enfants et deux hommes vivants au milieu des corps. Certains enfants marchaient d’un corps à l’autre à la recherche de nourriture et d’eau.
« Les enfants n’avaient aucune idée de ce qui se passait. Ils avaient juste un visage de marbre, clairement en état de choc […] ils ne savaient pas quoi faire », se souvient Ephraim Mattos.
L’ex-marine et les autres savaient qu’ils devaient aller les sauver. Cependant, il y avait un problème stratégique. Ces civils se trouvaient en territoire contrôlé par Daech. Finalement, l’armée irakienne a fourni un char à M. Mattos et aux autres missionnaires. Ils ont pu faire appel à un écran de fumée de l’armée américaine, qui les a couverts un peu alors qu’ils avançaient au milieu de la rue pour sauver les survivants.
Dès que le jeune homme et d’autres volontaires sont arrivés derrière le char, Daech a immédiatement commencé à tirer et à lâcher des mortiers. Quand ils ont atteint les corps, beaucoup d’enfants étaient déjà morts. Mais il y avait une petite fille et deux hommes âgés qu’ils savaient encore en vie.
Sauvetage et survie
M. Mattos a essayé d’aller chercher l’un des hommes âgés et de le mettre à couvert derrière un char irakien. Cependant, l’homme âgé était trop blessé pour qu’on le soulève et il se serait vidé de son sang si Ephraim Mattos avait essayé de le porter. Le jeune homme et son équipe ont trouvé le dessus d’une table dans la rue et en ont fait une civière de fortune.
Ils ont essayé d’attacher l’homme sur la table, mais ils n’ont pas eu le temps de le faire car le char irakien a commencé à reculer. L’homme a commencé à glisser de la table alors que Daech continuait à tirer, et M. Mattos a tiré à son tour avant d’essayer de ramener l’homme sur la civière. Alors qu’Ephraim Mattos retournait derrière le char d’assaut, on lui a immédiatement tiré une balle dans le mollet droit et il est tombé. Le char était sur le point de lui passer dessus.
« Je n’avais pas le choix. Soit je me levais en espérant que ma jambe ne se casse pas en deux quand je mettrais du poids dessus, soit je mourais. C’était mes deux options », a raconté M. Mattos.
L’ex-marine s’est levé, et son os a tenu. Ils ont continué à reculer vers la position du blindé irakien, et M. Mattos appliqua un garrot à sa jambe. Au milieu de tout cela, il a trébuché sur ce qu’il croyait être le corps d’une des filles de l’homme qu’ils avaient rencontré au poste de contrôle médical la veille.
Sa jambe, quant à elle, n’allait pas bien.
« Maintenant, je vois qu’il y a deux trous dans ma jambe, et que le sang gicle de là. Du sang rouge vif oxygéné, donc j’ai pensé qu’il y avait une petite chance qu’une artère ait été touchée ou quelque chose comme ça. Je savais donc qu’il ne me restait que quatre ou cinq minutes à vivre au maximum si une artère était touchée, et je sentais le sang couler à flots dans ma botte et tout le reste », se rappelle M. Mattos.
Une fois qu’ils ont atteint les lignes de l’armée irakienne, ils leur restait quand même une rue à traverser pour se mettre à l’abri. Cependant, ils avaient besoin d’être couverts pour traverser la rue sans se faire tirer dessus. M. Mattos était étourdi et avait perdu beaucoup de sang. Il n’avait pas le temps d’attendre. Il a boité jusqu’à l’autre côté de la rue sur sa jambe blessée. Daech a ouvert le feu mais l’a raté. Les médecins ont commencé à travailler sur sa jambe, et un journaliste français qui s’était embarqué avec eux a conduit un Humvee dans la rue pour récupérer les autres sous le feu. En fin de compte, ils ont réussi à sauver la petite fille et l’un des hommes âgés.
La « ville de la mort »
M. Mattos a été emmené dans une mosquée bombardée qui servait d’hôpital de campagne de fortune. Après y avoir été soigné, il a été emmené dans un hôpital kurde à Erbil. La nuit, les analgésiques des patients s’estompaient et il pouvait les entendre crier et pleurer dans l’obscurité. Il a pu partir le lendemain et, après quelques semaines de convalescence, il est retourné aux États-Unis.
« J’étais content d’être en vie », a reconnu M. Mattos.
Après son expérience, Ephraim Mattos a décidé d’écrire un livre intitulé City of Death: Humanitarian Warriors in the Battle of Mosul (La ville de la mort : Guerriers humanitaires dans la bataille de Mossoul). Il avait toujours eu une passion pour l’écriture, et il avait tenu un journal pendant qu’il se battait à Mossoul. Il savait que lui et les autres avaient participé à quelque chose d’historique, et il se sentait obligé de raconter au monde ce qui s’était passé.
Comme il l’a écrit, le souvenir de la petite fille sur laquelle il avait trébuché l’a guidé. Il ne voulait pas qu’on l’oublie.
Non seulement il voulait raconter l’histoire de la bataille et à quel point Daech est diabolique, mais il voulait aussi attirer l’attention sur les Irakiens qui s’étaient battus et étaient morts pour libérer la ville de l’emprise de Daech. En fait, le livre est consacré à la neuvième division blindée de l’armée irakienne. Ensemble, ils avaient libéré Mossoul de la domination de Daech.
« Leur courage, leur bravoure, leur sacrifice sont quelque chose que je n’avais jamais vu auparavant », affirme M. Mattos.
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