À Ajaccio, un « fauteuil à étreindre » financé par l’Agence régionale de santé (ARS) est testé depuis janvier dans une maison d’accueil spécialisée pour aider les pensionnaires autistes à calmer leur anxiété, une expérimentation concluante selon les soignants.
« On voit de vrais effets positifs sur son visage qui se relâche, un réel apaisement », insiste Yuna Wolff, éducatrice spécialisée, qui vient de lancer une séance de 20 minutes pour Xavier, 34 ans, résidant de la maison d’accueil des Magnolias, qui souffre d’un trouble sévère du spectre de l’autisme (TSA).
À l’aide d’une télécommande, l’éducatrice a activé des compressions au niveau des cuisses et des épaules, qui enserrent progressivement Xavier dans ce fauteuil en cuir rose pastel et bois, le conduisant à lâcher prise.
« Xavier adore ça ! Ca lui permet de s’apaiser dans des moments où il peut être un petit peu sollicité sensoriellement. Et en même temps c’est un moment de plaisir pour lui, parce qu’il aime cette pression profonde », explique Yuna Wolff à l’AFP. L’anxiété de ce pensionnaire peut se manifester par du « flapping » (agiter les mains), des sautillements et des vocalises, précise l’éducatrice.
« C’est basé sur des études scientifiques très solides. C’est une méthode qui vient des États-Unis et notamment de la célèbre professeure Temple Grandin, qui a créé cette machine pour elle-même, qui présentait des troubles, et avait besoin d’être étreinte fortement pour diminuer son anxiété », ajoute Julie Le Berre, neuropsychologue de cet établissement géré par l’association « Espoir Autisme Corse ».
En phase de test sur des résidents autistes
Testée sur les dix résidents permanents de la maison d’accueil, « on a vu, pour huit d’entre eux, que ça leur plaisait », rapporte-t-elle, précisant que « les bénéfices peuvent durer plusieurs heures » pour des séances de « zéro à 20 minutes maximum », plusieurs fois par semaine.
« Les personnes qui l’utilisent n’ont pas la faculté de parler (et de témoigner eux-mêmes), néanmoins, les effets physiques sont perceptibles, avec une diminution des stéréotypies, de l’agitation et un relâchement du corps », note-t-elle.
« Quand la phase de tests sera terminée et qu’on saura quand leur proposer des séances, à quel rythme et pour quelle durée optimale, on espère voir vraiment une diminution des troubles du comportement et de l’agitation », avance cette soignante, qui voit également un possible intérêt à ce fauteuil pour plusieurs autres troubles du neurodéveloppement.
Ce fauteuil « Oto », conçu par Alexia Audrain, une jeune ébéniste et designer nantaise, a été récompensé par plusieurs prix dont ceux du Handitech Trophy 2023 (prix Parcours et dispositifs de santé et prix Coup de cœur Bpifrance) et du « James Dyson Award » en 2021.
Dans cette maison d’accueil où il est testé depuis janvier, le fauteuil a été installé dans une « salle blanche » hyposensorielle prévue pour les malades hypersensibles aux différentes stimulations sonores ou visuelles.
« On est un peu pionnier puisque nous sommes la première ARS au national à avoir financé ce prototype, que nous avons confié à l’association Espoir Autisme Corse », a expliqué à l’AFP Philippe Mortel, directeur adjoint de l’ARS Corse, précisant que ce fauteuil a coûté un peu plus de 5000 euros.
« L’enjeu c’est de faire un bilan de l’utilisation et si elle est concluante », de développer ce fauteuil comme « un outil supplémentaire au service des personnes autistes », « dans les établissements comme dans les espaces publics », explique-t-il, envisageant une installation d’un de ces fauteuils dans le centre-ville d’Ajaccio.
« Si les villes s’adaptaient, on pourrait arriver à rendre la société beaucoup plus vivable pour ces personnes », fait-il valoir.
Les troubles du spectre de l’autisme représentent entre 0,9% et 1,2% des naissances, soit environ 7.500 bébés chaque année, indique le ministère de la Santé sur handicap.gouv.fr. La Haute Autorité de santé estime qu’environ 100.000 jeunes de moins de 20 ans et près de 600.000 adultes sont autistes en France.
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