Un homme d’affaires chinois est mort de façon suspecte le 21 septembre, peu après avoir publié un rapport détaillé sur la corruption de la police.
Cai Yunfeng, un homme d’affaires de 53 ans travaillant dans le secteur de l’hôtellerie dans la province chinoise du Gansu (nord‑ouest), est décédé le 21 septembre, trois jours après avoir publié 30 pages de documents exposant des dizaines de fonctionnaires locaux corrompus.
Si de nombreuses affaires impliquant l’armée chinoise ont été médiatisées, cet incident est inhabituel car il a permis de démasquer des actes répréhensibles au sein du système de sécurité publique.
La corruption au sein du Parti communiste chinois (PCC), tant au niveau central que local, est très concrète. Les analystes affirment que chaque fonctionnaire corrompu en Chine est soutenu par un ou deux hommes d’affaires corrompus. Et, comme Cai Yunfeng, chaque personne impliquée tient un « petit livre noir » pour impliquer les autres.
« Cai Yunfeng risque sa vie pour se mettre à table »
Fin juillet, Cai Yunfeng a créé le hashtag Weibo « Cai Yunfeng risque sa vie pour se mettre à table » et a annoncé qu’il publierait prochainement des rapports et des vidéos sur le département de police local corrompu dirigé par un certain Yao Yuan.
M. Cai a envoyé son rapport de 20.000 mots à la Commission centrale chinoise d’inspection de la discipline et à d’autres organismes de surveillance de la corruption.
Le rapport donne des informations sur l’ancien directeur adjoint du Département de la sécurité publique de la province du Gansu, Yao Yuan, et sa femme, Lin Mingyu. Il affirme que ces deux personnes sont impliquées dans des affaires de corruption grave et met en cause des dizaines de fonctionnaires qui leur sont associés.
M. Cai a ensuite publié le rapport en ligne, ainsi que les noms, numéros d’identité et numéros de téléphone des personnes impliquées. Il a indiqué qu’il avait publié moins d’un tiers des documents qu’il avait compilés et que d’autres informations seraient bientôt disponibles.
Après avoir mis les documents en ligne, M. Cai a publié une vidéo confirmant qu’il était bien la source du rapport.
« J’ai vécu une autre nuit »
Le 1er septembre, M. Cai a rendu le rapport public. Le lendemain, il a écrit : « J’ai vécu une autre nuit. »
Fait notable, le rapport a survécu deux jours en ligne avant d’être supprimé. Dans la soirée du 20 septembre, cependant, les messages ont été supprimés et M. Cai a disparu.
Quelques heures avant sa mort, son interview en ligne avec un certain nombre de journalistes a été interrompue parce que « la police est arrivée », selon un rapport.
Les bureaux locaux de la sécurité publique ont gardé le silence lorsque des internautes chinois et des médias étrangers ont demandé où se trouvait M. Cai.
Les médias chinois n’ont pas confirmé sa mort avant le 14 octobre. « Il s’est jeté dans le vide de son appartement à Lanzhou vers 4 heures du matin le 21 septembre », selon Caixin.
Toutefois, Radio Free Asia (RFA) a rapporté que M. Cai avait clairement indiqué sur les médias sociaux qu’il ne se suiciderait pas et que s’il mourait, ce serait parce qu’il avait été tué.
Des renseignements donnent de la crédibilité au rapport
M. Cai a servi de « gant blanc », ou d’intermédiaire, à Yao Yuan tout au long de sa carrière dans la police, des années 1990 à la mort de Yao Yuan en 2013.
Le rapport décrit comment Yao Yuan, sa femme et d’autres policiers ont été impliqués dans l’achat de titres officiels et dans la collecte de pots‑de‑vin pour des placements, des projets locaux et d’autres activités. Le rapport contenait des détails sur au moins 12 propriétés achetées pour le couple en guise de pots‑de‑vin.
La crédibilité du rapport est renforcée par des anecdotes internes telles que la façon dont la femme de Yao Yuan, Lin Mingyu, a soudoyé la femme de l’ancien vice‑ministre de la Sécurité publique, Fu Zhenghua, afin d’obtenir un emploi pour le gendre du couple.
Lors d’une fête, la femme de Fu Zhenghua a fait des compliments sur le bracelet de jade de Lin Mingyu. Peu après, Lin Mingyu a offert à la femme de Fu Zhenghua une boîte à bijoux contenant trois bracelets de jade de grande valeur, dont celui qu’elle avait admiré.
Fu Zhenghua a été condamné à la prison à vie le 23 septembre pour corruption. Il a admis avoir accepté des pots‑de‑vin d’un montant supérieur à 117 millions de yuans (16,5 millions d’euros).
Le petit livre noir
Les promotions sous le régime du PCC sont toujours assorties d’une « étiquette de prix », selon l’historien Li Yuanhua, ancien professeur à l’Université normale de la capitale de Pékin, qui vit désormais en Australie.
« Payer pour la promotion… C’est la règle générale dans tout le système officiel du PCC », a affirmé Li Yuanhua dans une interview récente avec l’édition en langue chinoise d’Epoch Times.
« Qu’il s’agisse d’un partenariat, d’un bénéfice mutuel ou … de l’exploitation de la relation, en fait, chaque personne impliquée tient un livre qui lui est propre. Ils le préparent tous au cas où cela permettrait de régler des problèmes. Personne dans la sphère officielle du PCC n’est digne de confiance », selon Li Yuanhua le 16 octobre.
Li Yuanhua estime que le rapport de M. Cai a touché l’intérêt des personnes au pouvoir qui sont profondément liées à la pègre locale. Les autorités de type mafieuses du PCC déterminent la vie et la mort à leur guise. « Il n’est pas surprenant que M. Cai se soit prétendument suicidé. »
En tant que « témoin et collaborateur », M. Cai a avoué qu’il n’était pas innocent. Il était pleinement conscient du danger qu’il courait, mais a estimé que le moment était venu, selon l’article de Caixin.
Une lumière rare sur la corruption de la police
Lin Shengliang, un dissident chinois vivant aux Pays‑Bas, a déclaré à l’édition chinoise d’Epoch Times que cette affaire suscitait une attention particulière. Si les révélations de corruption au sein de l’armée ne sont pas inhabituelles, Lin Shengliang pense qu’il s’agit peut‑être de la première révélation publique d’une corruption généralisée au sein du système de sécurité publique.
« Dans le passé, nous n’avons vu que les militaires. Des affaires importantes et à grande échelle avec des prix clairement marqués, comme les cas de Guo Boxiong et Xu Caihou. De tels cas de corruption à grande échelle dans le système de sécurité publique seraient être exposés pour la première fois. »
Wang Zhian, un ancien journaliste d’investigation, a analysé l’affaire sur sa chaîne YouTube, Wang Sir’s News Talk. Wang Zhian a déclaré que tous les fonctionnaires du PCC qui réussissent ont un ou deux hommes d’affaires derrière eux.
Ces hommes d’affaires, bien que proches du noyau du pouvoir et servant de parapluie protecteur, sont situés au bas du réseau du pouvoir. Ils sont « en réalité insignifiants », a expliqué Wang Zhian.
Parce que M. Cai était « insignifiant », il ne pouvait pas s’attendre à ce que son rapport reçoive une grande attention de la part des organismes de surveillance anti‑corruption du PCC. C’est peut‑être ce qui l’a poussé à partager les détails publiquement sur les médias sociaux.
Les commentaires des médias sociaux chinois sur l’incident ont été supprimés, y compris l’article de Caixin du 14 octobre révélant la mort de M. Cai.
Epoch Times a passé plusieurs appels au Bureau de la sécurité publique de Lanzhou et aux départements concernés, mais ces appels sont restés sans réponse.
Xiao Lusheng et Luo Ya ont contribué à cet article.
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