Une septième personne a été tuée vendredi, pour la première fois par un membre des forces de l’ordre, en Nouvelle-Calédonie, toujours dans l’incertitude au lendemain d’une visite du président Emmanuel Macron, qui a promis que la réforme électorale contestée par les indépendantistes ne passerait « pas en force ».
Un homme de 48 ans a été tué par un policier, a annoncé le procureur de Nouméa Yves Dupas. Alors qu’ils circulaient à Dumbéa, au nord de Nouméa, deux policiers ont été « pris à partie physiquement par un groupe d’une quinzaine d’individus » et l’un d’eux a fait usage de son arme, a-t-il expliqué.
« Dans des circonstances qu’il reste à déterminer, le fonctionnaire aurait fait usage de son arme de service en tirant un coup de feu pour s’extraire de cette altercation physique », a précisé le magistrat. Le policier, « sur lequel des traces de coups ont été relevées », a été placé en garde à vue et le parquet a ouvert une enquête pour homicide volontaire par personne dépositaire de l’autorité publique.
Depuis le début des émeutes, les violences avaient déjà fait six morts : deux gendarmes, dont un dans un tir accidentel, trois Kanak (autochtones) et un Caldoche (Calédonien d’origine européenne). Aucun, hormis le décès accidentel, n’était à imputer jusque là aux forces de l’ordre.
Ce qui a mis le feu aux poudres
Lors de sa visite jeudi, Emmanuel Macron a rencontré loyalistes, favorables à l’élargissement du corps électoral pour les scrutins provinciaux, et indépendantistes qui estiment que cette mesure va réduire leur poids. C’est l’adoption de ce projet de loi par les sénateurs puis les députés qui a mis le feu aux poudres et déclenché une vague de violences que l’île n’avait plus connue depuis quatre décennies.
« Je me suis engagé à ce que cette réforme ne passe pas en force », a promis Emmanuel Macron lors de son déplacement. Mais il a demandé « la reprise du dialogue en vue d’un accord global » pour accorder le droit de vote à davantage d’électeurs d’ici à fin juin, afin qu’ensuite il « puisse être soumis au vote des Calédoniens ».
Avant cette échéance, l’« objectif est de rétablir l’ordre dans les jours à venir », a répété le chef de l’État. Dans un entretien aux médias locaux vendredi, il a exigé « de manière immédiate » « la levée de tous les blocages », les « points de violence » et demandé « qu’il y ait un appel clair à ces levées » de la part notamment des indépendantistes du FLNKS ou de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), le collectif accusé par le gouvernement de piloter les émeutes.
« Apparemment le président de la République ne veut pas nous écouter »
Depuis leur début le 13 mai, les émeutes ont causé des dégâts considérables dans le territoire français du Pacifique Sud. L’état d’urgence instauré le 16 mai continue d’y prévaloir : couvre-feu nocturne, interdiction de rassemblement, de transports d’armes et de vente d’alcool, bannissement de l’application TikTok.
Des barrages instaurés par les émeutiers restent en place. Sur la côte est de la Grande Ile, le carrefour entre la route qui en traverse le centre et celle qui longe l’océan est ainsi bloqué à tous les véhicules, sauf ceux de secours.
Dans le quartier de Montravel à Nouméa, les militants étaient en attente vendredi d’une communication officielle du FLNKS sur « les directives » pour la suite du mouvement. « On se tient prêt à poursuivre la mobilisation puisque apparemment le président de la République ne veut pas nous écouter », a expliqué à l’AFP Yamel, un militant opposé à la réforme électorale.
« Tant qu’il n’y aura pas d’indépendance, il n’y aura pas de sécurité », a prévenu de son côté sous couvert d’anonymat un militant de 51 ans tenant un barrage dans un quartier nord de Nouméa.
« On attend tous la décision du FLNKS », a affirmé de son côté l’une des chefs de file des loyalistes, Sonia Backès, sur la radio RRB. « Un accord est possible si tout le monde est de bonne foi », a estimé l’ex-secrétaire d’État du gouvernement, prévenant que le retour au calme prendrait du temps.
Des avancées dans la reprise de la vie quotidienne
La vie reprend doucement dans l’archipel. « Les opérations de déblaiement avancent » sur les routes et « une centaine de barrages ont pu être neutralisés », a rapporté le Haut-commissariat de la République. La Banque de Nouvelle-Calédonie a par ailleurs annoncé la réouverture vendredi de cinq de ses 18 agences. Trois d’entre elles ont été incendiées.
Quelque 3000 policiers et gendarmes participent à la sécurisation de l’archipel, « appuyés par plus de 130 effectifs du Raid et du GIGN », les unités d’élite de la police et de la gendarmerie, selon le Haut-commissariat. Depuis le début de la crise, plus de 350 personnes ont été interpellées et « 60 officiers de police judiciaire mènent un travail sans relâche pour instruire les enquêtes en cours », a précisé le Haut-commissariat.
L’aéroport de La Tontouta reste fermé aux vols commerciaux depuis le 14 mai et jusqu’à mardi, a annoncé vendredi son exploitant, la Chambre de commerce et d’industrie. « Il n’y a pas de réouverture prévue parce que (…) l’objectif prioritaire est de permettre l’accueil des renforts de police, des engins, du fret », a fait valoir sur BFMTV la ministre déléguée chargée des Outre-mer Marie Guévenoux. En outre, l’acheminement des voyageurs jusqu’à l’aéroport est compromis par le maintien de certains barrages, a-t-elle ajouté.
Évacuations en cours
Les pays voisins s’activent pour trouver les moyens de faire évacuer leurs ressortissants.
Le gouvernement du Vanuatu a indiqué qu’il organisait vendredi le rapatriement de quelque 160 étudiants dans la journée. Selon les images de la chaîne de télévision VBTC, c’est un avion militaire français qui a assuré le premier vol.
La Nouvelle-Zélande a annoncé l’arrivée de 50 de ses ressortissants vendredi matin à Auckland.
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