Face à l’opposition des distributeurs, Emmanuel Macron a renoncé à autoriser la vente à perte de carburant, laissant dans un projet de loi présenté mercredi par le gouvernement seulement le volet de lutte contre l’inflation alimentaire.
L’idée de la vente à perte n’aura vécu qu’une semaine depuis que la Première ministre Élisabeth Borne l’avait annoncée avec l’espoir de faire baisser les prix à la pompe. « La menace de baisser le seuil de vente à perte a été brandie. Elle ne sera pas dans le texte de mercredi (en Conseil des ministres, ndlr). On la garde comme menace », a déclaré dimanche M. Macron sur France 2 et TF1.
À la demande du chef de l’État, la Première ministre a convié mardi à Matignon les représentants de la filière afin de leur demander de vendre leur carburant « à prix coûtant » – ce qu’ils font déjà régulièrement lors d’opérations commerciales. Raffineurs, distributeurs et fédérations professionnelles de pétroliers sont attendus mardi à 17h30, a indiqué l’entourage d’Élisabeth Borne. Cette dernière sera entourée de plusieurs ministres, selon la même source. « Il s’agit de trouver des solutions pour que les Français ne soient pas pénalisés par la hausse des prix des carburants », a insisté l’entourage.
« 100 euros par voiture et par an »
Emmanuel Macron a en tout cas annoncé dimanche une nouvelle aide pour compenser le prix élevé du carburant, « limitée aux travailleurs » et qui pourrait atteindre « 100 euros par voiture et par an », pour les 50% de ménages gagnant le moins. Aucun distributeur joint par l’AFP n’a souhaité commenter ou n’avait répondu dans l’immédiat au renoncement d’autoriser la vente à perte. L’un d’entre eux a juste soufflé : « Le bon sens et la cohérence politique l’ont emporté. »
« On se réjouit de l’abandon de cette mesure qui était anti-économique, au profit d’une aide directe au consommateur », a réagi auprès de l’AFP Jacques Creyssel, délégué général de la Fédération du Commerce et de la Distribution (FCD). Pour l’exécutif, il y a urgence à trouver des solutions à la forte hausse des prix à la pompe depuis cet été, autour des deux euros le litre, dans le sillage de l’envolée des cours du pétrole, appelée à continuer.
Les distributeurs E.Leclerc, Carrefour, Intermarché et Système U s’étaient tous opposés à l’idée de vendre leur essence à perte. L’interdiction « de la revente à perte est un principe très important du commerce depuis 1963 », a estimé Alexandre Bompard, PDG de Carrefour et président de la FCD, devant l’Assemblée nationale mercredi. Environ la moitié des stations-service de France sont exploitées par des grandes surfaces. Le projet de loi attendu en Conseil des ministres – en même temps que le projet de budget de l’État pour 2024 –, portera donc principalement sur l’inflation alimentaire, mais avec une portée incertaine.
« Un accord sur la modération des marges »
En réponse aux supermarchés qui accusent leurs fournisseurs agro-industriels de ne pas vouloir renégocier leurs tarifs à la baisse alors que leurs coûts auraient selon eux baissé, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a dit vouloir avancer au 15 janvier la clôture de ces discussions annuelles, habituellement achevées en mars. Emmanuel Macron a, lui, précisé dimanche vouloir trouver avec les grands industriels « un accord sur la modération des marges dans le secteur » avec des « contrôleurs qui procèderont à des vérifications ».
Ces annonces s’inscrivent dans un cadre de forte inflation des prix des produits alimentaires (11,2% sur un an en août, selon l’Insee). Le changement de calendrier ne concernerait que les plus gros industriels, souvent des multinationales comme Nestlé, Mondelez ou Procter&Gamble.
Rien ne permet cependant d’assurer que les renégociations accoucheront de baisses de tarifs. Les industriels affirment en cœur que leurs coûts de production sont loin d’avoir baissé, et que le repli de certaines matières premières n’est pas forcément significatif. Ce à quoi les supermarchés rétorquent que les hausses consenties lors du précédent cycle de négociation pour 2023 (+9% en moyenne) étaient basées sur des anticipations de hausses de coûts qui ne se sont que partiellement confirmées.
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